vendredi 23 octobre 2015

Les psys se confient avec Christophe André


Patrice van Eersel : Après Secrets de psys, pourquoi avoir réalisé un nouveau livre collectif ?
Christophe André : Dans le premier, mes amis et moi-même cherchions à reconnaître les points faibles sur lesquels chacun de nous avait à travailler (dépression, timidité, colère, etc.). Dans Les psys se confient, nous avons voulu raconter plus largement la façon dont nous nous étions construits, en tant que thérapeutes, et en tant qu’humains. C’est donc un approfondissement du livre précédent, fondé sur un constat que nous avons tous fait dans nos pratiques : c’est un atout que d’avoir été dépressif soi-même quand il s’agit d’aider quelqu’un à sortir de la dépression, d’avoir connu l’angoisse pour accompagner un anxieux, etc.

Patrice van Eersel Quelque part dans votre témoignage, vous dites : « Je suis fait du même bois que mes patients... »
Christophe André : Bien sûr ! De cette façon, le psy ne se pose ni en juge ni en modèle, mais en personne ayant elle-même connu des problèmes, des souffrances, des manques. Cela dit, n’oublions pas que celui qu’il faut aider, c’est le patient, pas le psy ! Les moments où le thérapeute décide de parler de lui-même - parce qu’il voit que son patient est en proie à un sentiment de solitude, qu’il a l’impression d’être seul au monde à avoir ces problèmes, qu’il se sent coupable, dévalorisé, pensant qu’il ne s’en sortira jamais-, ces moments doivent être rares, minutieusement dosés et tournés vers l’autre.

Patrice van Eersel : Pour les psychanalystes, parler de soi était le tabou suprême !
Christophe André : Oui, il était hors de question de sortir de la neutralité. Mais les temps ont changé. Ce que nous appelons aujourd’hui la « révélation de soi » s’inscrit dans un modèle beaucoup moins vertical, patriarcal, élitiste que du temps de Freud, et beaucoup plus collaboratif, empathique, fraternel. A un certain moment, le thérapeute sent que l’aide la plus puissante et la plus réconfortante pour son patient, est de lui dire : « Je sais ce que vous êtes en train de vivre, pour l’avoir moi-même vécu. Voilà dans quel état j’étais, ne vous découragez pas... » Créée par les thérapeutes humanistes américains, cette pratique obéit aujourd’hui à des règles précises et intéresse toutes les nouvelles psychothérapies.

Patrice van Eersel : On sent une grande jubilation dans vos vingt-deux récits. Comment avez-vous procédé ? Par interview ?
Christophe André : Non. J’ai rédigé mon témoignage en premier, pour amorcer la pompe et donner à mes amis une sorte de cahier des charges. Ensuite, chacun a librement écrit son propre texte, chacun dans son style et avec son tempérament. Certains se dévoilent énormément, d’autres sont plus réservés. Mais si vous lisez entre les lignes, tout est dit. Et tous ont pris un immense plaisir à faire ce travail.