PRIERE DE L'AMI DÉFUNT
Il y a exactement 13 ans aujourd'hui 10 août, mon ami spirituel (mon maître)- qui dans sa forme cette fois ci s'appelait Arnaud Desjardins prenait congé de la forme en question.
Il y a 42 ans (début août 82) un jeune homme de 23 ans portant mes noms et prénoms écrivait sa toute première lettre à cet homme qu'il n'avait encore jamais physiquement rencontré mais à travers lequel il avait entendu l'appel de la profondeur s'adressant à la profondeur.
Cette première lettre que j'ai sous les yeux, soulignée de sa main, marque le début d'une relation en vérité intemporelle et qui se poursuit plus que jamais aujourd'hui, 13 ans après le "départ" d'Arnaud , commémoré en ce jour dans l'ashram qu'il a fondé.
Cette année, je ne me trouve pas physiquement à cette commémoration, physiquement près de cette sépulture où je me suis rendu il y a moins d'un mois.
Alors je partage ce texte.
Il n'a pas été écrit spécifiquement pour "Arnaud Desjardins" mais s'applique bien entendu à lui.
Au départ il m'est venu après avoir participé à une autre commémoration en juin, celle du départ d'un autre grand ami spirituel, Yvan Amar.
PRIERE DE L'AMI DÉFUNT
Je ne demeure plus dans le temps
Pas plus que dans l’espace
La sépulture où ont été mis en terre les restes du corps qui me fut prêté, précieux serviteur de mon âme en chemin, cette sépulture existe.
Mais vous ne m’y trouverez pas.
Elle a été édifiée pour vous, vous qui demeurez encore au sein du temps et de l’espace. Vous êtes très bienvenus à vous y recueillir , à vous y rassembler parfois.
Pas en mon nom mais au nom de ce Plus Grand auquel mon existence vint à être consacrée.
Vous y trouverez un rappel de ce qui nous fit et nous fait être en relation.
Puissiez vous y nourrir, y raviver ce qui vous unit.
Puissiez vous y recevoir l’invitation à ne jamais laisser les petitesses vous diviser.
Auprès de cette sépulture, vous trouverez le lien tissé entre vous tous à partir de ce dont je fus le serviteur
Mais vous ne m’y trouverez pas.
Je n’existe plus en tant que forme, sinon dans votre souvenir, je n’existe plus dans la trame de l’espace et du temps
Et pourtant la forme dont vous vous souvenez, dont vous pouvez voir l’image a différentes étapes de son vieillissement, entendre encore la voix captée à divers stades de sa maturation , cette forme évanouie demeure une porte d’entrée ; comme un seuil du souvenir si pour vous elle en vint à être celle de l’Ami.
Puisse donc les traces préservées de cette forme passante oeuvrer en vous comme un appel à franchir le seuil qui ouvre vers vous même
Souvenez vous de cette forme pour ce qu’il lui fut donné de servir.
Cependant, prenez garde de ne pas vénérer la forme elle même ; défiez vous de de toute nostalgie, de tout romantisme, de tout attachement à ce qui un temps fut mais n’est plus et ne sera jamais plus.
Le Plus Grand vous préserve d’assimiler la forme à ce dont elle fut un fragile véhicule.
Gardez vous de l’idolâtrie qui est toujours blasphème .
Aussi, n’érigez aucun piédestal à ma personne.
Nul n’est supérieur, nul n’est inférieur, chacun est différent.
N’effacez pas la mémoire, mais cultivez là uniquement en tant que force active au service du présent.
Puisez en elle, apprenez d’elle pour aujourd’hui, donc pour demain, jamais pour hier.
Je ne demeure plus dans la trame de l’espace et du temps.
Je n’existe désormais qu’en tant que cette force non née non devenue dont je fus dans ma forme passante le si fragile serviteur
Alors amis, je vous en prie, cherchez moi et trouvez moi instant après instant dans le souvenir de votre essence , dans le rappel à vous mêmes, dans la conscience de votre dignité intrinsèque .
Cherchez moi et trouvez moi en cette intimité libre de tout regard extérieur , de toute attente, de toute revendication, de tout rejet et de toute appropriation .
Cherchez moi et trouvez moi en la vie qui vous anime, en cette énergie dont vous êtes parcelle , en cet océan dont vous êtes une vague …
Puisse le souvenir de la forme en laquelle je vins à vous servir vous inciter et vous conduire à respecter toutes les formes, à célébrer l’un dans la danse du multiple , l’infini dans le mystère du fini
« Ce que tu aimes vraiment demeure
Ce que tu aimes vraiment est ton véritable héritage
Ce que tu aimes vraiment ne te sera pas arraché
Rabaisse ta prétention »
écrivit un poète (Ezra Pound)
Le Plus Grand veuille que mon éphémère passage ait été et soit pour vous une fenêtre ouverte sur l’amour qui demeure.
Gilles Farcet
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