Exercice de la semaine: dans cette société DHL, la vraie rébellion, c’est peut-être de ralentir un peu, de respecter le rythme de l’âme et du corps, d’oser s’octroyer des pauses contemplatives…
Il va y avoir de la résistance parce que le mental aime bien ce qui est prévisible et il va lutter contre toute nouveauté. Le non est tout à fait prévisible et familier alors que le oui est quelque chose de nouveau. Être dans la dualité, c’est le connu, alors qu’être un avec, c’est inconnu et imprévisible. Il s’agit donc de travailler d’instant en instant, un instant, un instant et encore l'instant suivant, avec une extrême ténacité car c’est ainsi qu’on construit une consistance, une cohérence. Le mental est puissant et subtil, il sait parfaitement comment nous faire croire que nous pratiquons alors que nous ne pratiquons pas du tout. Étant très rapide, il apprend vite à jouer à ce jeu-là en nous faisant croire que nous acceptons. Il s’agit vraiment d’accepter effectivement ceci, puis cela, et cela encore, y compris quand c’est inconfortable et que le mental entre en opposition. Si le mental commence à résister et que nous, nous commençons à résister a la résistance du mental, nous revenons au point de départ dans une guerre sans fin.
Lee Lozowick - Oui et alors? p. 100
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C'est l'illusion initiale, elle possède tous ces noms éminents, tous ces titres Yogmaya, Mahashweri ... Il ne s'agit pourtant que du pouvoir de Maya. Cet état initial produit sa propre lumière, son propre rayonnement. Dès l'éveil, "l'auto-luminosité" se manifeste et vous percevez un espace. C'est votre lumière qui éclaire l'espace intérieur où apparaît l'espace extérieur. C'est donc bien votre rayonnement, votre lumière qui se répand partout, c'est dans votre lumière qu'apparaît l'espace qui vous entoure, c'est grâce à elle qu'il est perçu. Comme le rayon du soleil est l'expression du soleil lui-même, votre monde ne peut pas exister en-dehors de votre conscience. Il est l'expression de ce "je suis". Ce monde est votre manifestation.
Vous seul êtes. Le système solaire, le cosmos, tout cela peut être connu grâce au soleil. Pour vous, c'est la même chose. Tout cet espace, y compris le soleil, se manifeste grâce à ce "je suis", cette conscience. Cette conscience et la lumière solaire sont similaires, elles jouent le même rôle, elles sont Une. Nous vivons dans l'espace, cet espace n'est qu'une seule entité et par quoi est-il révélé ? Par la lumière du soleil ! Votre lumière intérieure est-elle différente ? Votre espace intérieur est-il différent ?
Même cet état actuel qui est le vôtre, ce "je suis", ce monde manifesté, même cela ne connaît pas de mort. Vous êtes assailli par la peur de la mort à la suite de cette identification avec le corps, uniquement.
Extrait de "Sois" 1ère partie, chapitre 5 de Nisargadatta Maharaj
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Si vous apprenez de vous-même en vous observant, c'est le début d'une activité de vie totalement différente, dans une dimension complètement différente.
~ Jiddu Krishnamurti
The First and Last Freedom, Chapter 1; & Talk 2, Sydney, 22 November 1970
(Traduits de l'anglais)
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C’est beaucoup plus simple que cela – comme se reposer Chez Soi, dans l’air superbement clair de notre Demeure, sans même y penser. Tout comme personne ne s’arrête dans l’entrée pour étudier la porte qu’il vient de franchir, mais s’avance dans la maison pour en savourer le confort, vous savourez l’Immensité intérieure et ces petites portes d’entrée vous apparaissent comme les inventions dérisoires et provisoires – en fait les astuces – qu’elles sont.
(Beaucoup d’astuces religieuses traditionnelles sont si compliquées ou mystérieuses ou belles ou impressionnantes qu’elles détournent l’attention de leur but initial et les moyens en arrivent à remplacer la fin. J’espère que la trivialité évidente de nos astuces les empêchera de se transformer au cours des siècles en objets sacrés auxquels on attache une valeur pour eux-mêmes.)
Douglas Harding
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Le seul moment où nous souffrons, c'est lorsque nous croyons une pensée qui contredit "ce qui est". Lorsque l'esprit est parfaitement clair, "ce qui est" est ce que nous voulons.
