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mardi 25 mars 2025

Guerre et bruits de guerre ?


Poème écrit il y a quelques années et semble-t-il toujours d'actualité, tout juste publié dans le recueil "Dernière Pluie"

soleil de printemps marche le long des champs conscient que
oui
réchauffement guerre
et bruits de guerre
galop insensé vers l’abîme
tel ce moine zen
dans le précipice
agrippé à une branche
en train de craquer
je cueille les baies sauvages et les trouve délicieuses

Gilles Farcet

--------------------un autre extrait :

il faut parfois demander pardon
au crépuscule
pour les chagrins causés
les peines infligées
dans l’insouciance des commencements la fébrilité des premiers pas
l’ivresse de la cueillette
il faut parfois demander pardon
dans la pénombre
pour ce que l’on ne savait pas pour ce que l’on ne voyait pas dans l’éblouissement du plein jour
tout étant consommé
il faut parfois demander pardon
pour ce sur quoi on ne peut plus rien hormis demander pardon
invoquer les visages, les noms mesurer sa misère
et simplement
demander pardon
et au final s’aviser que c’est à soi-même qu’il faut
demander pardon
car c’est l’intégrité
de soi-même
que l’on a blessée c’est sa dignité propre à qui l’on a manqué c’est son intime vérité que l’on a évitée
à travers cet autre
que je n’ai pas honoré c’est bien mon innocence qui a été bafouée
c’est bien ma personne que je n’ai pas su aimer
ma personne, la tienne
la vôtre
la leur
et
quand tout est vu la personne
dont la mienne la tienne
la vôtre
la leur
sont autant
d’uniques déclinaisons
la personne
hors laquelle
il n’est pas de pardon

Gilles Farcet

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Parait chez maelstrÖm reEvolution ce nouveau recueil qui rassemble bien des poèmes partagés ici même ces dernières années. Trouvable dans de bonnes librairies et commandable sur www.maelstromreevolution.org

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vendredi 2 février 2024

Tourments du monde

j’ai cessé
d’être indifférent
aux tourments de ce monde
seulement préoccupé
de ma sérénité
le poids de la peine
sous lequel cette terre ploie
sape une part de ma force
que seule une charge supérieure de compassion
peut me faire regagner
ce n’en est pas fini de l’innocence
mais c’en est fini de l’insouciance
je vieillis léger de moi-même
et lourd du malheur qui m’entoure
nul n’est une île
ma joie ne se satisfait plus d’elle-même
elle veille et ne se nourrit plus
que de ce qu’elle donne
je n’aurais pas cru
que ce fût si implacable

Gilles Farcet

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samedi 7 mai 2022

Ta souffrance


Ta souffrance

est une maîtresse
exclusive
qui ne se laisse pas quitter
ni négliger
sans coup férir
fais tu mine de l’oublier
qu’elle produit ses dossiers
convoque ses affidés
elle te tient
tu lui es attaché
soumis en vérité
elle se rit
de tes velléités
d’émancipation
de tes résolutions
de liberté
voilà bien longtemps
qu’elle a pris ses quartiers
en ta demeure dévastée
prétendre l’en déloger
est osé
pas moins que présomptueux
elle en a vu défiler
des versions de toi
plus ou moins assurées
mais au final toutes
si peu armées
face à sa position
de reine
héréditaire
campée sur son bon droit
si sure d’elle
de ses lois
lui échapper
est malaisé
rare
inespéré
il y faut de l’innocence
de la pureté
et de la générosité
si par quelque grâce
tu viens à te sevrer
de sa passion triste
et féroce
tu n’en es pas pour autant
léger
comme plume au vent
il te reste la souffrance
plus la tienne, non
juste celle
du monde entier

Gilles Farcet

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vendredi 18 décembre 2020

Au bout du monde

 


