vendredi 30 mai 2014

Les protéines vertes sont faites pour nous !

On entend souvent dire que les protéines animales sont supérieures aux protéines végétales. Mais est-ce vraiment le cas ?

Les protéines sont constituées d’acides aminés que nous utilisons comme « blocs de construction » de notre organisme. Ce dernier les déconstruit a n de recomposer les acides aminés spéci ques à nos besoins. Mais huit acides aminés essentiels (isoleucine, leucine, lysine, méthionine, phénylalanine, thréonine, tryptophane et valine) ne peuvent l’être et doivent donc être apportés tels quels par nos aliments. Pour être utilisés ef - cacement, ils doivent se trouver dans des proportions à peu près semblables. On dit alors que la protéine est équilibrée. On constate que les protéines des produits animaux (viande, poisson, oeufs, fromages et laitages) sont équilibrées en acides aminés essentiels. En revanche, les céréales se montrent dé cientes en lysine et les légumineuses en méthionine, ce qui pourrait conduire à des carences protéiques si l’on se nourrissait exclusivement de l’un ou de l’autre de ces aliments.

Dans les faits, la plupart des systèmes alimentaires traditionnels combinent céréales et légumineuses : riz et soja en Asie, maïs et haricots en Amérique, blé et pois chiches autour de la Méditerranée, mil et niébé en Afrique, etc. La réalité est que, depuis le Moyen Âge, les produits animaux, et la viande en particulier, ont été extrêmement valorisés par rapport aux végétaux et sont devenus symboles d’un statut supérieur : quand on est riche, on mange de la viande ; quand on est pauvre, on « végète »… Et la science du XIXe siècle s’en étant mêlée, elle a fourni une justi cation of cielle : « Si vous ne mangez pas de produits animaux, vous aurez une carence en protéines ! » Pourtant les protéines existant dans les parties vertes, chlorophylliennes, des végétaux sont parfaitement équilibrées en acides aminés essentiels – contrairement aux protéines des organes de réserve que sont les céréales et les légumineuses.

C’est ce qui ressort de l’étude sur les « fécules » de plantes de 1733 du chimiste français Guillaume- François Rouelle, puis des travaux publiés en 1981 par l’équipe du Pr Coste, de l’Institut national agronomique sur l’extraction de protéines foliaires pour nourrir les animaux. Ce fabuleux réservoir de protéines est jusqu’à présent inexploité, car on ne change pas facilement ses habitudes. Il est certain que les légumes cultivés, sélectionnés pour leur taille et largement arrosés, sont gorgés d’eau et donc relativement pauvres en nutriments. Leur teneur en protéines serait sans doute trop faible pour être prise en compte dans l’apport alimentaire quotidien. En revanche, les plantes sauvages, qui poussent d’elles-mêmes aux endroits qui leur conviennent le mieux, présentent d’étonnantes teneurs en protéines : 4,2 % pour la bourse-à-pasteur et le chénopode blanc, 4,5 % pour la mauve et jusqu’à 9 % pour l’ortie – et la liste serait facile à allonger. En outre, ces végétaux, véritables alicaments naturels, apportent à notre organisme toute la cohorte des nutriments essentiels : vitamines, sels minéraux, oligo-éléments, acides gras oméga 6 et oméga 3, avonoïdes et autres antioxydants… Bref, nous sommes bel et bien faits pour manger des feuilles.

François Couplan
Pour en savoir plus « Guide nutritionnel des plantes sauvages et cultivées », de François Couplan, éd. Delachaux et Niestlé.
François Couplan est l’auteur de nombreux ouvrages sur les plantes et la nature. Il organise des stages et des formations. Infos : www.couplan.com

jeudi 29 mai 2014

Se réjouir d'être vivant par Christophe André

1- REPENSEZ CHAQUE SOIR À TROIS BONNES CHOSES 
 Demandez-vous avant de vous endormir ce que vous avez vécu de beau. Et à qui vous le devez. À des proches, à des inconnus, à Dieu ? C’est un exercice que je recommande souvent en psychologie positive. Plus on s’y entraîne, plus on ouvre son cœur et son esprit à la gratitude et à la conscience de nos codépendances : nous avons à nous réjouir de ce que nous devons à autrui, et non à nous en inquiéter. 

2- FAITES L'EFFORT DE MÉDITER RÉGULIÈREMENT 
 En dix ans de groupe de méditation avec mes patients à l'hôpital Sainte-Anne, je vois à quel point cet apprentissage, même pour des personnes en difficulté, ouvre les yeux sur la vie contemplative, qui elle-même est source de force et d'apaisement. Apprendre à rester calme, à être présent au monde, à se nourrir de l'instant sur sa chaise au soleil ou dans une file d’attente sous la pluie, c’est accessible à chacun et cela s’apprend. Ces petits outils que sont le travail du souffle ou de l'attention ouvrent à l’univers de la contemplation. Et dans cet univers, il y a de fortes chances pour que vous croisiez le divin et que vous perceviez quelque chose du mystère de la transcendance. En faisant l'effort de contempler sa vie, on apprend à mieux en discerner les grâces. 

3-  REJOIGNEZ DÈS QUE POSSIBLE LA PRIÈRE D'UNE COMMUNAUTÉ 
 Leur foi irradie et vous pénètre par osmose. L'office monastique, c'est la force du rituel dans son dépouillement. Plus sobre que la messe, où, je l'avoue, je m'ennuie souvent ! Utilisez plus fréquemment les offices de votre ville. Lorsque vous sortez, avant d'aller au restaurant ou au spectacle, arrêtez-vous et nourrissez aussi votre être spirituel par la prière. Je déjeune ainsi régulièrement avec deux amis, deux cathos en action comme je les aime. On se donne rendez-vous à l'office de l’église Saint-Gervais, à Paris, et ensuite on fait un bon repas au restaurant voisin. Et ce jour-là, tout est bon !

mercredi 28 mai 2014

Et votre foi, docteur ? avec Christophe André (2)

Depuis le drame Je suis retourné tous les ans au monastère, à En Calcat, puis à Solesmes et d’autres encore. Mon christianisme est toujours en chantier, mais quand je suis dans ces communautés, je ne doute plus, je suis sous perfusion de foi et comme en sécurité dans la main de Dieu. J’aime ce contact charnel et sensoriel avec la prière, le bruissement des robes de bure, le claquement des pupitres, l’austérité des chants grégoriens. Les psaumes, les prophètes, ce monde de l'Ancien Testament, qui décrit la violence des émotions et où le seul recours est Dieu, m’a tout de suite fasciné. 

eu à peu, à travers des discussions avec des amis jésuites, avec ma femme, qui vit l’Évangile au quotidien, le message christique a fait son chemin. C’est paradoxalement à travers le bouddhisme, auquel je me suis intéressé en tant que médecin, que j’ai commencé à être sensible au Christ. Après avoir découvert la figure de Bouddha et son enseignement sur la souffrance, je me suis interrogé sur la philosophie de ce Jésus, si forte du respect du prochain et d'un désir de non-violence.

