jeudi 6 août 2015

Rencontre avec Minh Tri Vô (1)


Je n'oublierai jamais ma rencontre avec le vénérable Thich Nhat Hanh. Elle eut lieu en 1994, au Village des Pruniers (Lot-et-Garonne). En présence de ce maître zen, j'ai instantanément senti une nouvelle naissance germer en moi. Naissance tournée vers un éveil au miracle de la vie. Vie qui, jusqu'alors, était dirigée en pilote automatique et guidée selon un objectif : réussir dans les affaires. Je vivais en France depuis près de 15 ans. Deux mariages, la naissance d'une petite fille, la création de deux entreprises... Mon existence s'accordait au rythme d'une locomotive trépidante. Quatre ans avant ma rencontre avec Thich Nhât Hanh, j'étais retournée dans mon pays, le Vietnam. Quel choc ! La jeune ambitieuse que j'étais se voyait tout à coup comme telle, face à une population encore enlisée dans la souffrance. À mon retour en France, une seule chose m'est apparue clairement : je me devais de calmer ma vie, de poser vraiment mes valises.

Le bouddhisme de mes parents me paraissait bien poussiéreux à cette époque. Peu à peu, je l'avais délaissé. Petite, j'accompagnais ma mère, héritière de la branche Terre pure, école Mahayana - laquelle comporte une branche zen -dans les pagodes. Et tous les mois, nous ne manquions pas de manger végétarien les jours de pleine lune et demi-lune. Très rapidement, je fus outrée par ses récitations effrénées de soutras, alors qu'elle ne les comprenait pas. Outrée aussi de la voir se réfugier dans les prières plutôt que de se révolter contre son mari incompréhensif et brutal.. Mon regard a changé depuis : cette pratique assidue l'immergeait dans un éphémère oasis de paix. Malgré un climat de guerre, mon enfance, passée dans les hauts plateaux du centre du Vietnam, fut paisible et insouciante avec mes six frères et soeurs. Jusqu'à l'âge de 18 ans, j'ai été scolarisée au lycée français, puis je suis partie en Belgique étudier les sciences économiques. Petit à petit, une soif s'est ouverte en moi, et m'a conduite vers des lectures philosophiques et spirituelles. Mais les affaires ont enseveli cette aspiration dormante, jusqu'à mon retour au Vietnam, et la prise de conscience qui s'en est suivie. Quatre ans plus tard, je rencontrai enfin celui qui allait être mon maître.

L'appel fut si fort que j'ai envisagé de devenir nonne. Au final, j'ai réalisé que pratique et vie laïque n'étaient pas incompatibles. Deux ans après ma rencontre avec Thich Nhat Hanh, je me suis ainsi engagée dans l'ordre de l'Inter-Être, communauté de moines et de laïcs, et ai prononcé le voeu de réciter, suivre et pratiquer les quatorze entraînements à la pleine conscience tous les mois. Le jour où je ne pratique plus, mon engagement perd de son sens. J'ai besoin de me retirer régulièrement à la maison de l'Inspir, un monastère en région parisienne, et directement lié à celui du Village des Pruniers. Besoin de ces coupures où je ne fais rien d'autre que pratiquer la pleine conscience. Puis, retournée dans ma vie quotidienne, je tente de poursuivre cette pratique du lever au coucher du soleil. Tout est une question d'énergie et d'habitude...

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