Tous ceux qui ont été témoins, ou le sont encore, de l’atteinte par un proche de la maladie d’Alzheimer, ne pourront qu’être profondément touchés par ce petit livre très dense. L’auteur, Stéphanie Petit, médecin de profession, nous y livre un témoignage intime sur son lien à sa mère durant la traversée de cette épreuve longue de dix années.
Composé comme un journal de bord – les titres de chapitres sont des dates, qui vont de septembre 2004 à novembre 2014 -, ce livre nous propose d’entrer dans le point de vue d’une narratrice qui vit au plus près l’évolution de cette terrible maladie, et qui cherche à le faire dans une justesse de relation tout à fait remarquable. Une justesse délicate à trouver, toujours à réviser, parce que le comportement de la personne atteinte de cette forme de démence déconcerte à plus d’un titre : sa personnalité s’en trouve modifiée, sans disparaître complètement ; au contraire, parfois, ce sont d’anciens traits de caractère - dont l’enfant aura souffert lorsque sa mère était en pleine possession de ses moyens - qui reviennent dans une rudesse difficile à recevoir ; parfois, c’est un comportement inédit et régressif qui se manifeste.
Stéphanie Petit n’occulte rien de ce que furent ses difficultés, ses surprises et ses joies, furtives mais intenses, au cours de cette épreuve si particulière, de la découverte des premiers signes de la maladie jusqu’à l’acceptation de la nécessité de placer sa mère dans une structure adaptée. Elle nous livre tout cela à travers une situation bien concrète : son père vit encore et doit faire face au drame que vit son épouse, elle-même est mariée et son petit garçon est bien jeune pour affronter de telles circonstances. Comment faire comprendre la maladie de sa grand-mère à un enfant de cinq ans, comment passer de l’autre côté de la barrière – du médecin à l’univers du patient -, comment préserver un mode de relation vrai à sa mère tout en se protégeant soi-même, comment aider l’autre sans se substituer à lui, en veillant à respecter la liberté fondamentale de l’être humain, fût-il très diminué - toutes ces questions trouvent chez le lecteur des échos à sa propre existence de témoin de quelque maladie que ce soit, à vrai dire.
Le style de ce livre bien écrit est dépouillé, clair et juste à la fois. On n’en lâche pas facilement le fil. On est invité d’une belle et humaine façon à participer aux doutes et à la possibilité d’une certaine paix intérieure face à ce qui semble être, pourtant, une déchéance irrémédiable de l’être humain. Un Amour sans mémoire est une très belle leçon, non dogmatique, d’humanité réelle et vécue au quotidien, d’année en année, une plongée sensible dans le plus pur de l’humain : ce qui demeure, indéfectible, au-delà de la dégradation mentale.
Sabine Dewulf
UN AMOUR SANS MEMOIRE – Stéphanie Petit,
paru auxéditions Mon petit éditeur, en 2016 (prix : 8 euros)
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