Et puis il y a la paternité, cet énorme tremblement de terre. Je suis encore épaté d'avoir été co-créateur de trois êtres humains ! Je me sens la responsabilité d'être un modèle pour mes filles : m'efforcer de ne pas trop me plaindre, d’être heureux et généreux, ce sera leur meilleur héritage. Dans une certaine mesure, l'amour que j'ai pour la personne de mes patients est de même nature que celui que j'ai pour mes enfants : je sens ma responsabilité, immense, de protéger leur fragilité. Je dis souvent aux étudiants : soyez gentil avec vos patients, soyez présent avec votre cœur, en ayant toujours foi dans leur possibilité de changer. Plus je deviens un vieux médecin, plus je suis dans la compassion et plus je m’attendris. 11 m’arrive de pleurer avec eux ou après leur départ.

En devenant père, je suis devenu plus humain, plus habité par le bonheur et la gratitude. C’est mystérieux, mais je suis convaincu que la joie n’est pas que légèreté, elle peut côtoyer en nous la plus grande gravité. Je garde l’esprit ouvert au mystère de la souffrance et de l’existence de Dieu, dont je n’aurai la clé que quand je serai face au Créateur. J’aime méditer : c’est là que je rencontre ce sentiment de cohérence totale entre le bonheur et la souffrance qui m’habitent, comme tous les humains. C’est parce que la souffrance existe que nous devons nous réjouir d'être vivants. Le bonheur n’est qu’un moyen qui donne la force de traverser la douleur et d'aller au secours de celle des autres.


Source : La Vie
avril 2014

mardi 27 mai 2014

Et votre foi, docteur ? avec Christophe André (1)

Il était là... dans mes bras. Mon meilleur ami, tel un frère, avec qui j’avais tout partagé durant nos études à l'internat de Toulouse. Il venait de se tuer à moto devant moi, dans le sud du Portugal. J'étais en plein cauchemar. Je me suis occupé de tout : rapatrier son corps, prévenir ses parents... Après l’enterrement,je suis parti seul quinze jours à l’abbaye d’En Calcat. Ce sont des patients de l'hôpital psychiatrique qui m’avaient fait découvrir ce monastère bénédictin, et je sentais combien ce lieu de spiritualité leur faisait du bien. Là-bas, frère Benoît, le père hôtelier, prit soin de moi ; chaque jour, je trouvai dans ma chambre la lecture dont j'avais besoin, je découvris la clôture, partageai ce bouleversement calme des offices et de la prière des moines, ces hommes patinés de spiritualité. Je repartis apaisé. Je venais de rencontrer la foi chrétienne incarnée.

Six mois plus tard, j’allais connaître ma future épouse, et sa famille, des catholiques pratiquants heureux qui vivaient la charité en action. Comme je l’avais pressenti tout petit garçon. Dieu non seulement me regardait vivre, mais il veillait sur moi.

Enfant, je me sentais orphelin de repères. Mes parents étaient des gens bien, courageux et travailleurs, mais ils ne nous parlaient guère de leurs valeurs et ne m'avaient pas transmis de doctrine. J’enviais secrètement mes copains enfants de chœur à l'église et leur univers qui m’était inaccessible. J’ai été baptisé, mais je n'ai pas reçu d'éducation religieuse. Je me revois tout petit, sur le pont de Palavas-les-Flots, montrant le poing à un curé avec mon grand-père cévenol, qui m’apprenait des chansons anticléricales. En vacances, il m'achetait le joumal des Jeunesses communistes, dans lequel je dévorais les aventures du Docteur Justice, ce héros qui défendait les faibles.

Quand j'ai lu Freud en terminale, ce fut un vrai déclic : l'élève studieux et l'enfant solitaire que je fus découvrait qu'on pouvait mettre des mots sur ses états d'âme et ses émotions. J'ai décidé de faire médecine pour être psychiatre.

C’est Lucien Millet, un maître humaniste, mon père spirituel et adoptif, qui a fait de moi le psychiatre que je suis. Cet homme - un chrétien - appelait ses patients par leur prénom, les consolait. Il était en rupture totale avec le milieu psychiatrique lacanien des années 1980, où l’on vous enjoignait de garder vos distances pour éviter tout attachement. C’est grâce à lui que j’ai pu trouver ma voie : comportementalisme, psychologie positive, méditation. Au-delà de ses symptômes, le patient est d’abord pour moi une personne : sa vision du monde et la manière de conduire son existence m'intéressent. J’ai compris en psychiatrie combien il est essentiel, au-delà de la maladie, de développer sa capacité à nourrir la vie de tout le bonheur possible.

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lundi 26 mai 2014

William Blake par Christine Jordis

Né au-dessus d’une échoppe de bonnetier, à Londres, William Blake (1757-1827) affirmait que, pour retrouver la joie que nous portons en nous, « il suffit de nettoyer les fenêtres de la perception ». Après avoir vu Dieu à huit ans, puis un arbre « rempli d’anges », il dessina, peignit, grava, écrivit de longs poèmes prophétiques. 

Anticlérical, antimonarchiste, pacifiste, révolté par la misère et l’injustice sociale, il voulut changer l’homme et le monde. À l’argent-roi, il opposa l’esprit, c’est-à-dire la poésie et l’art. Rejeté par son époque, condamné à la solitude et à la pauvreté, il n’en continua pas moins de poursuivre son chemin jusqu’à sa mort.



extrait de "Poésie" sur France Culture
(4 min.)



