«La contemplation est une dimension naturelle de notre être »
Plus qu'une croyance, la foi chrétienne est, pour le moine anglais Laurence Freeman, une voie de contemplation qui peut changer notre existence. Et accroître notre capacité à aimer autrui. Le temps des vacances est un moment privilégié pour revisiter les priorités de notre vie, une opportunité pour ralentir. Si, pendant ce temps de liberté, vous entretenez cette bonne habitude quotidienne, cette discipline pourra ensuite se maintenir lorsque vous retrouverez la routine stressante du travail. C’est la conviction de ce professionnel de la prière.
LA VIE. Comment entrer dans la contemplation ?
LAURENCE FREEMAN. La contemplation est une dimension naturelle de notre être. Elle est déjà là, nous n’avons pas à la construire, juste à la libérer pour faire en sorte qu’elle trouve sa place dans notre vie. La seule chose que nous ayons à faire, c’est de travailler au développement de ces qualités essentielles que sont le silence, l’immobilité et la simplicité. Pour cela, je préconise deux moments de désert quotidien en début de matinée et de soirée, qui vont réveiller, au plus profond de notre conscience et de notre âme, cette dimension contemplative.C’est le moyen le plus simple et le plus économique de stimuler notre potentiel d’humanité et de retrouver équilibre et harmonie dans nos vies.
Comment définiriez-vous le silence de la méditation ?
L.F. Le silence n’est pas uniquement l’absence de mots, ni même de pensées, c’est aussi le travail de l’attention. Pendant la journée, vous pouvez faire silence en prêtant attention aux personnes qui vous entourent, au travail que vous faites, au café que vous êtes en train de boire. Juste être conscient de cela : « En ce moment, je suis en train de boire une excellente tasse de café. » Prêter attention ne signifie pas se concentrer d’une façon artificielle, mais être pleinement éveillé à son environnement, aux odeurs, au monde sensoriel, de même qu’à nos ressentis. Cela nous rendra plus sensibles aux ressentis des autres.
Et que diriez-vous de l'immobilité ?
L.F. John Main, le fondateur des méditants chrétiens, disait : « Quand nous apprenons à rester immobiles pendant la méditation, nous faisons le premier pas pour aller au-delà de notre désir. » La pratique de l’immobilité, lorsque nous sommes assis, nous permet de constater que nous pouvons nous libérer de la compulsion de nos désirs. Ne pas se gratter le visage, ne pas répondre à toutes nos impulsions. Dans la vie de tous les jours, nous pouvons aussi pratiquer cette immobilité intérieure cette fois en nous refrénant, en nous contrôlant, en prenant par exemple une tasse de café et pas deux. Pratiquer cette discipline personnelle revient à cultiver une forme d’immobilité du centre de notre être, ce que les Mères et les Pères du désert, dans les premiers temps monastiques chrétiens, appelaient apatheia, comme une tranquillité de l’âme.
En quoi la méditation est-elle chrétienne ?
L.F. Avant tout, nous devons rappeler que la méditation est universelle. Aussi universelle que l’oxygène, la nourriture, les mouvements corporels et ceux de notre psychisme. Toutes les grandes traditions, depuis 4000 ans, l’ont intégrée. La méditation crée ainsi une communauté de foi composée de personnes de différentes croyances et c’est un grand message pour le futur de l’humanité. On peut méditer dans n’importe quel système de croyance, sauf si ce dernier est contraire aux fruits de la méditation, par exemple si vous êtes un politicien corrompu ou un parent abusif, je pense que vous aurez du mal à méditer. La méditation produit des fruits qui doivent être compatibles avec la bonté essentielle de notre nature. Mais ce qui rend notre méditation spécifiquement chrétienne, c’est la foi : la foi chrétienne est d’abord une expérience et une relation au Christ en tant que maître vivant et maître intérieur.
En quoi conduit-elle au silence du cœur ?
L.F. Le silence du cœur est notre capacité à être vraiment disponibles à l’autre, à Dieu dans l’autre, et aux autres en Dieu. Il nous permet de défocaliser l’attention de nous-mêmes, de notre petit ego et de la tourner vers l’extérieur et vers la réalité des autres personnes. Nous ne devrions jamais oublier que le but de la contemplation est d’ouvrir en nous la capacité d’amour. Le vrai test d’impact de la méditation n’est pas que votre tension soit bonne ou que votre niveau de stress diminue, mais c’est lorsque vous constatez que vous avez une plus grande capacité à aimer les autres.
Quelle expérience de contemplation peut nous aider à entrer dans cette méditation chrétienne du cœur ?
L.F. Une expérience très concrète que je recommande est de méditer en plein air. Si vous êtes au bord de la mer, descendez tôt le matin, ou sortez au coucher du soleil. Il y a un moment très particulier, très précieux, quand toute la nature, les oiseaux, les animaux, l’air, le vent... tout parvient à un point d’immobilité et d’éveil d’une certaine manière. Nous aussi nous devrions être en harmonie avec ces moments de la journée. Je vous suggère de vous lever tôt et, si le temps le permet, si vous êtes dans un endroit convivial où il fait chaud, asseyez-vous dans la nature ou au bord de l’eau et méditez à cet endroit-là. Soyez juste ouvert à l’expérience que vous êtes une partie de ce tout, que le monde est votre maison, que le cosmos est votre pays. Si vous pouvez, au moins une fois durant l’été, regarder le soleil se lever, c’est une grâce !
source La Vie
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