lundi 3 septembre 2018

Pausing !

J'aime bien le samedi, parce que le samedi, c'est marché. Et sur le marché, il y a cette aimable dame qui vend des gâteaux si délicieux qu'il faut se retenir pour ne pas avoir tout mangé avant même d'être rentré chez soi. Aujourd'hui, il est tôt, les chalands sont rares, les gâteaux tout débordants de chocolat, de noix de coco et autres écorces confites me font signe et je ne sais que choisir. Pendant que j'examine la question : un de chaque ? ou deux de chaque ?, nous papotons, comme on dit sur le marché. Je la félicite pour son œuvre, et quel travail ce doit être, des vendredis bien chargés, elle prend un air tout triste, soupire et m'explique qu'elle a du mal, qu'elle est anxieuse en ce moment : quand tout est en train, au milieu de la cuisine, elle a l'impression d'être débordée, d'aller trop vite... « Comme si j'étais catapultée ! Je n'arrive pas à me calmer, tout s'emballe, ça m'épuise... »
Oui, je connais bien ça aussi, ces moments où tout va trop vite, trop de choses, trop de précipitation, et puis le téléphone sonne, ou bien « ding-ding ! » c'est un mail qui arrive... On a juste envie de souffler, de remettre les choses dans l'ordre avant qu'elles ne nous écrasent... « J'aimerais, poursuit la dame pâtissière, faire de la méditation, je suis sûre que ça me ferait du bien, mais c'est justement quand je suis le plus occupée que j'en ai besoin ! Et je ne me vois pas m'arrêter une heure avec les gâteaux dans le four, la crème dans la casserole, les crêpes dans la poêle et les fruits à éplucher... »
Prendre le temps, cela paraît impossible puisque justement nous sommes débordés, mais nous avons une solution. Récemment une amie m'a dit en riant : « Moi je fais du jogging, et aussi du "pausing "! » Le mot nous a amusées et nous l'avons adopté. Qu'est-ce que c'est, ce « pausing » ? Eh bien, en bon français, ce serait une pause, et même une petite pause. Une mini-méditation... ne souriez pas ! Vous êtes en train de vous énerver et de ronger vos ongles dans un embouteillage ? Vous ne savez plus où vous tourner dans la cuisine ? Ou bien votre ordinateur montre son véritable visage et décide de saboter votre travail ? On s'arrête. Une minute. On arrête de courir dans tous les sens, que ce soit avec son corps ou avec sa tête. On se « pause »! On est assis, et là on se rend compte qu'on a les pieds sur le sol, ce qui nous donne un point fixe et nous rend stable. Alors, on peut lâcher un peu nos épaules qui n'en peuvent mais. Ah, on s'aperçoit qu'on a le visage tout crispé, on le détend et même on tente un sourire.
Oui, toute seule, tout seul, dans son bureau, ou dans sa cuisine, on sourit. Et on respire. Non ! ce n'est pas de la culture physique, arrêtez ces grandes inspirations ! Laissez-vous respirer tranquillement, votre corps sait très bien le faire sans vous, faites-lui confiance au lieu de vouloir tout diriger. Une minute.
Et maintenant, repartez. Vous n'avez pas perdu de temps. Parce que là, vous êtes bien plus efficace, la voiture de devant n'est plus une ennemie à écraser, le gâteau dans le four, un boulet à détester... Même l'ordinateur, devant votre calme, revient à de bons sentiments.
Le « pausing » : quelques instants, deux ou trois respirations pour revenir à soi-même, et ne plus être emporté dans le tourbillon de nos activités. Un sourire aussi, parce qu'au fond, tout ne va pas si mal ! Convaincue par mon enthousiasme, la dame pâtissière rit et m'offre une belle tranche de cake au chocolat. J'ai envie de le déguster, mais d'abord un « pausing »... pour qu'il soit encore meilleur !
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