mardi 4 juillet 2017

Comment la méditation nous aide à moins souffrir avec Christophe André (2)


Une réponse préventive

La méditation s’inscrit aussi dans les évolutions que connaît le monde médical. Pendant longtemps, la médecine occidentale était principalement une médecine de la maladie, ciblée uniquement sur les organes. Par conséquent, aujourd’hui, lorsque vous consultez dans un Centre hospitalier universitaire (CHU), il n’y a plus de praticien généraliste. Même chaque cardiologue est spécialisé sur des pathologies très précises comme l’hypertension ou les infarctus. Mais au fil du temps, on s’est rendu compte que cette organisation ne suffisait pas. Qu’il fallait adjoindre à cette médecine d’excellence des organes, une médecine de la santé. Il s’agit de s’interroger en amont, faire de la prévention pour aider les personnes à rester en bonne santé plutôt que de les soigner lorsqu’elles sont tombées malades. C’est soigner la personne et non seulement ses organes.
Cette mission, la méditation peut y répondre. Car cette approche plus écologique de la santé facilite les capacités d’autoréparation du corps. C’est ce qu’il se passe lorsque vous vous coupez et que votre peau se cicatrise toute seule. Autoréparer nos organes, y compris notre cerveau, est possible grâce notamment à l’apprentissage de l’auto-compassion : la bienveillance et la douceur envers nous-mêmes. Lorsqu’on est malade, il s’agit de ne pas traiter son corps comme un objet qui nous casse les pieds et nous empêche d’atteindre tel ou tel objectif. Au contraire, il faut être attentif à ses besoins. De plus, cette pratique nous incite à modifier notre style de vie. Apprendre à méditer, ce n’est pas seulement s’asseoir tous les matins sur un tabouret pendant une demi-heure, puis conduire le reste de ses journées comme auparavant. C’est prendre davantage d’instants pour se poser, ne rien faire, écouter, ressentir afin d’être plus présents face à ce que nous accomplissons.

Se focaliser et non se disperser

Au travail, nous pensons à nos loisirs. À la maison, nous pensons à notre travail, etc. Nous sommes aujourd’hui dans une société dite de « la dispersion intentionnelle ». La méditation peut nous aider à nous concentrer davantage grâce à l’un de ses mécanismes : l’entraînement intentionnel. Une technique qui utilise le souffle et la respiration, deux cibles mouvantes (voir exercice en encadré). En effet, notre intention se fixe plus facilement sur des objets en mouvement qu’immobiles. Ceci explique pourquoi la majorité des humains entrent dans des états proches de la pleine conscience lorsqu’ils sont face aux vagues de la mer ou les flammes d’un feu.
Toutefois, l’objectif de l’entraînement intentionnel n’est pas d’être toujours attentifs mais de savoir où vont nos pensées : à quel moment notre esprit est-il en train de vagabonder ? À quel instant est-il centré sur un objet ? Puis il arrive que le problème s’inverse. De trop dispersée, notre intention peut devenir trop focalisée. C’est ce qu’il se passe lorsque nous souffrons ou même lorsque nous sommes préoccupés. Lors de ces situations, nous oublions tout ce qui existe autour de nous. C’est pour cela que parmi les pratiques méditatives, certains entraînements sont des exercices de focalisation de l’attention tandis que d’autres que l’on appelle de « conscience ouverte » permettent de s’ouvrir à l’ensemble des éléments présents dans notre environnement.

