Il y a vingt-cinq ans, Henry Quinson a rompu avec sa vie de trader pour entrer clans un monastère cistercien. Avec ses compagnons. il a fondé la Fraternité Saint-Paul, à Marseille, un lieu où l'amour de Dieu rime avec l'expérience de la fraternité universelle. Il est l'auteur du livre Moine des Cités. En 2009 et 2010, il a été le conseiller monastique du film Des hommes et des dieux, réalisé par Xavier Beauvois.
"A l'âge de vingt ans, j'étais insatisfait de ma vie de jeune consommateur occidental. Je voulais être heureux, en paix. C'est alors que j'ai découvert la prière. Cette quête de bonheur était sans doute une recherche égocentrée... Mais, dans un premier temps, elle était légitime, car il est important d'être heureux. Le fruit de cette recherche intérieure m'a conduit sept ans plus tard à quitter les salles de marché pour vivre sur un mode de relatif retrait du monde dans un monastère cistercien. Quelques années plus tard, en 1997, avec Karim de Broucker, nous avons fondé à Marseille la Fraternité Saint-Paul. Ce lieu m'a mis en contact avec des gens en difficulté et une population majoritairement musulmane.
Pendant plus de quinze ans, l'accompagnement scolaire et le travail éducatif ont été les expressions de mon engagement social. Ma soif d'intériorité m'avait mené au coeur de la Cité, sans qu'il soit question bien sûr d'abandonner les retraites spirituelles et les temps de prière. À la sortie de mon livre Moine des Cités, des personnes athées m'ont écrit pour me dire qu'elles avaient mieux compris comment une quête spirituelle pouvait mener à une démarche d'engagement social, une action politique au sens large du terme.
En 2006, on m'a demandé de traduire un livre sur les moines de Tibhirine, assassinés en 1996. Ils avaient aussi allié prière, hospitalité et entraide. Ce travail m'a permis de passer à une deuxième phase, celle de la prise de parole. À,travers mes interventions, j'indiquais un chemin possible de paix civile pour des populations en conflit sur des questions que l'on juge d'abord religieuses, alors qu'elles sont aussi ancrées dans des problèmes de société, d'inégalités et de régimes politiques corrompus.
Puis, à partir de 2008, on a fait appel à moi comme ancien trader en m'interrogeant sur les causes de la crise financière. J'ai donc été obligé de clarifier mes positions sur certains sujets. J'ai même accepté de donner mon point de vue au Conseil économique du Parlement européen. Mon action ne consistait pas à participer à des débats de société pour accoucher de solutions concrètes à une échelle qui dépasse le quartier, la ville et même la nation.
Depuis le printemps dernier, je fais partie du conseil d'administration de l'association Loger Marseille Jeunes. Nous permettons à des jeunes, en situation de précarité ou engagés dans un projet professionnel, de trouver des logements à des prix abordables. Par ailleurs, cette année, dans le cadre d'un partenariat avec une fondation de bourses professionnelles, j'ai pu financer un stage et, à titre personnel, j'héberge un jeune Algérien de vingt-cinq ans, Ali Zeggaï.
Rétrospectivement, j'observe que le choix d'une vie spirituelle centrée sur la quête de mon bonheur individuel m'a permis, au fil du temps, de me décentrer de moi-même pour vivre avec les autres. Cette proximité avec mes frères humains compte beaucoup pour moi. Dans la tradition biblique, on parle d'une profonde unité entre la recherche de la transcendance et le fait d'aimer les êtres qui nous entourent. Chaque jour, je fais l'expérience de cette unité entre ces deux pôles, qui finalement n'en sont qu'un. En étant dans la situation de celui qui « donne » – pas dans l'idée de mérite, mais dans le souci de me rendre utile –, je reçois beaucoup d'amour et je découvre le monde tel qu'il est, difficile, mais justement occasion de fraternité solidaire.
Je prends conscience que, plus je pénètre dans ce que Jésus nomme le Royaume de Dieu, plus je rencontre d'autres frères et soeurs en humanité qui habitent cet univers rempli de bonheur, un bonheur qui ne peut être solitaire. C'est un bonheur de communion. Dans la rencontre de l'Esprit, cet invisible transcendant, il y a un rayonnement, un débordement. Aujourd'hui, si un grand nombre de gens disent souffrir de la solitude, je dois avouer que, dans ma trajectoire personnelle, j'aimerais bien en avoir un peu plus ! Je suis plutôt dans l'excès inverse. Je reçois énormément de demandes, de sollicitations...
Mon expérience spirituelle consiste à être de plus en plus en communion avec l'ensemble des êtres. Je me sens faire partie de l'humanité de manière tangible. Toutes ces rencontres m'enrichissent. Oser prendre le risque de l'aventure humaine vient de l'Esprit et conduit à l'Esprit. Ma vie était tournée vers Dieu. Dieu l'a tournée vers mes frères humains, pour que notre vie partagée soit plus savoureuse et riche de sens.
