Mais, tout d’abord, laissez-moi vous conter l’histoire de Zhongli Quan, l’un des plus célèbres des 8 Immortels…
Zhongli Quan : l’Immortel qui changea de voie
Enfant, Zhongli Quan était connu dans sa région natale pour les miracles qui se produisaient sur son chemin. Il était déjà apprécié, dès son plus jeune âge, pour sa sagesse extraordinaire. L’enfant grandit, et décida de suivre davantage une vie de militaire plutôt que ses aspirations spirituelles, tout comme son père l’avait fait avant lui. Rapidement, Zhongli Quan fut recruté par la cour de l’empereur, et nommé général. Il fut envoyé sur le champ de bataille par l’empereur Han, afin de combattre les Qiang. Au cours de ce combat, Zhongli Quan fut lâchement trahi par son supérieur, et subit une terrible défaite. Blessé, humilié, il se réfugia dans une montagne enneigée pour s’y laisser mourir.
C’est alors qu’une maisonnette de bois lui apparut, au milieu de la forêt. Sur son seuil se tenait un vieillard, vêtu d’une peau de cerf blanc. L’homme accueillit le soldat blessé, et lui offrit l’hospitalité. Leurs discussions, profondes et empreintes de sagesse, réveillèrent l’aspiration de Zhongli Quan pour la spiritualité. Il supplia le vieillard de l’aider à renouer avec cette part de lui-même, qu’il avait si longtemps négligée. L’homme accepta, et se chargea de l’initiation de Zhongli Quan au Tao.
Bien des jours plus tard, le vieillard poussa Zhongli Quan à quitter les bois pour réintégrer la société, en lui faisant promettre d’utiliser ses nouvelles connaissances pour le bien de l’humanité. Après avoir quitté la maisonnette et fait quelques pas dans la neige, Zhongli Quan se souvint qu’il n’avait pas remercié son hôte comme il l’aurait dû. Il fit demi-tour. La maisonnette avait disparu.
Zhongli Quan réintégra la société, comme il l’avait promis, et se consacra corps et âme à sa quête spirituelle. Il multiplia les miracles et les bienfaits sur son passage, changeant le cuivre en argent, afin de permettre aux paysans miséreux de s’acheter de la nourriture. Entre autres faits, Zhongli Quan fut celui qui montra la voie de l’illumination à Lu Dongbin, l’un des 8 Immortels.
Un jour, alors que Zhongli Quan méditait dans sa chambre, un mur de la pièce s’effondra, laissant apparaître une boîte en jade. Lorsqu’il l’ouvrit, Zhongli Quan y découvrit le secret de l’Immortalité.
Il devint ainsi Immortel à son tour, et rejoignit les cieux.
Une peinture de Zhongli Quan à la recherche de la voie du Tao, 15e siècle |
Lorsque les évènements nous soufflent la voie à prendre
Comme nous tous, certainement, Zhongli Quan a essuyé au cours de sa vie une terrible défaite. Je suis certain que nous avons tous et toutes déjà vécu un événement similaire. Un licenciement. Une trahison amoureuse ou amicale. Un projet qui nous tenait à cœur, mais qui n’a pas fonctionné.
Dans le cas de Zhongli Quan, l’Immortel a dû vivre une terrible trahison, suivie d’un échec cuisant, pour se rendre compte que la voie qu’il avait empruntée n’était pas la bonne. L’échec, vous en conviendrez tout comme moi, n’est pas agréable. Rare est celui qui parvient à se réjouir d’une défaite. Mais échouer, se tromper, qu’est-ce que cela veut vraiment dire ?
Est-ce une fatalité, un événement contre lequel lutter de toutes ses forces ? Ou, au contraire, une main tendue par la voie du Tao ? N’oublions pas, chers amis, le principe de non-agir. Principe contraire à notre envie de lutter contre les échecs. À nous battre, toujours plus fort, contre les évènements.Lorsque nous luttons contre ce qui nous arrive de plus malheureux, nous nous épuisons inutilement. Nous nageons à contre-courant, dans un torrent vif et impétueux. Au lieu de nous laisser porter par l’eau.
Le non-agir n’est pas de la passivité. Il s’agit simplement de ne pas forcer les choses. Agir en harmonie avec le flux naturel, comme un bateau qui suit le courant plutôt que de lutter contre lui. Avez-vous déjà fait l’expérience d’essayer de nager contre le sens naturel d’une rivière ? Si oui, vous connaissez ce sentiment d’épuisement qui vous gagne. La douleur et la fatigue. Le froid qui commence à ronger votre peau. Si vous avez déjà fait cette expérience, vous savez aussi le soulagement que l’on ressent lorsque l’on cesse de se mouvoir. Lorsqu’on accepte le sens du courant. Lorsque nous nous y abandonnons pleinement. Il ne s’agit pas de résignation, non. Simplement d’un choix de suivre le juste cours des choses. D’accepter l’évidence, au lieu de tenter de plier la réalité à la seule force de notre volonté.
La rivière est le Tao. Accepter son flux naturel est un soulagement évident.
Quand les échecs guident notre chemin
Peinture de Zhang Lu sur Zhongli Quan, début du XVIe siècle |
J’aime voir les échecs, les trahisons et les instants difficiles de notre vie comme des buissons de ronces qui poussent le long de notre chemin de vie. Qui nous empêchent de nous tromper de sentier, et, au final, de nous perdre. Qui nous mènent, avec plus de douceur que l’on pourrait le supposer, vers ce que nous sommes et voulons profondément. Une occasion précieuse de réorienter notre chemin.
Dans le Taoïsme, les échecs et les obstacles sont vus comme des courants invisibles dans le flot de la vie. Plutôt que de les voir comme des barrages, nous pouvons les percevoir comme des signaux subtils qui nous guident vers une voie plus harmonieuse. En accord avec notre vraie nature
N’oublions jamais, ami(e)s du Tao, que la voie est celle qui apparaît sous nos pieds. Sans forcer et sans acte de résistance. Tout comme la maison du vieillard est apparue devant Zhongli, alors que les ronces de ses échecs l’avaient poussé à s’isoler dans la montagne. Les échecs, les trahisons et les déconvenues de l’existence nous indiquent que nous ne nous trouvons pas sur le bon chemin.
Alors, peut-être, nous indiquent-ils où se trouve notre réelle place dans l’univers. Celle que nous connaissons, tout au fond de nous.
Mais à laquelle nous refusons de croire...
Charles Zhang
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