~ Byron Katie
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"La résistance au changement est l’expression raisonnable et légitime des risques que comporte le changement pour les acteurs" Michel Crozier
"Les seules connaissances qui puissent influencer le comportement d’un individu sont celles qu’il découvre par lui-même et qu’il s’approprie" Carl Rogers
"L’immuable, c’est le changement" Lao Tseu
"Ce n’est pas le changement qui fait peur aux gens, mais l’idée qu’ils s’en font" Sénèque
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Chères amies, chers amis,
La culture moderne nous déconnecte de la réalité en gommant les rythmes, en niant l’alternance et le respect des cycles. Nous devons toujours être au top, productifs, jamais déprimés, silencieux ou oisifs. Aucun arbre ne fleurit non-stop. Si c’était le cas, il épuiserait rapidement ses réserves et mourrait prématurément.
Vivre au rythme de l’alternance des saisons, de nos cycles internes soutient notre santé morale et physique, réduit notre impact sur l’environnement et nous reconnecte aux savoirs ancestraux.
Respecter la réalité intrinsèque de chaque saison rétablit une relation saine à la terre, au vivant, au Réel.
Se réaccorder requiert d’ouvrir le champ de son attention et de sortir des ornières de son conditionnement. Il s’agit d’observer en finesse, de renouer avec notre perception sensible, notre intelligence intuitive pour recevoir les signes, comprendre les messages du vivant, du réel. Tout un art de l’écoute des pouls internes et externes afin de les harmoniser pour qu’ils vibrent à l’unisson.
Bel été !
- Nathalie Delay
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La dernière lettre du Centre parlait de « notre responsabilité de proposer le calme intérieur, le silence intérieur » dans toutes les situations existentielles rencontrées et dans nos relations. Associer calme et relations humaines n’est pas une mince affaire.
A ce sujet, Jacques Castermane nous rappelle que « Le calme n’est pas le fruit de la pratique quotidienne de zazen, mais que la pratique de zazen est, quotidiennement, l’occasion d’exercer le calme.»
Accueillir, embrasser ce qui se présente et goûter le calme qui en résulte ne s’arrête pas avec la fin de l’assise solitaire en zazen. Le calme n’est pas un gain intérieur à atteindre, à garder, à protéger lors de rares moments, mais une manière d’être sans cesse interrogée, remise en cause, bousculée, par les situations de l’existence. Exercer le calme est un geste qui nous confronte à la relation tout au long de la journée, qui nous oblige à nous remettre en cause, à sortir de notre confort, de nos préjugés et de nos habitudes. A ce titre, le calme n’est pas de l’apathie, de la distance, de la passivité, mais une attitude d’éveil à nos capacités d’adaptabilité et d’ouverture, afin de voir et sentir une situation dans son ensemble, et tenter par notre action de « coller au réel ». Ainsi une colère, de la rigueur, un geste ferme s’imposent parfois comme des actions justes.
K.G.Durckheim parle du zen comme d’un chemin de maturité de l’Homme, par la redécouverte de l’être essentiel niché au cœur de chacun de nous, source de complétude, d’apaisement et de confiance. Ce contact intime est à développer dans tous les aspects de l’existence, y compris dans le domaine relationnel. (cf. le livre : la percée de l’être)
Un homme mûr est tout le contraire d’un adulte infantile, soumis à ses humeurs changeantes et réagissant sans arrêt à ce qui le contrarie, intérieurement et extérieurement, faisant subir à son entourage son manque de stabilité et son agitation. Si cette maturité intérieure se renforce peu à peu, au fil d’expériences plus ou moins fugaces et inspirantes vécues lors de moments privilégiés, elle doit aussi nous accompagner dans notre réalité existentielle, car, comme le souligne Durckheim :
« Je dois reconnaitre que si moi je suis cette profondeur, cette possibilité de vastitude, l’autre l’est aussi, quelle que soit sa surface. »
La voie du zen nous ouvre-t-elle, avant même de parler « de bonté immuable », à une certaine chaleur humaine dans nos relations ? Sommes-nous capables, dans la contrariété, de :
« Nous ressaisir en souriant et prononcer des paroles apaisantes plutôt que blessantes. »
« Développer une capacité d’aimer non dépendante de la sympathie ou de la reconnaissance d’autrui. »
« Reconnaitre que le zen, c’est l’amour et la compassion qui énoncent l’unité qui relie tous les êtres, et que le zen veut le dévouement absolu de chacun envers cette unité, au lieu même qui lui est assigné par le destin ». K.G. Durckheim
Retrouver ce lien d’humanité, cette unité, c’est apprendre à s’appuyer sur notre profondeur, voir l’universellement humain en tout être humain, mais aussi reconnaitre l’universellement vivant en tout être vivant, et même traiter avec respect chaque objet du quotidien, partout, tout le temps.