La poésie a le pouvoir de transformer l’homme et le monde. Blake en était persuadé. Tel était le programme qu’il s’était fixé, telle la mission dont il se sentait chargé. Pour autant, sa poésie n’est pas adossée à un enseignement ni à une théorie : aucune dogmatique, aucune certitude définitive établie sous forme de lois ou revendiquée au départ, mais une connaissance immédiate, reposant sur l’expérience et la vision, et qui possède donc la mouvance, les heurts, les éclats et les variations du temps qui passe : la vie, dans son mouvement. La « vérité » de Blake n’est pas isolable, séparable de sa poésie ; malgré ses nombreux aphorismes, on ne peut la décliner en recettes, ni formules, ni directives. Elle est dans le déploiement de ses vers et de sa prose, liée à sa création incessante, nourrie de sa propre existence incluse dans celle du monde, en perpétuelle mutation.


dimanche 25 mai 2014

Vert printanier avec Philippe Mac Leod

Les vieux platanes décolorés, le long des routes ou sur les places, étalant une ombre chaude, douce et généreuse. Le jeune acacia des pierres disjointes dans les enclos éboulés. Le pin sur le bleu marin. L’horizon tremblant des colonnes en marche sur les plaines. Le haut cierge planté droit aux portes de la mort, l'if sombre dans la lumière intense. Les allées rêveuses dans l’eau des tilleuls. Chênes massifs, plus vastes que nos maisons quand grincent les charpentes, fleuve immobile en tous ses affluents. Aulnes vernissés, peupliers noirs, saules chatoyants dans le courant frais, le long des eaux sinueuses qui leur arrachent de fugaces reflets.


Et le noisetier des sentiers, le bouleau des clairières, le houx des chemins d’ombres et de murmures, le grand hêtre ajouré, les fourrés, les taillis, les buissons emmêlés, les grands halliers, les bosquets et les forêts, en chevelures bouffantes ou par touffes comme une toison, orées, lisières où hésite la lumière, sombres massifs, clairs domaines, pêle-mêle dévalant les pentes ou fleurissant au hasard de graines minuscules, vous tissez pour la terre, infatigablement, ce fin duvet, cette enveloppe légère, cette écorce d’air qui protège l’intérieur du fruit, dur encore, et seul sur la branche, dans la nuit immense du bois si noir et si froid que fait l’univers. Vert tendre des prairies longues et douces, vert pâle ce matin, ténu, vaporeux, vert d’ombre comme l’eau qui le baigne. Vert feuillu ou herbu, en grappes scintillantes ou en nappes lourdes et molles, vert du grand air, moussant, dru comme laine, charnu ou plus qu'un rêve dans les branches, un murmure odorant sous les vents qui le frôle. Mordant sur la roche, vert des fourrés profonds où serpentent les ruisseaux, des crêtes cinglantes où un souffle vif taille les pelouses, vert comme une verve, sève comme un verbe, comme la vie, comme un rire ou une hymne, entre ciel et terre, de l’ombre à la lumière, une ébullition, un frisson, une abondance, une vague immense qui remonte de la terre - vert comme une éruption, une effusion, un bouillonnement, jusqu’au bleu qui s’en exhale ou comme le fleuve jusqu'à l’océan.

Qu'un feuillage oublié revienne aux mains des arbres, tout l'espace s’emplume, s’envole de ses jeunes ailes, d’un nid de bois mort qui ne servira plus. Voici l’herbe debout l’herbe dardée d’un astre qui s’enflamme et lève avec puissance. Vert firmament, azur gazonnant, semé de mille étoiles blanches et menues, au cœur jaune et palpitant tourné vers d’autres saisons. Le tombeau est vide et vaste. De la pierre levée la semence s'échappe. Les vents, les vents en portent l’annonce, les vents aux longs cheveux des femmes, qu’on ne veut toujours pas entendre !

La pluie a fleuri le cerisier, ses longs bras élancés, maigres encore, et noirs, tout ruisselants d’une flamme sinueuse qui fait fondre la neige d’une peau qui passe. Tout se meurt à vouloir renaître. Tant de lumière éclose, non, ce n’est pas un rêve, mais une brillance nouvelle, une effervescence, la terre qui s'élève d’un épi, le ciel immense pour la recevoir. Comme le bouton qui éclate au chant du merle, tout gluant de sa semence, l’air ouvert jusqu’en son bleu le plus profond, la terre étire ses horizons et s'agrandit en dedans, pour faire place à toutes les feuilles qui attendent. Elles poussent aux portes du jour, écartant les rêves trop étroits, les langes aux ailes repliées, la chaleur trompeuse d’une nuit trop longue, qui s’évapore dans l’œil grand ouvert d’un ciel venteux.

Philippe Mac Leod

jeudi 22 mai 2014

Pas de complaisance avec Catherine Ingram



Désintéressez-vous de vos pensées névrotiques. 


Nul besoin de tenter de les arrêter, ce qui est pratiquement impossible, mais seulement de ne plus vous y complaire. 


Faites de ce désintérêt une habitude. 


Finalement, toute pratique reviendra à cela, et vous devrez la suivre en toutes circonstances, et pas seulement sur votre coussin de méditation. 



 Catherine Ingram 
 (Portland, Etats Unis, octobre 1999)


mercredi 21 mai 2014

Rencontre avec Rodolphe Massé

Il faudrait remplacer le mot spiritualité par le mot Vie.

La seule question est : qu’attendons-nous de la Vie ? Comment souhaitons-nous vivre vraiment ?

Il ne s'agit jamais de nier notre humanité, mais de la célébrer. Ce n'est possible qu'en revenant constamment à ce que nous sommes : pure ouverture, pure conscience ; donc pure joie, pure liberté.

Voyez le Je comme une Elle, comme un Il... et cette aile ou cette île, comme un jeu.

Toute votre vie, vous vous êtes pris pour votre personnalité, pour la personne, pour le masque. Et pourtant, toute votre vie, en amont, vous avez été le témoin de votre personnalité, la conscience qui l'anime et peut en témoigner.

C'est une question d'attention à ce qui se passe vraiment. Cette conscience qui témoigne de votre vie, c'est la Vie qui s'exprime, personnelle et relative en apparence, en surface ; universelle et absolue en réalité, en profondeur.


Rodolphe Massé




Rodolphe Massé est l'auteur du Livre du Silence – 111 Portes sur le Royaume, paru en juin 2013 aux Editions Accarias – L'Originel, préfacé par Catherine Harding et Alejandro Jodorowsky. 

