dimanche 28 mai 2017

L’art de respirer est une clé pour notre santé

Reflet de nos émotions et de notre état mental, le souffle est indissociable du travail du corps. La manière dont nous respirons a des répercussions importantes sur notre état général. Entretien avec Jean-Pierre Laffez, kinésithérapeute, directeur de l’École française de yoga du Sud-Ouest et des Académies du yoga de l’énergie de Paris.





Le souffle est au cœur de la pratique, du yoga. Que répondez-vous à un élève qui se présente et vous dit qu’il ne sait pas respirer ?
Je commence par le rassurer. En effet, s’il ne respirait pas, il ne serait pas là. Il a peut-être l’impression de ne pas bien respirer. Il est peut-être angoissé. Je ne fais pas de longs discours, mais je propose une pratique, des exercices simples, réali­sables. S’il a beaucoup de craintes pour cette respiration, je lui proposerai peut-être une pratique, avec des mouvements, sans parler de respiration, puis, progressivement, une indication respiratoire viendra.
La tradition indienne nomme le souffle prana. Expliquez-nous le sens de ce mot ainsi que celui de pranayama. 
Prana est l’énergie, au même titre que t’chi pour les chinois, noun sous d’autres latitudes, ou souffle, pneuma en grec, etc. Autant de qualificatifs dont nous pressentons la signification sans cependant pouvoir la définir. Dans la pratique du yoga, prana­yama définit ce qui concerne la respiration. On ne peut concevoir le yoga sans pratique respiratoire. La respiration, indispensable à la vie, n’est que la manifestation de cette vie.
Le premier mouvement d’inspiration du nouveau-né n’est qu’un mouvement, certes vital, mais mû par une énergie qui était là avant cet instant. L’analyse du mot prana apporte un éclaircissement : « pra » indique la continuité des événements, des choses créées, et « na » sous-entend un mouvement, un déplacement. Prana est une puissance à la fois de déplacement, de manifestation et de réintégration. Toutes les traditions considèrent la respiration comme importante. Les Upanishads, les grands textes de l’hindouisme, et ceux qui sont plus en rapport avec le yoga le rappellent continuellement. La pratique du yoga donne les moyens d’expérimenter un des aspects subtils de prana. Nous pouvons différencier la manière de respirer (pranayama) et l’art de respirer (prana-ayama). La première concerne l’aspect physique de la ­respiration, des rythmes, une durée, pour simplifier, une gymnastique respiratoire. L’art de respirer nécessite de découvrir l’aspect subtil du souffle. Une possibilité d’avoir conscience de sa respiration sans chercher à modifier son mécanisme. L’art et la manière sont complémentaires.
Le yoga propose d’harmoniser le geste et le souffle dans la pratique. En quoi cette synchronisation est-elle bénéfique ?
Le yoga propose de calmer le mental. La pratique de gestes conscients – être présent à ce que l’on fait – enseigne à se recentrer. C’est plus facile dans un mouvement qui n’a pas à être compliqué. Même avec un membre immobilisé, il est possible de sentir ce membre comme si les mouvements se faisaient. Ces principes sont utilisés dans certains soins de rééducation. Harmoniser le souffle et les mouvements amène le pratiquant à agir sur sa respiration d’une façon indirecte.
Dans le yoga, la respiration se fait par le nez, pourquoi ?
Porte d’entrée de prana, le nez a un rôle essentiel. Il est le passage obligé de l’air extérieur pour le réchauffer, le filtrer des poussières. Et il n’a pas qu’un rôle physiologique. Il est le lieu du corps le plus important de l’échange entre le monde extérieur et le monde intérieur. En passant contre la muqueuse nasale, l’air est mis en contact avec une multitude de récepteurs nerveux sensitifs. Ceux-ci envoient leurs informations au cerveau et aux circuits d’énergie. En apprenant à manipuler l’air au contact de ses muqueuses, le yogi régule l’ensemble des mécanismes du corps.
Chacun peut expérimenter l’effet d’une respiration calme sur ses fonctions autonomes et volontaires. Les nerfs des muqueuses nasales sont en rapport avec l’ensemble des organes. Une mauvaise respiration, c’est reconnu par la médecine moderne, peut perturber la santé. Une respiration incorrecte peut créer des troubles organiques. Bien régulée, elle réharmonise les fonctions.
Le diaphragme est l’autre organe indissociable de la respiration. Pouvez-vous nous le décrire et nous préciser son action ?
Par son emplacement, le diaphragme est à la fois un centre et une cloison. Il partage le « ciel » de la « terre », le yang du yin. Il appartient au ciel par sa face supérieure, son rôle respiratoire, en contact indirect avec l’air, lié à la phonation. Il appartient à la terre par sa face inférieure et son rôle pneumatique sur la cavité abdominale. Sa face supérieure est convexe, sa face inférieure est concave. Grand ouvrier de la respiration, il est indispensable à la vie. En se contractant, ce muscle augmente tous les diamètres du thorax. Lors de l’inspiration et de l’expiration, la respiration a une importance physiologique, psychologique et symbolique. Le diaphragme a été comparé à un « inconscient » physique, emmagasinant toutes les tensions.
Tous les exercices qui provoquent l’expiration favorisent la détente de ce muscle, « magasin » des tensions les plus anciennes, souvent oubliées, sinon méconnues. Faites expirer vos poumons, vous ne vous tromperez pas. Une détente du diaphragme se communique à tout le corps. On y parvient par de nombreux exercices que l’on pratique progressivement. L’entraînement régulier permet de faire agir plus méthodiquement le système nerveux para­sympathique. Nous sommes venus au monde avec une inspiration et nous le quitterons par absence d’inspiration à la suite d’une expiration : nous avons rendu le dernier souffle. Le rire est une expiration alors que le sanglot est une inspiration. C’est facile à vérifier. Sans être hilare, nous pouvons rire. Quelqu’un a dit : « Un saint triste est un triste saint… »

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