Lors de votre enseignement, vous avez expliqué le lâcher-prise, en utilisant la métaphore du vacher qui doit lâcher ses vaches s’il veut moins souffrir. N’est-ce pas décalé, dans un contexte de crise où les gens souffrent moins de « trop posséder » que du manque de travail et de ressources?
T.N.H. : Souvent, on pense que l’on ne peut pas lâcher telle personne ou telle propriété parce que l’on ne pourra pas continuer de vivre sans elle. Mais peut-être est-ce en s’en détachant que l’on souffrira moins. Alors, il faut avoir assez de courage pour pouvoir la laisser aller. Mais toutes les possessions ne constituent pas des obstacles au bonheur ! Seule est une « vache » la possession que vous ne savez pas lâcher. Car elle fait de vous son esclave.
Que conseillez-vous, alors, pour « bien » lâcher prise?
T.N.H. : Dressez une liste, par écrit, de toutes vos « vaches », ces choses mais aussi ces connaissances que vous croyez très importantes, car si vous ne pouvez pas lâcher une connaissance, vous ne pourrez pas arriver à une plus élevée. Puis regardez-les en pleine conscience. Et entraînez-vous à les laisser s’éloigner. Cela vaut avec tous les attachements. Dans le couple ou dans la relation parent-enfant, l’amour véritable consiste à cultiver la liberté des uns et des autres.
Certains vous qualifient d’« être éveillé » ou de « bouddha ». L’êtes-vous ?
T.N.H. : Tout le monde l’est ! Car tout le monde a une conscience. Vous aussi, si, lorsque vous marchez, vous êtes consciente de votre pas, vous êtes un être éveillé ! Mais, selon votre pratique, vous pouvez l’être à 10 %, à 20 %, à 40 % de votre temps. Et 40 % ou 50 %, c’est déjà beaucoup ! Il faut garder un peu de boue pour pouvoir faire pousser le lotus. La souffrance sera toujours là, car tant qu’il y a de la vie, il y a de la souffrance. Mais celui qui pratique apprend à la transformer dans la joie et dans la paix.
Comment préparez-vous l’« après-Thây » au Village des Pruniers ?
T.N.H. : Je ne vais pas mourir. [Il éclate de rire.] Si vous regardez autour de vous, vous pourrez me voir dans les moines et moniales. Mais ils vont aussi pratiquer le lâcher-prise : des États-Unis à Hong Kong, partout les sanghas travaillent déjà seules. Et notre tradition doit continuer d’évoluer en se nourrissant des sciences et de la psychologie.
Vous n’avez pas d’héritier direct?
T.N.H. : Tous le sont. On va comme une rivière, non comme des gouttes d’eau. Comme on l’a dit au Parti lors de notre retour au Viêt Nam * : « Les vrais communistes, c’est nous ! » [Il rit]
*Thich NhatHanh a obtenu la permission de se rendre au ViêtNam, où chacun de ses déplacements, attirant des milliers de personnes, a été très encadré par le gouvernement.
Psychologies magazine - mars 2014
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2 commentaires:
Y en a des "vaches" à lâcher :-)
Beauté sereine de ce beau jeune homme de 87 ans.
Tout un grand troupeau...
Une beauté intérieure qui irradie...
Je suis de retour d'une semaine de travail sur le corps vivant de pleine attention.
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