Né en 1973, Rodolphe est poète, scénariste, pianiste et compositeur. Ancien élève d’Arnaud Desjardins et de Daniel Morin, il rencontre ensuite Alejandro Jodorowsky. 


 Il partage aujourd’hui sa propre expérience de l’Éveil à travers textes et musiques, mais aussi par une transmission directe, au fil de rencontres et d’entretiens. 







mardi 20 mai 2014

En liaison avec Christiane Singer

2014-05-17 Radio Vatican
Le Livre pour Dieu de cette semaine est une évocation fraternelle, littéraire et spirituelle de Christiane Singer, par l’un de ses intimes, Léonard Appel. En effet la démarche spirituelle de Christiane Singer a consisté en une quête ininterrompue de la vie, jusqu’à sa source.
De conférences en livres, de romans en essais, elle a exprimé, dans un langage à la portée de tous, une spiritualité profondément incarnée. Sœur Catherine Aubin a interrogé l’auteur de cette évocation, Léonard Appel, sur le sens de ce livre et sur la vocation de Christiane Singer, qui disait d’elle-même qu’elle était « passeur ».
Léonard Appel, après des études d’histoire et d’histoire de l’art, a été membre pendant vingt-cinq ans de la Communauté de Taizé. Il a fondé ensuite, avec Marie Milis, à Bruxelles, « Initiations », un lieu de recherche, de conférences et de réflexion, au sein duquel Christiane Singer est intervenue à de nombreuses reprises.





lundi 19 mai 2014

Chant de pleince conscience avec Thich Nhat Hanh

Puisse, le son de cette cloche pénétrer au plus profond du cosmos.
Même dans les endroits les plus sombres, les êtres vivants peuvent l'entendre clairement, et toute souffrance cesse en eux.
La compréhension vient en leur cœur, et ils dépassent le royaume de la douleur et de la mort.

La porte universelle du dharma est déjà ouverte, Le son de la marée montante se fait entendre clairement.
Le miracle se produit : une magnifique enfant apparaît au cœur d'une fleur de lotus.
Une simple goutte de cette eau de compassion est suffisante pour ramener le printemps rafraîchissant sur nos montagnes et nos rivières.

Au son de la cloche, je sens les afflictions qui commencent à se dissoudre en moi.
Mon esprit est calme, mon corps détendu.
Un sourire est né sur mes lèvres.
En suivant le son de la cloche,
ma respiration me ramène dans la pleine conscience et la sécurité de mon île intérieure.
Dans le jardin de mon cœur, les graines de la paix fleurissent en toute beauté...





samedi 17 mai 2014

Pour un amour réussi, les cinq critères de Swami Prajnanpad par Arnaud Desjardins (5)

« Strong impulse to make the other happy. »
Une forte impulsion à rendre l'autre heureux… 

… Enfin, trouver son bonheur dans le bonheur de l’autre. Si cette impulsion est réciproque, si chacun trouve son bonheur dans le bonheur de l’autre, les deux sont évidemment comblés.

Ce critère exige une approche adulte du couple. La demande d'être heureux grâce à un autre est naturelle, normale, légitime chez un homme ou une femme qui n'a pas encore atteint le bout du chemin et qui se sent encore incomplet. Mais il y a une manière tout à fait égoïste de vouloir rendre l’autre heureux, dans laquelle l’autre n'est pas vraiment en question. C'est l’autre tel que je le vois à travers mes projections, mes demandes à moi, que je cherche à rendre heureux en lui offrant ce que j'ai envie de lui offrir, en faisant pour lui ce que j'ai envie de faire, et sans tenir compte de ses véritables demandes. On ne peut sentir ce dont l’autre a vraiment besoin que si l'intelligence du cœur est éveillée.

Ce bonheur est aussi une réalité simple, quotidienne, faite d'une accumulation de petits détails, et pas seulement de s'entendre dire «je t'aime ». Un être a besoin de respirer à chaque minute, et il a besoin de respirer l’amour tous les jours. Cette envie de rendre L’autre heureux ne se fabrique pas artificiellement, elle est là ou elle n'est pas là. 

 « Une forte impulsion à rendre L’autre heureux » est un sentiment permanent: « J'existe pour lui, que puis-je faire pour lui ? » Cette intelligence du cœur s'éveillerait très naturellement si les émotions ne venaient pas corrompre la possibilité d'un véritable sentiment.

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Ces critères sont simples. Mais, s'ils sont réunis, tous les autres en découlent, y compris l'entente sexuelle.

vendredi 16 mai 2014

Pour un amour réussi, les cinq critères de Swami Prajnanpad par Arnaud Desjardins (4)

« Complete trust and confidence. » 
Une confiance, une foi complète en l’autre... … 

Elle ne peut pas me faire de mal, il ne peut pas me faire de mal. Comme un petit enfant qui a une confiance absolue en sa mère. Je ne dis pas que vous devez avoir une attitude infantile vis-à-vis de votre époux ou de votre époux, mais vous pouvez retrouver un cœur d’enfant confiant. Puissiez-vous ressentir une complète confiance que n’éprouve aucune nécessité de se méfier, d’avoir peur ou de se protéger.

Bien sûr, beaucoup d'hommes et de femmes aujourd'hui sont blessés jusqu'au fond de l'inconscient par des trahisons passées vécues dans l'enfance ou la petite enfance. Ce genre de blessure ne facilite pas la communion, l’approche ouverte, le don mutuel de soi dans l’amour. Est-ce que cette personne a su m'inspirer une réelle confiance ? Du fond de moi monte ce sentiment : elle peut faire des erreurs, elle peut se tromper, elle peut même accomplir une action qui me créera une difficulté momentanée mais elle ne peut pas me faire du mal. Fondamentalement, ce qui domine, c'est cette certitude. 

Le mariage ne peut pas être une voie spirituelle vers la sagesse si cette confiance et cette foi n'existent pas, si vous vivez dans la peur. Vous avez à être plus forts que votre infantilisme et à ne pas détruire vous-mêmes une relation précieuse par une méfiance qui n'est en rien justifiée. Il faut que les partenaires ne soient plus totalement infantiles, aient une certaine compréhension de leurs propres mécanismes et décident de les dépasser, d'être plus adultes. 