Propos d’un maitre zen à Jacques Castermane lorsque celui-ci claque une porte lors d’une sesshin : « Que vous a fait cette porte pour mériter pareil traitement ! »
Quant à Durckheim, il disait à des religieux venus le trouver : « Vous devez perdre tout intérêt pour ce qui est de l’idée que vous avez d’un créateur, pour vous intéresser à ce que vous avez réellement sous les yeux : la création. »
Sacré programme ! Avant de devenir le cœur d’une pratique sacrée reliant essence et existence, ces paroles nous invitent à sortir de notre monde, de notre façon de penser, à ne pas rester à la surface des réactions et des jugements mécaniques propres au mental.
Si le zen est restreint à l’espace d’un dojo, où, assis en zazen, nous tentons de vivre d’intenses expériences spirituelles (et vivons d’intenses difficultés intérieures !), cela peut développer une certaine image héroïque de la Voie, et nous faire oublier comment vivre une existence ordinaire simple et apaisée. En développant ainsi un « ego spirituel », nous courons le danger de fuir le monde.
Si, par la stabilisation du monde émotionnel et mental et la redécouverte d’une étonnante force vitale en « hara », le zen développe un moi plus fort et plus équilibré, ces effets gratifiants de l’exercice présentent un autre danger : celui de s’arrêter aux seuls aspects de maitrise, d’efficacité et de performances dans le monde. La voie est alors mise au service du moi. Le processus de transformation initié par une pratique sérieuse et régulière nous enferme dans l’impasse d’un certain confort relatif, et apparait le risque de « S’arrêter à une certaine forme, et trahir l’être essentiel. »
Il est donc important de se demander si le zen que nous pratiquons n’est pas devenu une confortable habitude nous maintenant hors de la vérité du monde, ou une nécessaire et utile obligation ne servant que la vie mondaine. Pour cela, rien de tel que d’accepter d’être bousculés.
« L’obstacle nous donne la chance de murir, pas l’évitement. » (Jacques Castermane)
La relation à l’« Autre », tout comme zazen, sont de vastes champs d’apprentissage du non refus, domaines où des expressions telles que – Se reprendre, pleine attention, coller au réel, être un avec - sont sans cesse réactualisées.
La Voie se joue donc sur le zafu et dans notre capacité d’ouverture et de rencontre avec toute situation et dans toute relation, équilibre du chemin vers le Grand Calme.
Joël PAUL
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J'accueille cette défaite. Je la ressens comme le couperet d'une guillotine. J'abdique ! Je sors le drapeau blanc. C'est la fin de la discussion. Quel besoin alors de conserver des armes pour me défendre ? Aucun, car il n'y a personne à défendre. La guerre est imaginaire. Quand on constate que la source de tout questionnement ne fait que recycler le passé, que fait-on avec le besoin compulsif d'avoir des réponses ? Que fait-on avec cet étrange mécanisme qui veut toujours plus de connaissances en attente d'être utilisées ?
Le grenier de ma tête déborde de cette accumulation. À force de ne pas servir, il s'enflamme et calcine sous mes yeux. Le grand ménage ne laisse rien de mes biens. La maison est rasée ! L'historien qui y habitait n'y survit pas. Le vide brûle la personne que je pensais être. Ça sent la mort à plein nez. Je ne crois plus à ce système récupérateur d'où se forme la totalité de mes grandes questions existentielles. Nue, vulnérable et accueillante, je reste quand même dans le moment présent.
L'élan vers la vérité est beaucoup plus important que le confort du personnage, qui n'a plus aucun pouvoir d'intervention.
Je ne sais pas que ce constat, ce coup d'épée fatal, est une ouverture, alors qu'il m'apparaît plutôt comme un désespoir profond auquel, malgré tout, je ne m'identifie pas.
~ Betty Quirion
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François Cheng- D'une Âme
peinture: Kikuchi Yuichi 1912 - 1993 Print 4 from the series 'Four Aspects of Mount Fuji' 1950
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Voici un extrait d’un livre d’Arnaud Desjardins
…Le désir est un exil. Il ne vous permet pas de demeurer immobiles en vous-mêmes. Si vous voulez méditer, vous constaterez la pression des associations d’idées ; tôt ou tard, vous serez arrachés à cette méditation et la demande réapparaîtra aussi forte. Alors, que pouvez-vous faire pour accomplir ce désir ?
