À méditer
« Les « honnêtes gens » n'ont point de défauts eux-mêmes dans l'armure. Ils ne sont pas blessés. Leur peau de morale, constamment intacte, leur fait un cuir et une cuirasse sans faute. Ils ne présentent point cette ouverture qui fait une affreuse blessure, une inoubliable détresse, un regret invincible, un point de suture éternellement mal-joint, une mortelle inquiétude, une invincible arrière-anxiété (...) une cicatrice éternellement mal fermée. Ils ne présentent pas cette entrée à la grâce qu'est essentiellement le péché. Parce qu'ils ne sont pas blessés, ils ne sont pas vulnérables. Parce qu'ils ne manquent de rien, on ne leur apporte rien (…) La charité même de Dieu ne panse point celui qui n'a pas de plaies. C'est parce qu'un homme était par terre que le Samaritain le ramassa. C'est parce que la face de Jésus était sale que Véronique l'essuya d'un mouchoir. Or, celui qui n'est pas tombé ne sera pas ramassé ; et celui qui n'est pas sale ne sera pas essuyé. »
Extrait de Note conjointe, Œuvres en prose II, de Charles Peguy
À écouter : Messiaen, Visions de l’Amen, pour 2 pianos
À plusieurs reprises, Olivier Messiaen a puisé dans sa propre foi la source de son inspiration musicale. C’est le cas pour cette œuvre qu’il compose en 1943, sous la forme de « sept visions musicales », sortes de méditations autour du mot « amen ». En exergue de sa partition, Messiaen écrit : « Amen revêt quatre sens différents : / Amen, que cela soit! L'acte créateur / Amen, je me soumets, j'accepte. Que votre volonté soit faite ! / Amen, le souhait, le désir que cela soit, que vous vous donniez à moi et moi à vous. / Amen, cela est, tout est fixé pour toujours, consommé dans le Paradis. » L’une des sept parties intitulée « Amen de l’agonie de Jésus » rappelle l’ostinato de Bach entendu dans la Passion selon Saint Jean, mais plus lent, plus libre rythmiquement. On tourne autour d’une note, toujours obstinément, péniblement, jusqu’aux funèbres accords finaux, comme lourdement cloués aux claviers.
Olivier Messiaen, Visions de l’Amen, par Olivier Messiaen et Yvonne Loriod, Accord, 2002
***
1 commentaire:
""Heureuse faute qui nous a valu un tel Rédempteur" :-)
Enregistrer un commentaire