Seule cette confiance complète élimine le poison de l’amour, la jalousie. Je ne dis pas que c'est un vice ou un péché, c'est une émotion particulièrement infantile dans laquelle le mental invente ce dont il n'a aucune preuve. Rien n'est plus destructeur de l’amour que cette jalousie.


jeudi 15 mai 2014

Pour un amour réussi, les cinq critères de Swami Prajnanpad par Arnaud Desjardins (3)


« Two natures which are not too différent. » 

Deux natures qui ne soient pas trop différentes… … complémentaires, oui, mais pas trop différentes ! Il est normal qu'il y ait une différence et une complémentarité entre un homme et une femme. Nous ne trouverons jamais notre alter ego : un autre nous-même qui, à chaque instant, soit uniquement l'incarnation de notre projection du moment. Nous ne trouverons jamais une femme qui sera toujours exactement ce que nous voulons, aura toujours exactement l'humeur ou l'état d'âme que nous souhaitons, l'expression ou le timbre de voix que nous espérons et prononcera les mots que nous attendons — jamais. Et cela, il faut le savoir. C'est une demande infantile, indigne d'un adulte, destructrice de toute tentative de couple, de vouloir que l'autre soit uniquement le support de mes projections et réponde à chaque instant à ce que mécaniquement je demande. C'est une illusion que vous devez réussir à extirper. L'autre est un autre. Et, même si une communion s'établit, l'autre n'aura jamais notre inconscient, notre hérédité. Il y aura toujours une différence.

Mais si les natures sont trop différentes, aucune vie commune n'est possible et cet amour sera battu en brèche par la réalité. Les cas extrêmes vous paraîtront évidents. Si un homme est plutôt solitaire, aime les longues marches dans la campagne, la vie dans la nature, et qu'une femme ne rêve que de mondanités et de réceptions, il est certain que les natures sont trop différentes. Malheureusement, cela n'empêche pas de tomber amoureux.

 Deux natures qui ne sont pas différentes, cela n'existe pas. «Deux natures qui ne soient pas trop différentes», sinon l'entente est au-dessus de nos capacités respectives. Il faudrait être bien plus avancé sur le chemin de la liberté intérieure pour pouvoir former un couple paisible avec un partenaire dont la nature est radicalement différente de la nôtre. La fascination amoureuse ignore superbement l'incompatibilité de deux natures. On croit de bonne foi pouvoir s'aimer mais il n'y a pas de possibilité d'une véritable entente. La complémentarité de l'homme et de la femme repose sur la différence mais elle repose aussi sur la possibilité d'association, d'imbrication, de complicité.

mercredi 14 mai 2014

Pour un amour réussi, les cinq critères de Swami Prajnanpad par Arnaud Desjardins (2)


" At easeness." Être à l'aise… 

ressentir ensemble aisance et bien-être ; pas de drame, pas de tragédie. Certains couples : dès qu’on est ensemble, tout se dénoue, tout s’arrange, tout se passe bien. Et il y a comme une malédiction sur d’autres couples : tout est grinçant, ça ne marche jamais, dès qu’ils tentent quelque chose, ça rate, ils ne se comprennent pas, c’est le malentendu tout le temps…

Le deuxième critère est encore plus simple. Aisance : le fait que les choses soient faciles, aisées. On se sent bien. C'est une relation qui ne nous amène pas à gaspiller une grande quantité d'énergie en émotions. Or, trop souvent, dans la fascination amoureuse, il y a émerveillement, il y a des moments intenses, mais il n'y a ni aisance ni facilité ; ou encore une certaine facilité de relation s'établit mais dans la routine, dans la monotonie et il reste au cœur un manque.


mardi 13 mai 2014

Pour un amour réussi, les cinq critères de Swamiji (Swami Prajnanpad) par Arnaud Desjardins (1)


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« Swâmiji m'avait un jour énoncé cinq critères grâce auxquels on peut reconnaître la valeur profonde d'un couple. Ces cinq critères sont en fonction d'une durée, d'un chemin à suivre ensemble : to grow together, croître, grandir, s'épanouir ensemble, progresser sur la voie de la maturité, de la plénitude. »

« Feeling of companionship. »
Le sentiment d'être des compagnons…
… de ne plus être seul(e), d’être deux personnes qui partagent leur existence, leurs différences, leurs goûts communs, leur amitié, leur complicité.
Le premier de ces critères est le sentiment d'être deux compagnons. Cela signifie : ne plus se sentir seul(e) ; il y a quelqu'un à mes côtés qui me comprend, avec qui j'aime échanger, avec qui j'aime partager, avec qui j'aime agir, faire les choses ensemble.
Le mari ou la femme doit être aussi notre meilleur ami. L'épouse doit pouvoir jouer pour le mari tous les rôles qu'une femme peut jouer pour un homme ; et le mari doit pouvoir jouer pour sa femme tous les rôles qu'un homme peut jouer pour une femme. L'homme — ou la femme — se sent comblé et n'éprouve plus la nostalgie de trouver ailleurs ce qui ne lui manque plus.
Si ce sentiment d'avoir trouvé un véritable compagnon existe, il s'enrichit avec les années, avec les expériences partagées, avec les souvenirs, contrairement à la passion amoureuse ordinaire condamnée à perdre son intensité comme un feu qui se consume et s'éteint.

lundi 12 mai 2014

Des recettes pour goûter les roses...


Les premières roses éclosent... voici quelques conseils pour les déguster :

dimanche 11 mai 2014

Expérimenter l'espace tactile avec Eric Baret

Encore frissonnant de Jules Supervielle


Encore frissonnant
Sous la peau des ténèbres
Tous les matins je dois
Recomposer un homme
Avec tout ce mélange
De mes jours précédents
Et le peu qui nous reste
De mes jours à venir
Me voici tout entier
Je vais vers la fenêtre
Lumière de ce jour,
Je viens du fond des temps
Respecte avec douceur
Mes minutes obscures,
Epargne encore un peu
Ce que j'ai de nocturne,
D'étoilé en dedans
Et de prêt à mourir
Sous le soleil montant
Qui ne sait que grandir.

Jules Supervielle

(poème déjà publié sur ce blog en mai 2008)

samedi 10 mai 2014

Bienveillance avec Matthieu Ricard


« L’altruisme doit être guidé par la lucidité et la sagesse. Il ne s’agit pas d’accéder inconsidérément à tous les désirs et caprices des autres. L’amour véritable consiste à associer une bienveillance sans limite à un discernement sans faille. »

vendredi 9 mai 2014

Marcher ici sur cette terre avec Federico Dainin-Jôkô

"Lorsque tu cesseras de t'épuiser à chercher le bonheur, courir dans tous les sens, t'enchaîner à tes idées volages, te soumettre aux vagues de tes émotions….