Souffrance moins destructrice

Méditer modifie des variables biologiques, immunitaires, inflammatoires, etc. Les bénéfices médicaux de cette pratique sont nombreux. Lorsque nous avons découvert les premières études sur ce sujet, nous avons été bluffés. Parmi ces recherches, certaines étudient la diminution de la C-réactive (ou CRP), une protéine qui se révèle être un bon marqueur de l’état inflammatoire. Les unes s’attachent à observer l’impact de la méditation après trois mois de pratique, les autres se focalisent sur des méditants plus expérimentés. Mais toutes concluent sur des résultats similaires : un affaiblissement des niveaux d’inflammation, identifié grâce à des variables biologiques.
Quant aux études sur la douleur, elles montrent que les personnes qui méditent vont avoir davantage de recul psychologique sur leur souffrance. Certes, la source de douleur en elle-même ne sera pas supprimée. Mais ses conséquences psychologiques et affectives seront moindres. À douleur égale, la souffrance sera moins destructrice, moins dévastatrice. Du côté des méditants expérimentés, on observe également des modifications d’ordre anatomique. Chez eux, les aires du cerveau qui traitent les signaux douloureux sont plus épaisses comme si elles travaillaient davantage et qu’elles freinaient plus intensément les impulsions que chez les personnes non méditantes. Tous ces phénomènes sont très étonnants. Ici, il ne s’agit pas de patients qui nous déclarent : « J’ai moins mal, je souffre moins. » Mais bel et bien de données biologiques qui montrent l’impact de ces pratiques.
Ainsi, pour moi, lorsque des hommes modernes déclarent qu’ils n’ont pas le temps de méditer, ils sont en danger. Leur raisonnement est quelque peu absurde. Car cette pratique n’est pas du temps à consacrer en plus mais une manière différente de traverser nos moments de vie habituels qu’ils soient joyeux ou malheureux.

Le souffle et les intentions

« Voici un exercice pour travailler sur vos intentions. Installez-vous correctement : le dos droit, les pieds à plat. Cessez toute activité pour être juste dans la présence de ce qu’il se passe ici et maintenant. Que ressentez-vous à cet instant ? Rappelez-vous que vous avez un corps, puis focalisez votre attention sur les mouvements de votre souffle sans pour autant chercher à contrôler votre respiration. Peut-être qu’à un moment donné, vous allez vous rendre compte que vous n’êtes plus dans la conscience de votre respiration mais que vous pensez à autre chose. Une fois que vous notez cela, acceptez-le. C’est le fonctionnement naturel de notre esprit : il vagabonde. Puis si vos pensées s’éloignent à nouveau du souffle, revenez à votre respiration afin de continuer à travailler sur votre intention première. »

Distinguer le réel du virtuel

« Nos souffrances intérieures ne sont pas liées uniquement à des événements mais aussi à ce que nous en disons et à ce que nous en pensons. Parmi les mécanismes de la méditation, un exercice permet de prendre du recul sur nos pensées et nos émotions, de mieux faire la distinction entre le réel et le virtuel. Quand nous nous sentons tristes ou anxieux, nous pouvons, par exemple, nous demander : suis-je dans la réalité ou dans la lecture la réalité ? Ma tristesse a-t-elle comme origine des faits concrets ou est-elle due à des montées d’angoisses plus anciennes ? Cet apprentissage, qui s’inscrit bien sûr dans le temps, peut jouer un rôle intéressant dans la prévention de rechutes dépressives ou l’apparition de troubles anxieux. Les patients souffrant de ces pathologies seront plus aptes à affronter l’adversité de la vie car ils auront déjà distingué les faits réels des lectures de la réalité. »

Christophe André :
C’est lui qui, en France, a été l’un des premiers à introduire la méditation à l’hôpital. Il est l’auteur de best-sellers sur la psychologie positive et la méditation (vous en trouverez d’ailleurs dans notre boutique en ligne), des livres où il sait trouver les mots et les conseils simples et humains qui nous touchent et rejoignent nos expériences. Ce psychiatre dit aussi sans détour, combien il est lui aussi traversé par cette anxiété, ce stress qui nous concernent tous à un moment de notre vie. Il continue de suivre à l’hôpital Sainte-Anne, à Paris, des patients et à poursuivre des recherches sur le traitement et la prévention des troubles émotionnels anxieux et dépressifs.
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source : la Vie