Henry Quinson
source : "Sources" n°18
"A l'âge de vingt ans, j'étais insatisfait de ma vie de jeune consommateur occidental. Je voulais être heureux, en paix. C'est alors que j'ai découvert la prière. Cette quête de bonheur était sans doute une recherche égocentrée... Mais, dans un premier temps, elle était légitime, car il est important d'être heureux. Le fruit de cette recherche intérieure m'a conduit sept ans plus tard à quitter les salles de marché pour vivre sur un mode de relatif retrait du monde dans un monastère cistercien. Quelques années plus tard, en 1997, avec Karim de Broucker, nous avons fondé à Marseille la Fraternité Saint-Paul. Ce lieu m'a mis en contact avec des gens en difficulté et une population majoritairement musulmane.
Pendant plus de quinze ans, l'accompagnement scolaire et le travail éducatif ont été les expressions de mon engagement social. Ma soif d'intériorité m'avait mené au coeur de la Cité, sans qu'il soit question bien sûr d'abandonner les retraites spirituelles et les temps de prière. À la sortie de mon livre Moine des Cités, des personnes athées m'ont écrit pour me dire qu'elles avaient mieux compris comment une quête spirituelle pouvait mener à une démarche d'engagement social, une action politique au sens large du terme.
En 2006, on m'a demandé de traduire un livre sur les moines de Tibhirine, assassinés en 1996. Ils avaient aussi allié prière, hospitalité et entraide. Ce travail m'a permis de passer à une deuxième phase, celle de la prise de parole. À,travers mes interventions, j'indiquais un chemin possible de paix civile pour des populations en conflit sur des questions que l'on juge d'abord religieuses, alors qu'elles sont aussi ancrées dans des problèmes de société, d'inégalités et de régimes politiques corrompus.
Puis, à partir de 2008, on a fait appel à moi comme ancien trader en m'interrogeant sur les causes de la crise financière. J'ai donc été obligé de clarifier mes positions sur certains sujets. J'ai même accepté de donner mon point de vue au Conseil économique du Parlement européen. Mon action ne consistait pas à participer à des débats de société pour accoucher de solutions concrètes à une échelle qui dépasse le quartier, la ville et même la nation.
Depuis le printemps dernier, je fais partie du conseil d'administration de l'association Loger Marseille Jeunes. Nous permettons à des jeunes, en situation de précarité ou engagés dans un projet professionnel, de trouver des logements à des prix abordables. Par ailleurs, cette année, dans le cadre d'un partenariat avec une fondation de bourses professionnelles, j'ai pu financer un stage et, à titre personnel, j'héberge un jeune Algérien de vingt-cinq ans, Ali Zeggaï.
Rétrospectivement, j'observe que le choix d'une vie spirituelle centrée sur la quête de mon bonheur individuel m'a permis, au fil du temps, de me décentrer de moi-même pour vivre avec les autres. Cette proximité avec mes frères humains compte beaucoup pour moi. Dans la tradition biblique, on parle d'une profonde unité entre la recherche de la transcendance et le fait d'aimer les êtres qui nous entourent. Chaque jour, je fais l'expérience de cette unité entre ces deux pôles, qui finalement n'en sont qu'un. En étant dans la situation de celui qui « donne » – pas dans l'idée de mérite, mais dans le souci de me rendre utile –, je reçois beaucoup d'amour et je découvre le monde tel qu'il est, difficile, mais justement occasion de fraternité solidaire.
Je prends conscience que, plus je pénètre dans ce que Jésus nomme le Royaume de Dieu, plus je rencontre d'autres frères et soeurs en humanité qui habitent cet univers rempli de bonheur, un bonheur qui ne peut être solitaire. C'est un bonheur de communion. Dans la rencontre de l'Esprit, cet invisible transcendant, il y a un rayonnement, un débordement. Aujourd'hui, si un grand nombre de gens disent souffrir de la solitude, je dois avouer que, dans ma trajectoire personnelle, j'aimerais bien en avoir un peu plus ! Je suis plutôt dans l'excès inverse. Je reçois énormément de demandes, de sollicitations...
Mon expérience spirituelle consiste à être de plus en plus en communion avec l'ensemble des êtres. Je me sens faire partie de l'humanité de manière tangible. Toutes ces rencontres m'enrichissent. Oser prendre le risque de l'aventure humaine vient de l'Esprit et conduit à l'Esprit. Ma vie était tournée vers Dieu. Dieu l'a tournée vers mes frères humains, pour que notre vie partagée soit plus savoureuse et riche de sens.
Henry Quinson
source : "Sources" n°18
2 commentaires:
Je lui trouve un petit air d'Alain.
Après le brassage de l'argent ,le brassage avec les coeurs.
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