Lorsque tu viendras juste t'asseoir à cette montagne qui n'a pas de sommet, alors voici fleurir sous tes yeux tout un monde de bonheurs, voici tes idées et tes pensées traverser le ciel de ton esprit sans t'enchaîner, voici tes émotions devenir tes maîtres d'impermanence.

Te voilà libre. Merveilleux et libre, comme au fond tu l'as toujours été avant tes illusions.

Ce jour-là, tu comprendras que le miracle n'est pas de marcher sur les eaux, mais d'être bel et bien ici, les pieds libres et joyeux sur cette belle terre.

Ce jour-là, tu réaliseras que la sagesse ne voit pas la beauté uniquement dans les choses belles, mais que ton cœur en toute chose peut goûter la beauté.

Ce jour-là tu ne seras ni un dieu ni un prophète, ni un bouddha ni un saint. Ni un homme ni une femme non plus.
Ce jour-là tu seras enfin la vie, l'incroyable vie mon ami."


Federico Dainin-Jôkô,
moine zen fondateur de La Montagne Sans Sommet


“Ma vie a toujours débordé de rencontres magnifiques, et je suis tellement chanceux d’être entouré de tant de belles personnes, de pouvoir vivre une infinité d'expériences incroyables; mais surtout d’avoir un jour reçu le plus précieux trésor, celui de l’absorption en moi au cœur du monde, zazen, la réconciliation avec mon histoire, la découverte de mes paysages intérieurs merveilleux , la perception de l’incroyable grandeur de l’homme, de l’indicible beauté de l’univers! Je dormais et je ne faisais que voir mes chutes, puis j’ai ouvert les yeux et j’ai vu toutes mes floraisons. Je pensais être séparé du monde et des autres, puis soudain en contemplant le Bouddha tourner la fleur entre ses doigts, j’ai ressenti qu’il n’y a pas de moi, ni de Bouddha, ni de fleur; tout m’est apparu unifié, et tout a aussitôt disparu; ce fut la grande liberté intérieure: ce fut l’expérience de zazen. 

Alors il me semblait bon de pourvoir partager avec un cœur simple ces trésors que j’ai abondement reçu de mes maîtres zen certes, mais aussi la perception de la joie profonde de tous ces autres enseignements qui emplissent l’univers, le rire d’un enfant, un geste de bonté, le vol d’un oiseaux, la profondeur de l’océan, la grandeur de la montagne, la beauté d’une fleur, la douceur incroyable d’un fruit, un regard plein d’amour, le chant des bambous dans le vent; ce monde merveilleux qui sans cesse se fait et se défait, ces êtres vivants qui de leur fragilité sont si précieux.....l’importance et la beauté de la souffrance aussi quand on la reçoit et on la contemple les mains vides et le cœur fait de mansuétude...
Le zen est l’expérience originelle du Bouddha. Cet enseignement et ses abondances je les ai reçus gratuitement et copieusement. C’est copieusement et gratuitement que je veux les donner à mon tour.
Nous partageons le même ciel tels des nuages aux mille formes le traversant; le miracle n’est pas de marcher sur les eaux, mais bel et bien de marcher ici sur cette terre, instant après instant.”

mercredi 7 mai 2014

Enfant pour la vie avec Olga Lossky


Il y a, paraît-il, un seuil de normalité à partir duquel on est autorisé à vivre. L’exemple le plus courant est le nombre de chromosomes 21. Selon la définition contemporaine du bonheur, avoir trois chromosomes 21 ne vaut pas le coup de tenter l’aventure de l’existence, étant donné la lourde charge que ce handicap représente pour les proches, pour le système de santé. Avoir un enfant pour la vie bouleverse de façon irrémédiable le quotidien d’une famille : c’est devoir faire face en permanence à l’imprévisible d’un être dont le développement échappe aux règles planifiées, c’est ne jamais voir le fond du paquet de couches, c’est affronter sans cesse la comparaison avec d’autres destins. Être un enfant pour la vie, c’est comprendre à sa manière que l’on est à part - avec toutes les frustrations -, c’est sentir bien souvent planer autour de soi un climat de curiosité et de gêne, quand il n’est pas de peur ou d’hostilité.



L’enfant vieillie, qui selon la logique de notre société aurait donc mieux fait de ne jamais se trouver là, lève un regard bleu vers les façades et sourit, les yeux accrochés à un détail visible d’elle seule. Elle se fait tirer par la main, d’un geste de tendre impatience. Docile, elle reprend sa marche comme l’aurait fait un bambin de 3 ans. Si la mère porte sur ses épaules le fardeau d’une double responsabilité, la fillette trentenaire qui avance le nez au vent irradie d’une innocence dont peu de gens de son âge peuvent se targuer. Perdue au milieu de la rumeur citadine, elle est épargnée de la course qui agite ses semblables. Elle ne fera jamais fructifier un capital, encore moins produira-t-elle des idées susceptibles de contribuer au progrès général de l’humanité. Elle est pourtant une spécialiste de cette denrée si rare que tous nous traquons par l’entremise de nos comptes en banque ou de nos grands raisonnements : le bonheur. 
Heureuse comme seul un enfant sait l’être. Avec les coups de colère et les moments d’obstination qui vont de pair. Mais capable d’éprouver en un instant ce sentiment de plénitude totale, sans arrière-goût de peur ni de nostalgie, que nous avons tous goûté un jour, il y a très longtemps, sans parvenir jamais à reproduire le miracle.
Plutôt que de statuer sur les conditions du droit à la vie, mettons-nous à l’école de ces experts en bonheur qui bouleversent notre vision commune de l’existence. Apprenons à poser sur le monde - et sur l’autre en particulier, surtout quand il échappe à la norme - ce regard d’innocence, sans préjugé, ouvert à l’émerveillement.

« Laissez venir à moi les petits enfants, car le royaume de Dieu leur appartient, à eux et à leurs semblables » (Marc 10,14). 