Examinez un désir plus circonstancié, moins important que celui de rencontrer le compagnon de votre vie : j’ai envie de voir ce film ce soir, on m’en a parlé, ça m’intéresse. Donc je mets momentanément mon bonheur dans le fait de voir ce film ; et, si un contretemps m’empêche d’aller au cinéma, il y a quelque peu souffrance (trouvez un exemple qui soit à peu près probant par rapport à vos propres mécanismes). Pouvez-vous aisément renoncer à voir le film et chercher le succès de votre soirée dans la seule méditation ? Après avoir pris de grandes résolutions concernant la séance de 20 heures, pour finir vous irez à la séance de 22 heures ! Ce simple désir de voir un film ne vous laisse pas « être ». Un élément adventice se rajoute à « être » : « il faut que je voie le film. » bien ! Pourquoi ce film-là plutôt qu’un autre ? Pourquoi ce soir-là ? On vous en a parlé élogieusement et il y a attirance. Aucun mouvement ne s’avère possible si une attraction ne s’exerce pas. Etre séparé du film qui vous attire est ressenti comme une souffrance ; être uni à ce qui vous attire est ressenti comme une souffrance ; être uni à ce qui vous attire est ressenti comme heureux. Vous éprouvez une tension et vous décidez donc d’aller voir le film.
Voilà la vraie compréhension nécessaire. Elle ne peut venir que si vous avez la véritable expérience, bhoga, de ce que vous êtes en train de vivre au lieu d’être simplement attiré par le film, de vous précipiter, d’être furieux si la séance est complète et qu’il faut attendre la suivante, de regarder le film : « ça me plaît, c’est merveilleux, je rentre chez moi, quelle belle soirée… ».
Ce n’est que sukha, l’opposé de dhukha. Vous n’avez rien vécu vraiment, cela ne peut pas vous faire progresser et le mécanisme de tension qui vous arrache à la plénitude du centre de vous-mêmes se poursuivra indéfiniment. Vous mourrez en proie à ce mécanisme.
Et, à en croire les Hindous et les Bouddhistes, cette poursuite aveugle des désirs va inévitablement continuer à vous obliger à reprendre une autre incarnation en fonction des lois du karma pour expérimenter à nouveau ce que vous avez mal vécu, jusqu’à ce qu’un jour vous le viviez enfin en pleine lumière.
En inde, on qualifie ces expériences tronquées d’upa bhoga, fausse satisfaction, correspondant non pas à ananda mais simplement à sukha : « ah, c’était réussi ! Ah, quel bonheur ! Ah, c’est merveilleux ! » Et puis ? Il n’y a rien de réel dans cette expérience. Vous êtes emportés, identifiés, et vous manquez la véritable détente qui vous ramène à votre propre soi.
Cette fausse satisfaction ne fait que mettre de l’huile sur le feu des désirs. Un désir en entraîne un autre, comme une réaction en chaîne. Une fois installé au cinéma, il vous faut absolument un esquimau. Ou vous allez peut-être remarquer à côté de vous un homme très élégamment habillé et vous aurez envie d’avoir la même veste en daim que la sienne. Vous êtes sorti ce soir pour satisfaire un désir de spectacle et voici que le simple fait d’aller au cinéma réactive maintenant en vous une vieille vasana d’élégance. Cinq sièges plus loin une femme assez belle, visiblement seule, ranime certaines rêveries : « je lui adresse la parole ? Non…Si… » Et pour couronner le tout, le film lui-même aura réveillé en vous une série de désirs d’aventure ou de possession, sans parler des publicités de l’entracte dont c’est le but avoué.
Vous allez au cinéma parce qu’une certaine tension ne vous permet pas de reposer dans votre propre plénitude, votre propre ananda ; et le simple fait d’aller au cinéma va faire encore naître une dizaine de désirs nouveaux que vous cherchez ou non à accomplir mais qui, de toute façon, vous auront encore exilés de ce complet relâchement de toutes les tensions. Ainsi va la vie : par moments heureux, par moments malheureux. Vous trouvez votre existence tantôt agréable, tantôt pénible, mais elle ne vous apporte aucune expérience réelle. Il s’agit d’une voie sans issue qui ne conduit nulle part, si ce n’est à vieillir et, le moment venu, à mourir.
