mercredi 12 août 2020

Réceptivité ou anesthésie ?


Dans le monde actuel, la recherche de stimuli de plus en plus nombreux et intenses est plutôt la marque d’un affaiblissement de la sensibilité et d’une incapacité à être réceptif à ce qui est délicat et subtil. Les impressions doivent être massives et grossières pour solliciter la perception, de la même façon qu’une personne devenant sourde aurait besoin d’augmenter le volume pour finir par percevoir quelque chose. C’est une sorte d’escalade sans fin, car l’augmentation exagérée du son contribue elle-même à la surdité.

La diminution de la réceptivité et de la sensibilité conduit le mental à rechercher des sensations fortes afin d’être amené à ressentir une intensité qui s’est émoussée progressivement. Cela explique en partie le succès à grande échelle d’un certain type de productions musicales ou cinématographiques. Les impressions doivent être exagérément accentuées afin de pouvoir dépasser le seuil d’insensibilité et traverser l’épaisseur cotonneuse propre à la torpeur ou à l’anesthésie. Nous mettons des remparts pour nous isoler de notre essence profonde et pour voiler les contradictions et les stratégies de l’ego.

Dans la perspective d’un cheminement intérieur, l’enjeu principal consiste à déjouer de tels tampons et, même si la difficulté est de taille, elle n’est pas insurmontable.

... Le chemin vers une plus grande réceptivité et une plus grande vulnérabilité est long et nécessite des efforts autant précis que persévérants. Redevenir comme de petits enfants est une tâche de longue haleine, car avant de retrouver une innocence première, il faut préalablement retrouver une capacité naturelle à être ouvert aux autres et aux circonstances. Une telle ouverture passe impérativement par la réceptivité à l’égard de ce que l’on porte en soi. 
 

Eric Edelmann
 "Dites-leur de viser haut !" 
 Ed. Le relié

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