Olga Lossky
(source : La Vie)


mardi 6 mai 2014

Rien de plus, rien de moins avec Shantimayi



Dieu est tout ce qui est, rien de plus, rien de moins.
L'amour inconditionnel est le véhicule qui apporte la compréhension.
Le silence est la porte.
Pour l'Éveillé, tout est l'Éveillé. 
Éveillez-vous à la nature de l'existence, et réalisez.
Désormais, il n’y a plus une personne ou une autre. 
La voie du coeur c'est être libre comme un ciel vide et limpide. 
Que pourrait-on désirer de plus ? 


Shantimayi



Rishikesh, Inde 1998

lundi 5 mai 2014

La bienveillance nous sauve du repli sur soi avec Lytta Basset

Dans son nouveau livre, Lytta Basset invite à « oser la bienveillance ». Pour y parvenir, cette professeure de théologie, protestante, préconise d'abandonner le dogme du péché originel, présent aussi bien dans le catéchisme catholique que dans les écrits de Luther et de Calvin.

LA VIE. Que reprochez-vous au péché originel ?

LYTTA BASSET. Cette notion induit une vision profondément pessimiste des êtres humains, qui me semble contraire à ce que promeut le christianisme. Il n'y en a pas trace dans la Bible. Les Hébreux n'ont jamais imaginé un péché originel. Il n'en est pas question non plus dans les Évangiles. Jésus ne parle jamais d’Adam et Ève.

Durant les quatre premiers siècles, l’Église n'y fait pas référence. Pour les Pères de l'Église et notamment Irénée de Lyon, la Genèse décrit plutôt de façon symbolique le processus d'accomplissement de l’être que nous sommes appelés à vivre. Nous retrouvons ce que les orthodoxes appellent la « divinisation » de l’humain par laquelle nous sommes invités à devenir de plus en plus ressemblants à notre Créateur.

Comment expliquer l'adoption de ce dogme par l'Église ?

L.B. L’histoire personnelle de saint Augustin a fortement pesé sur la chrétienté occidentale. Dans sa jeunesse, il a été séduit par le manichéisme, cette religion qui distinguait les êtres bons d’un côté et les méchants de l’autre, et il est resté influencé par cette approche. Augustin a formulé ce dogme aussi en réaction aux thèses du moine Pélage (v. 360-422) qui donnait, selon lui, une trop grande place à la liberté humaine.

Une seule personne peut-elle influencer à ce point l'élaboration d'un dogme ?

L.B. Selon les historiens, il semble qu’Augustin ait forcé la main au pape de l’époque. Il faut savoir que 18 évêques se sont opposés à l’adoption du dogme en 418. Et que celui-ci n’a pas été retenu par les chrétiens orthodoxes.

Comment comprendre son maintien à travers les siècles ?

L.B. Il est très satisfaisant pour l’esprit humain d’avoir une explication du mal et du malheur. L’historien Jean Delumeau explique ainsi qu’au XVIIIe siècle en Europe, le mystère du mal n’existait pas, car tout s’expliquait par le péché originel. Si vous transposez cette conception au plan individuel, c'est la fameuse phrase : « Qu’est-ce que j'ai fait au bon Dieu ?» On martelait que tous les malheurs étaient « de notre faute ».

N'y a-t-il pas d'explication au mal ?

L.B. Le livre de Job, les psaumes, et même Jésus n'en ont jamais donné. Dans l’Évangile de Matthieu, Jésus explique simplement que les « scandales » (au sens étymologique du texte biblique « ce qui nous fait tomber ») font partie de la vie. Quand on l’interroge sur l’origine du mal, il tourne la tête de l’autre côté. Son auditoire veut le faire regarder en arrière pour identifier les causes du malheur. Lui invite à se demander plutôt ce que nous faisons du mal qu’on nous a fait.

Dans votre livre, vous notez que ce dogme a été aussi conforté au XXs siècle par les thèses de Freud

L.B. Freud grandit dans la Vienne bourgeoise de l’époque. Même s’il est juif, il est imprégné de la morale issue de la doctrine du péché originel. Il a une vision effroyable des humains. Ils n’ont qu’une idée en tête : exploiter et manipuler leur prochain. Si certains psys ont depuis pris leurs distances avec cette vision, elle demeure encore présente dans cette profession.

Si vous souhaitez abandonner le péché originel, vous proposez par contre de parler de la réalité du péché, pourquoi ?

L.B. Il faut bien distinguer d’une part le dogme du péché originel, cette faute qui se transmettrait depuis Adam et Eve par hérédité, et d’autre part le péché. Le récit de la Genèse n’est pas historique et la doctrine induit une vision désespérante de la nature humaine : il me semble bon d’abandonner cette construction théologique. Par contre, nous sentons bien que nous sommes toujours tentés par ce repli sur nous-mêmes que la Bible appelle « péché ». Il me semble vital de parler de cette non-relation aux autres dans laquelle nous nous enfermons régulièrement. Cette tentation est bien réelle. Mais j’évite le terme même de « péché », car le grand public le confond avec le péché originel.

Pécher, n'est-ce pas commettre une faute ?

L.B. Non, je ne crois pas. Si je suis préoccupé uniquement par le souci d’être en règle, je vais passer mon temps à calculer mes fautes et mes mérites. Je risque de faire moi-même les questions et les réponses et de renforcer renfermement dans lequel je suis pris. Et même si vous demeurez à côté de moi, je ne vous verrai pas.

Le péché, c'est donc se replier sur soi ?

L.B. Les mots « repentance » et « pénitence » n’existent pas en hébreu biblique : il y est question de « revenir », « faire retour ». Cet appel retentit à travers toute la Bible, où Dieu cherche à se faire entendre pour que l’humain revienne à la relation.

Comment ce retour vers les autres est-il possible ?

L.B. C’est portés par le moindre regard ou geste bienveillant sollicitant notre être profond que nous osons sortir de notre prison. En venant ainsi nous chercher, l’autre nous permet de toucher notre propre bienveillance, cette image de Dieu, déjà présente en nous dès notre naissance. Nous nous découvrons « capables de Dieu ». C’est-à-dire, dans tous les sens du terme, capables de l’autre.

Un simple regard bienveillant suffit-il ?

