vendredi 18 avril 2014

Vendredi saint : Se situer face à la souffrance

Ce que vit Jésus

Après avoir fait flageller Jésus, Pilate le livre aux grands prêtres pour être crucifié (Marc 15, 15). Cette mort en croix demeure pour nous chrétiens un événement central. C'est pourquoi, à la suite de grands théologiens, comme le cardinal Ratzinger devenu Benoît XVI, nous devons en comprendre la juste signification pour éviter de tomber dans des logiques mortifères. Que veut-on dire en affirmant « le Christ est mort pour nous » ? Faut-il comprendre que « le sang de Jésus est le prix d'une dette exigée par Dieu en compensation de l'offense infligée à son honneur par le péché des hommes ? » Le Père aurait-il obligé son Fils à mourir pour être vengé du péché de l'humanité ? A-t-Il programmé le supplice et la mort de Jésus ? Non, le Père ne veut pas la mort de Jésus ! L'œuvre de mort vient des hommes, l'œuvre de vie vient de Dieu. Le christianisme n'introduit pas la souffrance et la mort, mais il les prend en compte parce qu'elles existent. Le Christ nous précède et nous permet de les traverser par et avec Lui. Ce qui rachète et libère, ce n'est pas la souffrance du Christ en elle-même, c'est qu'au cœur d'une intense souffrance physique, morale, d'une tristesse insondable, de l'abandon, la trahison, l'échec, il demeure un homme pleinement vivant, espérant, aimant, toujours relié au Père, alors même qu'il traverse un désert intérieur.

Ce que j'en fais

Nous avons à notre tour à nous situer consciemment face à la souffrance. Car, ayant choisi un chemin de vérité, nous la rencontrerons, par le seul fait, déjà, de renoncer à des habitudes, des types de relations auxquelles nous étions accoutumés, mais qui ne nous menaient nulle part. Comme le soulignait mon ami le père Xavier Thévenot, la souffrance peut écraser, isoler, épuiser les forces vives de la personne. Nous avons donc à la combattre, non à la rechercher, ce qui serait violer la première loi de la vie. Mais lorsqu'elle est là, nous devons la vivre de telle façon qu'en jaillisse de la vie. Doit-on, dès lors, « offrir ses souffrances », comme on le disait souvent ? Ce que l'on a à offrir, c'est notre choix de la vie dans une situation de souffrance, non notre souffrance en elle-même. Ce qui importe, c'est donc la façon dont, guidés par l'Esprit-Saint, nous allons mobiliser nos ressources, pour inventer de nouvelles façons d'être, pour donner quand même un sens à notre existence.

Que signifie « porter sa croix » ?

Les Pères de l'Église interprétaient la croix en s'attachant à la direction de ses branches. La verticale représente le Verbe, la Lumière, l'Esprit-Saint, la grâce. L'horizontale, la terre, la chair, la matière, l'être humain. À l'intersection des deux se trouvent Jésus le Christ, le médiateur, le rédempteur qui permet qu'un bien émerge d'un mal. Porter sa croix pourrait ainsi signifier consentir à ce que le Verbe illumine notre chair. Nous avons alors à sortir de notre verrouillage intérieur pour accueillir l'Amour et la Lumière, c'est-à-dire la vérité sur nous-mêmes. C'est le début d'un chemin de remise en ordre, de restauration, en Christ, dans le souffle de l'Esprit-Saint, pour vivre pleinement notre dignité d'enfant de Dieu appelé à faire advenir le Royaume.

Simone Pacot

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