dimanche 22 octobre 2017

La pensée précède l'émotion

La voie proposée par Swâmi Prajnanpad, c'est la destruction de la « pensée » sous toutes ses formes : ne plus « penser » mais « voir ». Et c'est parce qu'il y a les pensées qu'il y a les émotions. Voilà le principe de base : plus de pensée, plus d'émotion. Ne renversez pas la formule : plus d'émotions, plus de pensées! Sinon vous allez vous acharner sur les émotions en occultant le travail fondamental sur les pensées et vous attendrez en vain que la transformation s'opère : « Avec tout ce que j'ai fait comme lyings, comme bio-énergie, comme primal, tout ce que j'ai pu revivre comme émotions anciennes, comment se fait-il que je ne sois pas tiré d'affaire, que je me heurte toujours aux mêmes souffrances, aux mêmes problèmes existentiels, que je retombe chaque fois dans les mêmes ornières? » 
Le travail sur l'inconscient ne constitue qu'une petite partie de l'enseignement de Swâmiji. Je ne crois pas personnellement à une transformation réelle, profonde – au point que vous n'êtes plus le même, vous ne fonctionnez plus du tout comme auparavant – qui viendrait exclusivement par la thérapie primale selon laquelle il suffirait de pousser le « cri primal » et de retrouver la « scène primale majeure » pour que tout soit résolu. 


N'inversez pas la vérité en croyant que vous mettrez fin à la tyrannie du mental en mettant d'abord fin aux émotions, sinon vous n'en sortirez jamais. Le mal ne vient pas des émotions, il vient des pensées. Ceci dit, ces pensées faisant lever les émotions, les émotions règnent en effet sur nos existences. Et, sous le coup de l'émotion, nous accomplissons des actes, nous avons des comportements qui alourdissent encore plus notre karma et créent de nouvelles chaînes de causes et d'effets. Une première approche consiste donc, même si elle manque un peu de subtilité, à souligner l'aspect nocif des émotions qui est le plus immédiatement perceptible : si vous rencontrez quelqu'un qui est jaloux, haineux et désireux de se venger, c'est surtout l'émotion qui apparaît au premier abord. 

Ce constat rapide, mais qui n'est pas suffisant, nous amènera à conclure que le mal vient des émotions puisque le sage n'est plus affecté. En fait, le mal vient des « cogitations » et toute la différence entre le sage et l'être humain ordinaire, c'est que le sage ne « pense » plus. Seulement il est plus facile de comprendre que le sage n'a plus d'émotions : vous n'imaginez pas le Bouddha, Socrate, Epictète ou Ramana Maharshi en proie aux troubles et aux passions qui agitent la plupart des existences humaines. Mais même s'il est plus difficile de saisir ce que Swâmiji appelait : ne plus penser et voir, c'est quand même là que se situe l'essentiel. 
La vigilance par rapport aux émotions, tout ce qui peut être dit sur la diminution des émotions a sa place sur le chemin mais, si c'en est la forme la plus apparente, ce n'en est pas la plus subtile. Il faut plus d'acuité pour comprendre que c'est dans la lutte contre les pensées, et là seulement, que réside la possibilité d'une véritable libération – une lutte sans tensions. 

 Extrait de "La Voie et ses pièges"
Arnaud Desjardins

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