Tous ces désirs ne disparaîtront pas du jour au lendemain. Vous devez en tenir compte parce que c’est une entreprise dangereuse que de chercher à les nier. Mais, si vous êtes tant soit peu convaincus par la distinction que j’établis entre sukha et ananda, ces deux formes de satisfactions qui différent en qualité, au milieu de tous vos désirs grandira la nostalgie de ce silence intérieur. Vous commencerez à ressentir une réelle aspiration au bonheur non dépendant : j’ai compris que les désirs représentent une tension et comme je ne peux m’établir et demeurer que dans une situation de détente, cette tension porte en elle la nécessité de se relâcher. Me voilà donc tendu, selon la loi de l’attraction et de la répulsion. Mais je ne suis plus dupe comme je l’ai été si longtemps et je ne crois plus qu’il n’y a rien d’autre pour me conduire au bonheur que la satisfaction des désirs et la tentative d’éviter les événements malheureux ou de les faire cesser le plus vite possible. Je suis toujours à la recherche du bonheur comme je l’ai été depuis ma naissance, mais j’entreprends plus cette recherche dans la même optique…
Arnaud Desjardins - La voie du cœur (pages 209 à 212) - Editions De La Table Ronde
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Revue Acropolis : Le premier mot sur le chemin, c’est un OUI. Pouvez-vous nous en dire plus ?
Jacques Castermane :
« OUI à ce qui est !». On retrouve cette invite chez Dürckheim, chez Arnaud Desjardins comme chez son maître Swami Prajnanpad. Pourquoi ? C’est une question de bon sens. Vous pensez peut-être que c’est du fatalisme. Pas du tout. Au réveil vous ouvrez les volets et la première chose que voyez : Il pleut ! Réaction à la fois mentale et affective : » Quel dommage, je me réjouissais de faire une promenade sous un ciel ensoleillé ». Étant en chemin ou non, une autre attitude s’impose. Il pleut.
OUI à ce qui est pour la simple et bonne raison que cela est. Ce Oui n’est pas du fatalisme. Confronté au réel vous pouvez maintenir votre désir de vous promener et, comme vous êtes astucieux, vous le ferez, enveloppé dans un imperméable et muni d’un parapluie.
J’ai mal aux dents, vraiment mal. OUI à ce qui est. Pourquoi ? parce que cela est. À quoi bon laisser paraître que tout va bien ?
André Comte-Sponville, qui est souvent venu au Centre pour proposer des leçons de philosophie disait : « Je préfère une vraie tristesse à une fausse joie ».
Étant en chemin, il n’est pas question de se mentir, de faire semblant, mais d’affronter la vérité et de l’assumer. C’est l’occasion de découvrir que quoi que ce soit qui est apparaisse, disparaît plus tôt ou plus tard.
Revue A. : Que voulez-vous dire par « quoi que ce soit qui apparaisse, ce qui apparaît va disparaître » ?
Je pratique l’exercice appelé zazen. En ce moment J’inspire… OUI. Pourquoi ? Parce que j’inspire. Et voilà qu’en ce moment j’expire… OUI. Pourquoi ? Parce que j’expire. Jusqu’à ce jour où, acceptant de ne plus opposer les contraires, je fais l’expérience que je respire et que Moi (qui peut faire mille et une choses) je n’y suis pour RIEN. Découverte de cette part de moi-même qu’est l’INFAISABLE. Expérience que tout au long de mon existence, je suis soumis à cette action vitale paradoxale qui transcende tout ce que le moi peut faire. Mais qui y prête attention ?
Quelqu’un m’a dit : « Respirer ! Vous en faites une histoire. C’est banal, tous les humains respirent ». Je lui ai répondu : « Si vous trouvez cela banal, arrêtez de respirer. Vous n’allez quand même pas vivre dans la banalité tout le reste de votre vie ! ».
Revue A. : Vous avez parlé de l’ordre. Un jour, je crois, Dürckheim vous a dit, probablement suite à l’une de vos questions, ou à une situation ou à une expérience : « Nous ne pratiquons pas zazen pour nous mettre à l’abri des bombes, nous pratiquons zazen pour voir et pour montrer que là où nous sommes, le monde peut encore être en ordre ».