"Je pourrais parler nuit et jour avec un bébé :
Quelqu’un arrive qui est absolument indemne des fausses vérités et des habitudes.
Les bébés ont quelque chose qui est comme fondé en sagesse, tels des ‘Bouddhas’.
Ils nous donnent des nouvelles d’une étoile très lointaine et cette nouvelle n’est pas encore ralentie par les mots.
Les bébés s’autorisent aussi à fixer, ce que nous ne nous permettons pas.
On croit que la naissance est finie, mais non : leur regard continue d’avancer sans ralentir sa vitesse.
Si on regarde cet étrange absolu qu’est un bébé, on voit qu’il est presque heurté par le langage convenu que nous employons pour lui parler.
On voit une lueur d’incongruité dans son regard quand on lui dit des petits mots bêtes.
Cela produit la même impression que si, devant un sage au visage aussi vieux qu’une carapace de tortue, on se mettait à dire des choses sans intérêt.
Les bébés sont des métaphysiciens absolus, et c’est une misère que de ne leur accorder qu’une admiration conventionnelle.
C’est une insulte faite à la pénétration très fine de ces sages.
Je suis fasciné par le visage des nouveau-nés, mais en même temps je n’arrive pas à les atteindre.
Cet espace de vingt centimètres qu’il y a entre mon visage et le leur est infranchissable, comme la distance entre une étoile et la planète Terre.
Il est très difficile de soutenir leur regard, car dedans le faux naturel n’existe pas.
Leur regard vient du bout du monde et va au bout du monde, et nous sommes pris dans le court-circuit.
Tout leur corps est rassemblé comme une pensée dans leur tête qui est elle-même résumée dans les yeux…
Le bébé a un grand étonnement de tout ce qui vient vers lui.
Il est ravi par le jeu d’un feuillage comme par une fête milliardaire.
Il laisse volontiers venir le rire.
Quand un tout-petit rit, c’est toute sa personne qui est secoué comme un grelot.
Son regard pétille, comme si on avait versé dans ses yeux une minuscule coupe de champagne."

Christian Bobin (La Lumière du monde)

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vendredi 26 janvier 2018

Apprendre à « Etre » avec un arbre

Quand on sort dans la nature, si l’on s’applique à être tout simplement là avec un arbre, pendant un moment, à regarder où l’on s’appuie contre son tronc, on commence alors à ressentir sa force, sa sérénité, même si le vent souffle, même s’il pleut. On est conscient, sans penser. On découvre l’essence même du monde en lui et par conséquent en nous.

Nous pouvons faire de même avec les gens au lieu de les « étiqueter » d’emblée comme nous le faisons généralement. Lorsque nous rencontrons une personne, certaines pensées et jugements nous viennent à l’esprit. Nous l’avons déjà cataloguée et ne sommes donc plus vraiment en communication avec elle, mais avec nos propres critères. Plus on se ferme à la réalité, moins l’on s’émerveille de la vie qui se déploie continuellement en soi et des rencontres que l’on fait. Laissons-nous donc surprendre et gardons notre innocence à l’égard des autres.  

Françoise Réveillet  
Petites pensées pour voyager léger

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mercredi 13 juillet 2016

Sur le rivage des mondes infinis...

Sur le rivage des mondes infinis, des enfants s'assemblent. L'azur sans fin est immobile au-dessus d'eux ; près d'eux le flot sans repos retentit. Sur le rivage des mondes infinis, des enfants s'assemblent avec des danses et des cris.

Ils bâtissent leurs maisons avec du sable ; ils jouent avec des coquilles vides. Avec des feuilles fanées, ils gréent leurs barques et, en souriant, les lancent sur la mer profonde. Les enfants tiennent leurs jeux sur le rivage des mondes.

Ils ne savent pas nager; ils ne savent pas jeter les filets. Les pêcheurs de perles plongent, les marchands mettent à la voile ; les enfants cependant rassemblent les galets, puis les dispersent. Ils ne cherchent pas de trésors cachés, ils ne savent pas jeter les filets.

La marée monte avec un rire et le pâle éclat de la plage sourit. Les vagues chargées de mort chantent aux enfants d'incertaines ballades, comme chante une mère qui berce son bébé. Le flot joue avec les enfants et le pâle éclat de la plage sourit.

Sur le rivage des mondes infinis, des enfants s'assemblent. La tempête erre dans le ciel sans routes, les navires sombrent dans la mer sans sillages, la mort rôde et les enfants jouent. Sur le rivage des mondes infinis se tient la grande assemblée des enfants.

     Extrait de L'Offrande Lyrique, de Rabindranath Tagore, Ed. Gallimard Poésie




 Rabindranath Tagore [Rabindranath Thakur] : Poète indien (Calcutta, 1861 - Santiniketan, Bengale, 1941), auteur de plus de mille poèmes, de romans, de pièces dramatiques et de chants qui eurent une grande influence sur la littérature moderne de l'Inde. Son inspiration est mystique et patriotique. Il fut également un musicien et un peintre de talent. En 1921, il fonda au nord de Calcutta une université internationale (Santiniketan) destin"e à promouvoir les idéaux indiens de culture et de tolérance. (Prix Nobel de littérature, 1913.)