L.B. Parfois oui, si une personne s’approche avec cette bienveillance, ce regard sur moi va réveiller ma capacité d’entrer en lien avec les autres alors que je me pensais peut-être irrécupérable pour la relation. Car souvent j’ai intériorisé toute la noirceur que l’on a projetée sur moi. Pour ma part, la personne qui m’a accompagnée dans mon chemin de guérison, que j’appelle mon père spirituel, m’a aidée avant tout par sa bienveillance. Je ne l’ai jamais entendu prononcer un mot pour démolir quiconque, je sentais vraiment une bienveillance d’origine divine. 



jeudi 1 mai 2014

La Méditation ? Une rupture ! par Jacques Castermane

Pourquoi, après quarante années de pratique, l’exercice de la méditation fait-il encore partie de ma vie de tous les jours ?

Afin de répondre à cette question il me semble nécessaire de décrire en quoi consiste la méditation que je pratique et enseigne. Dürckheim l’appelle « La méditation de Pleine Attention ».

Ce n’est pas un exercice en plus ; un exercice ajouté aux multiples activités qui composent notre vie quotidienne. Ce n’est pas un exercice qui aurait pour but ce qu’on appelle aujourd'hui le développement personnel.
La méditation est une rupture avec notre manière d’être et notre manière de faire habituelle. L’exercice qui mène à cette rupture est on ne peut plus simple. Qu’y a-t-il de plus simple que de s’asseoir, d’exercer l’absolue immobilité et de porter attention à la respiration. J’ai souvenir de mon incompréhension et de ma suspicion au cours des premières séances : « Si je ne fais rien comment se pourrait-il qu’un changement dans ma vie intérieure puisse se faire ? »

Mais, surmontant mes doutes, j’avais rapidement l’impression d’être sur un chemin de connaissance de moi-même. Ainsi, l’exercice du rien faire m’a conduit à distinguer deux niveaux d’être et deux niveaux de conscience.
L’expression « Je suis moi »» désigne notre niveau d’être habituel : l’ego.

L’ego auquel la pensée occidentale donne un statut privilégié. Jusqu’à croire que : « Je suis ce que je pense que je suis ! ». L’ego, c’est « moi », sujet pensant, qui sans cesse fait retour sur lui-même par la pensée. L’ego est indissociable du mental (mind) ; le mental considéré comme étant le champ de l’activité cérébrale. L’ego c’est l’homme rationnel qui, identifié à la conscience-moi oublie que sa vie s’enracine à un autre niveau d’être : sa propre essence.


Cet autre niveau d’être je le désigne par l’expression « Je suis ! ».

C’est l’homme pré-rationnel, pré-mental. « Je suis », c’est ma vraie nature qui est avant l’ego. Avec une prise de conscience physique essentielle : Avant « Je suis moi » ... « Je suis corps » ! Passage de l’idée ‘’j’ai’’ un corps (Korper) à l’expérience ‘’je suis‘’ corps (Leib). Expérience que le corps vivant est un champ de conscience qui n’a rien à voir avec le mental (mind). C’est dans ce champ de conscience que le fœtus, le bébé, l’enfant vit jusqu’à l’âge de trois ans. « L’enfant dit ‘’Je suis corps"'», écrit Nietzsche et il ajoute « Pourquoi ne dirions-nous pas comme l’enfant : 'Je suis corps' ? ». Nous ne le disons pas parce que nous pensons : « Je suis moi ! ». Cependant, la méditation de pleine attention, cette rupture momentanée avec ce que nous pensons être notre identité, permet cette marche arrière, ce retour à l’origine de l’être, de l’acte d’être.

Je ne peux oublier cette expérience au cours de laquelle j’ai observé que, identifié aux contenus de la conscience-ego, aux contenus du mental, « Je suis moi » est le domaine du souci, de l’appréhension, de l’inquiétude latente, de la peur, de l’angoisse. Et je ne peux oublier que, d’une manière paradoxale, « Je suis corps » est le domaine du calme, le domaine du silence intérieur, le domaine de la paix intérieure. 


En même temps, l’exercice de l’absolue immobilité, autre rupture avec notre manière d’être et de faire habituelle, m’a permis de distinguer que l’être humain vit sa vie à deux niveaux d’actions. Jusque là, je vivais avec l’idée que « Je suis moi » est la source et le moteur de toutes mes activités. Cependant, la pleine attention portée sur la respiration pendant l’exercice de la méditation vous empêche d’aller plus avant dans cette illusion. L’acte de respirer n’est pas du ressort de « Je suis Moi ». Aujourd'hui, après quarante ans de pratique de la méditation, je vis encore avec le même étonnement ce mystère évident : « Je suis, donc je respire ; je respire, donc je suis ». Ce n’est pas de la pensée, c’est de l’être. Il n’y a ni distance ni écart de temps entre ce que je nomme « Je », ce que je nomme « respire », ce que je nomme « suis » ! Expérience de l’unité ; alors que l’ego n’existe que dans le sentiment d’être séparé de tout. Moment de plénitude, moment de silence, expérience du calme des profondeurs ; ces différentes qualités d’être, qui manquent cruellement à l’homme actuel, sont des ressources du corps, du corps vivant (Leib). Des ressources de l’être. Des ressources de notre propre essence. 

Voilà quelques expériences qui m’incitent à reprendre chaque jour l’exercice de la méditation. Chaque jour ? Oui. Parce que « Je suis moi » a tendance à penser que l’expérience de ces moments privilégiés suffit pour faire de soi un autre homme. L’expérience intérieure, immédiate, ne suffit pas ; s’impose l’exercice, sans cesse renouvelé, qui participe à la métamorphose : devenir celui, celle, que je suis au fond.


J’ai eu beaucoup de chance de rencontrer un maître de méditation qui, comment pourrait-il en être autrement, est en même temps, un maître sur ce chemin qu’on appelle : la Vie. Comme il est des maîtres de danse et des maîtres de musique qui sont, en même temps, des maîtres de l’art de vivre. Au Japon, Durckheim demandait à son maître de calligraphie « Comment fait-on pour devenir un maître ? ». Il répondit d’un sourire silencieux : « Simplement, laisser sortir le maître qui est en soi... » ! Lorsque j’ai demandé à Durckheim « Comment fait-on pour laisser sortir le maître qui est en soi ? », il me répondit d’un sourire silencieux : « Il suffit d’apprendre une technique (par exemple la méditation) ; il s’agit ensuite de bien faire ce qu’on a appris ; pour alors maîtriser ce qu’on fait bien. Enfin, il s’agit de maîtriser parfaitement ce qu’on maîtrise ... ! ».


Jacques Castermane