J.C. : L’ordre. Il s’agit de l’ordre des choses que les Chinois désignent par le sinogramme Tao et les Japonais par le kanji Do. Cette phrase : « Nous ne pratiquons pas zazen pour nous mettre à l’abri des bombes, nous pratiquons zazen pour voir et pour montrer que là où nous sommes, le monde peut encore être en ordre », Dürckheim l’a prononcé en 1972. C’était pendant la guerre du Vietnam. Dans tous les journaux en Allemagne, comme dans la plupart des pays du monde, une photo avait été publiée : celle de cette petite fille brûlée au napalm qui courait nue sur la route. C’était l’une des photos les plus émouvantes qu’on pouvait avoir sous les yeux. Rütte, ce petit village de la Forêt Noire, n’était pas un refuge dans lequel on aurait pu se croire à l’écart de ce qui se passe dans le monde. Nous avions tous vu cette photo.
Graf Dürckheim introduisait toujours la pratique de zazen avec quelques mots. Et c’est cette fois-là, lorsque nous commencions la pratique de l’assise en silence il nous a dit : « Nous ne pratiquons pas zazen pour nous mettre à l’abri des bombes. Nous pratiquons zazen pour faire l’expérience et témoigner que là où nous sommes, le monde peut encore être en ordre ».
D’une certaine manière, ces mots légitimaient l’exercice que nous allions faire, sans avoir l’impression de fuir les drames de l’existence auxquels chacun plus tôt ou plus tard peut être confronté.
Ce que dit Graf Dürckheim, concerne le collectif humain et la singularité qu’est chacun (les deux, ensemble). Face à huit milliards d’êtres humains, il serait prétentieux d’imaginer ou d’espérer que, parce que je pratique zazen chaque matin, je vais pouvoir changer le monde. En même temps, grâce à la pratique régulière de zazen chacun, personnellement, peut faire l’expérience d’un ordre qui n’est pas le contraire du désordre ; désordre, l’expérience d’un calme qui n’est pas le contraire de l’agitation. Identifié au moi existentiel, nous vivons à la surface de nous-mêmes, comme on l’observe lorsqu’on est face à l’océan où des petites vagues alternent avec de grandes vagues. Par contre, sous la surface des vagues, le plongeur fait l’expérience d’un calme qui n’est pas le contraire de l’agitation.
Zazen ? Une plongée au fond de soi-même là où se révèle le vrai Soi.
Revue A. : Que change la pratique du Zazen pour celui qui la pratique ?
J.C. : J’ai le souvenir d’un chirurgien qui venait au centre régulièrement. Il disait commencer sa journée par une demi-heure de zazen. Un jour je lui ai demandé : « Vous venez régulièrement au Centre depuis plusieurs années, avez-vous l’impression que la pratique quotidienne de zazen change quelque chose dans votre vie professionnelle ? ».
Sa réponse : « C’est considérable. Avant de venir au Centre, avant de connaître la pratique de zazen, lorsque je commençais la journée à la clinique, je faisais le tour des patients opérés les jours précédents. J’ouvrais la porte de la chambre et en restant sur le seuil je m’adressais à la personne alitée : « Alors Madame Untel, vous allez bien, vous avez bien dormi ? Je vous souhaite une bonne journée” ».
Un jour, il s’est dit : « Je ne peux plus faire cela. Ce n’est pas digne ! ». Et Il ajoute : « Depuis que je viens au Centre, j’entre dans la chambre du patient, je m’assieds sur le bord du lit, je prends la main de cet homme, de cette femme, de cet enfant dans la mienne, et nous parlons tranquillement en ayant, comme vous nous le rappelez — infiniment de temps pendant trois minutes —. J’ai vraiment réalisé l’importance de ce que vous appelez une rencontre de personne à personne, une rencontre d’être à être. »
Quand j’ai raconté cette anecdote à Arnaud Desjardins, il m’a dit : « Jacques, ne cherche plus pourquoi tu as la responsabilité du Centre Dürckheim, maintenant tu en connais la raison ».
Ce que vit ce médecin dans le cadre de sa profession concerne de la même manière le maître d’école qui fait face à une vingtaine d’enfants ou le directeur d’une entreprise face à ses employés.
En quoi consiste le changement ? Un moine bénédictin qui avait passé une dizaine d’années au Japon me disait : « Chaque homme est né spirituel. Ce qu’on appelle un chemin spirituel a pour but de devenir un être humain ».
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Aujourd'hui, c'est dimanche, mon jour de repos, idéal pour chercher avec toi vingt vérités.
