mardi 3 février 2015

Les mains dans la terre avec Belinda Cannone




« J’ai toujours été une femme pressée et, avant de m’installer dans ma maison des champs, je n’avais jamais à mettre les mains dans la terre. Et puis j'ai décidé de planter deux hortensias devant la porte et, comme par un engrenage inexorable, je suis tombée jardineuse... 
 Et j’ai ainsi appris la lenteur, le calme du temps étiré. On est entré un instant plus tôt dans le jardin et soudain, comme s’éveillant d’un beau songe, on ne sait plus depuis quand on jardine : deux heures, trois ?

Le temps a passé à sa manière et on avait tout oublié de la vie ordinaire. Car il a d’abord fallu regarder - oh ! comme on a envie de regarder, passionnément : où en est donc le lilas ? Les tiges des pivoines ont-elles commencé à poindre, rouges et charnues ? Les anémones du Japon n’en prennent-elles pas trop à leur aise? Il faut arracher, patiemment - oh ! cette patience ! -, les plantes fanées, choisir les emplacements des fleurs annuelles, creuser, et, si vaste soit l’emprise des mauvaises herbes sous la poussée printanière, on sait que l’on en viendra pourtant à bout, tranquillement. 

Devenue jardinière, rien ne sera plus comme avant, on aura appris à s’insérer dans le grand flux du temps naturel, celui qui nous extrait de nous-mêmes - de ce petit moi si inquiet, si exigeant -, car le jardin, comme la musique, est l’occasion d’abandonner provisoirement ses oripeaux trop singuliers pour s’harmoniser à l’univers. » 

Belinda Cannone est l’auteure, notamment, du Don du passeur (Stock, 2013).




2 commentaires:

Anonyme a dit…

Petite modif à faire : "je n’avais jamais mettre les mains dans la terre."

AL

Acouphene a dit…

Merci !