2. Je suis une fin qui se demande où elle naît, un but en quête de chemins, et une réponse qui attend ta voix.
3. Ce que le poète ignore, les soleils non plus.
4. Enfouissons nos têtes dans la terre jusqu'à perdre nos frontières.
5. Même si je ne parviens jamais à réaliser ce qui n'est pas, ma récompense est de le désirer.
6. Indifférentes à l'effondrement, les roses exhalent leur parfum.
7. Qui me connaît ? Est-ce que je me connais ? Un rossignol chante.
8. Sous les nuages immobiles, le vent emporte la ville.
9. Ils partent en quête. Ils viennent en quête. Ils vivent dans leurs pas, étant le chemin.
10. Je transforme ce que je ne peux avoir en guide. Je fais des portes avec mes blessures.
11. Éliminant les détails inutiles, le tourbillon me transporte vers mon centre. Plaisir d'un océan sans rivages.
12. Dans le courant sans fin, comment puis-je posséder un morceau de terre ?
13. Un corps sans présence apprécie les caresses du vent.
14. Un fil secret tisse un collier de mes îles, écoutant le chant d'une déesse aveugle.
15. Tracer un chemin droit dans le chaos, le parcourir tel un oiseau ivre, entrer dans ton temple tel un crapaud en feu.
16. Un voleur sacré a effacé mes reflets. Plaisir de ne plus jamais savoir qui je suis.
17. Goût doux-amer d'un horizon infini. Nostalgie persistante de la fleur future. S'obstiner à continuer d'exister.
18. Nous inventons une tragédie. Vagues d'une mer inexistante.
19. L'attente ne doit jamais finir. Dieu aime ce qui n'arrive jamais.
20. Celui qui me lit existe, je n'existe pas.
…
Formes infinies d'un seul silence.
Nous embrassons votre âme,
Pascale et Alejandro Jodorowski
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Simple : il faut cesser de raisonner et commencer à résonner. Entrer en résonance avec le Réel comme le font, entre elles, les cordes d’une guitare pour former un accord harmonieux.
Derrière ce mot “résonance”, le physicien perçoit une mise en concordance de deux modes vibratoires, et c’est bien de cela qu’il s’agit : d’une mise en phase des vibrations d’une conscience “locale” avec les vibrations du “Grand Tout” dont elle émane.
Cette mise en phase porte un nom : intuition.
Quitte à faire hurler les rationalistes, l’intuition existe bel et bien, et elle est aussi un chemin de connaissance.
Je sais que je sais, et je ne sais ni pourquoi ni comment je sais, mais je sais ! Voilà décrite toute l’intuition. Elle reste largement mystérieuse. Mais ô combien opérante. Parmi toutes les grandes décisions qui émaillent une vie d’homme, combien relèvent de la raison ? Est-ce la raison qui a choisi l’être aimé, la passion d’un métier, le chemin des études, l’accueil d’un enfant, le sens d’une vocation ? Poser la question, c’est y répondre.
Rappelons encore cette belle parole d’Albert Einstein, que l’on peut difficilement accuser d’être un doux rêveur ou un esprit irrationnel, magique ou superstitieux :
“Le mental intuitif est un don sacré et le mental rationnel est un serviteur fidèle. Nous avons créé une société qui honore le serviteur et a oublié le don.” La Mystique, elle, ne l’a jamais oublié, ce don sacré. Dont acte !
L’intuitivité est le cœur de notre cerveau droit comme la rationalité est le cœur de notre cerveau gauche. Ce dernier est inopérant dans le champ spirituel et mystique. Reste donc le premier, que la Mystique fera se cultiver, s’activer, se développer jusqu’à des niveaux de conscience-résonance insoupçonnés.
Car c’est bien de cela qu’il s’agit : de comprendre au plus profond de nous que ce que nous appelons “conscience” n’est en fait que l’expression de cette résonance mystérieuse entre nous et l’univers : prendre conscience, c’est entrer en résonance. L’une est aussi mystérieuse que l’autre.
La démarche mystique est donc bien une démarche fondée sur l’intuition et la résonance aux sens les plus profonds et les plus secrets de ces deux mots.
Marc Halévy, Le sens du Divin, p. 72
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20 ans... 20 ans de mariage aujourd’hui.
Bisous Corine. Merci d’être là, de ne m’avoir jamais lâché la main.
Merci à Victorine, Céleste, Augustin.
Merci à toutes et à tous.
L’amour inconditionnel serait un truc bateau, carrément tarte à la crème, s’il n’était pas réellement incarné au quotidien, s’il ne sauvait pas des existences, d’instant en instant, s’il ne réparait pas des vivants, s’il ne redonnait pas confiance en la vie.
Peace and Love à toutes et à tous, dans ce monde qui en a tellement besoin.
Alexandre Jollien
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Le mot Kabbale signifie "recevoir".
Toutefois, il existe quatre manières de saisir une même chose : mystique, métaphysique, allégorique et littérale. Tels sont les quatre mondes et leurs clefs.
Afin de pratiquer l'ouverture des portes de l'esprit, voici un exercice d'initiation qui a le mérite de replacer les choses dans un contexte plus personnel.
-> Asseyez-vous confortablement dans un endroit tranquille, la colonne vertébrale bien droite.
Cela est Malkouth.
-> Mettez vos mains sur vos genoux et fermez les yeux.
Cela est Hod.
-> Prenez conscience de votre pouls et de votre respiration.
Cela est Netzah.
-> Coupez-vous de l'environnement extérieur, des sensations et des images intérieures, et concentrez-vous sur cette part en vous qui observe les phénomènes.
Cela est Tepheret.
Tel est le "petit visage" de l'Homme naturel.
Au-dessus, sur votre Arbre de Vie, réside le "grand visage" de l'Homme surnaturel.
Lorsque vous êtes calme et détendu, l'âme tournée vers l'esprit, vous pouvez devenir un avec vous-même.
Alors vous êtes véritablement prêt à "recevoir".
Pratiquez cet exercice au moins une fois par jour.
Source : L'Arbre de vie sekon la Cabale. -z'ev Ben Shimon Halevi
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Nous faisons partie des autres. Plus vous êtes détendu, mieux vous pouvez soigner autrui...
Il est plus facile de fermer les yeux et d'essayer de ne pas la voir. Mais vous n'avez plus aucune chance de devenir libre un jour. Si la chaîne que vous représentez comporte quinze anneaux forts et un anneau faible, et si vous ne voyez que les quinze anneaux forts et ne voulez pas tenir compte de l'anneau faible, vous ne deviendrez jamais un sage jamais quels que soient vos efforts de « sadhana » ou de méditation. Et cette faiblesse, vous pouvez découvrir qu'elle s exprime en termes d infantilisme. Voilà le point sur lequel je suis encore un enfant. Et puis comprenez bien ce qu'est un enfant ; regardez les enfants de deux ans, trois ans, cinq ans.
Swâmiji m'a mis le nez sur le maillon le plus faible de ma chaîne. Et c'était un maillon sur lequel je m'illusionnais complètement parce que j'y voyais au contraire une certaine force. Il s'agissait de la relation avec le sexe féminin. À partir du moment où j avais dépassé la timidité, le complexe d'échec de mes vingt ans et une approche infantile de l'amour, j'avais peu à peu gagné une affirmation, une aisance, une audace en face du sexe féminin. Swâmiji m'a montré que c était uniquement de la faiblesse et de l'infantilisme, même si un certain prestige s'attache à l'homme qui a du succès auprès des femmes, ou la femme qui a du succès auprès des hommes.
Le commencement de la transformation en adulte, c'est le goût de la vérité, qui vient de vous-même, pas qui vous est imposé du dehors, le goût et l'amour de la vérité. Car l'enfant n aime pas la vérité ; l'enfant aime bien mieux, vous le savez tous, des rêves, des imaginations. Je suis Zorro, je suis le chef des Indiens, je pilote des avions... Swâmiji m avait donné l'exemple d un enfant qui prenait le stéthoscope de son père médecin et se promenait en affirmant : « Je vais soigner les malades pour gagner de l'argent. » Les enfants ne cherchent pas la vérité ; ils aiment faire semblant, ils aiment prétendre. Et un adulte qui n'a pas le goût personnel de la vérité, de la vérité coûte que coûte et à n'importe quel prix, est encore un adulte infantile. Le commencement du passage de l'enfant à l'adulte s'accomplit quand cette nécessité devient plus forte que prétendre, plus forte que se rassurer, plus forte que faire semblant, plus forte qu'être aimé - plus forte que tout le reste je veux la vérité. C est la promesse de l'adulte un jour.
Arnaud Desjardins - « Tu es cela » - À la recherche du soi IV
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