mercredi 27 avril 2022

Comme un alcool fort...

 


Loin du temps de sa jeunesse où il s’évertuait à tenir le tragique à distance à grands renfort de méditations, de croyances et d’espérances, il cohabitait désormais avec lui.

Il ne se protégeait plus de la violence intrinsèque de la vie. Il la goûtait, la savourait, comme le palais apprécie un alcool fort dont les arômes subtils se révèlent à l’intérieur d’une brûlure.

Vers la moitié du chemin de sa vie, il avait entendu son ami spirituel, cet émetteur-récepteur qu’une confondante grâce lui avait permis de détecter pour ne plus jamais s’en éloigner, prononcer une parole : « si vous vous libérez de votre propre souffrance, vous héritez de celle du monde entier ». Plus il avait avancé en âge et en maturité, plus cette phrase lui était apparue comme vertigineuse de vérité.

Telle était donc désormais sa situation. Au fait de l’être-heureux, mais d’un être-heureux non dénaturé, non travesti en facilité et recettes d’un bien-être sourd et aveugle, il s’affranchissait peu à peu. Non de la souffrance mais ce qu’il y avait d’égocentrique et inutile dans sa souffrance. S’affranchissant de la sorte, il commençait à veiller, d’une veille modeste, presque insignifiante et pourtant combien cruciale, à l’écoute, poitrine nue, de la douleur ambiante.

C’était un insigne privilège, une terre de solitude aussi où l’on n’avait guère plus d’amis tout en étant très entouré. Et dans cette solitude, une sorte de ligne directe avec la source le maintenait debout.



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Ecouter le groupe de Gilles :
Ouais, tu es, bien coincée
Ouais tu es bien blindée
Ouais tu est bien shooté
Ouais tu es bien allumé.
M’entends tu donc frapper contre ta porte
M’entends tu donc frapper comme un damné.
M’entends tu donc frapper dans ta sale allée.
Tend moi la main laisse moi entrer
Je ne suis pas un étranger
Ne me traite pas en pariah
M’entends tu donc frapper ? Es tu endormie
M’entends tu donc cogner sur ton parvis
M’entends tu donc frapper ? Balance moi les clés.
Je te supplie à grand cris
Sors de ton lit je t’en prie
je suis par terre à genoux
Moi je me traine dans la boue
Entends mon cri
Qui te hante
Prends donc ma vie
Si ça te chante
Je suis à bout Je déjante
Je suis cramé, oui à cran. M’entends tu donc frapper contre ta porte
JE TE SUPPLIE A GRAND CRIS ...

M’entends tu donc frapper comme un damné
M’entends tu donc frapper dans ta sale allée

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3 commentaires:

Anonyme a dit…

Merci Eric ...merci Gilles de ce partage en ces temps rugueux...
'' ...Il s’affranchissait peu à peu. Non de la souffrance mais ce qu’il y avait d’égocentrique et inutile dans sa souffrance. S’affranchissant de la sorte, il commençait à veiller, d’une veille modeste, presque insignifiante et pourtant combien cruciale, à l’écoute, poitrine nue, de la douleur ambiante. ''
J'ajoute : ...et avec confiance; j’ai acquis la confiance...Elle est en moi, au coeur de mon coeur...Ce qui ne m’empêche pas d’avoir ce même coeur meurtri par toute cette souffrance, toute cette cruauté actuelle...et par cette folie humaine de faire un pas en avant jour après jour dans cette guerre et dans ces menaces ! Oui, je le sais....« si vous vous libérez de votre propre souffrance, vous héritez de celle du monde entier ». En écrivant ces lignes me revient le destin d’Etty Hillesum...Et me touchent aussi les lignes de Gilles....comme me touchent aussi ceux qui chantent leur amour de la musique, du piano, de la guitare, de la nature, de leurs enfants, de leur bivouac au ras des pâquerettes....Tout est un! nous cohabitons avec le tragique de la vie et en même temps avec la beauté de ce printemps qui habille les arbres de feuilles frêles dans leur renouveau, si tendres dans leur couleur...Un hymne à la vie, à sa beauté.....Et comme Gilles, j’apprends à m’affranchir ‘’Non de la souffrance mais ce qu’il y avait d’égocentrique et inutile dans ma souffrance.
Amitiés
Nicole de St Zacharie

marlo a dit…

Merci Nicole pour vos commentaires qui tjs me réjouissent...vous dites "nous cohabitons avec le tragique et la beauté de la vie ".
J'ai écouté le témoignage de trois anciens déportés hier soir, tjs aussi bouleversant et plus que déchirant. Le tragique c'est la répétition de la cruauté et les sommets que peut atteindre cette cruauté humaine. La mémoire du passé ne semble pas avoir d'impact sur les comportements humains.
Impossible d'appréhender tout cela avec le cerveau qui ne peut pas accepter et qui cherche absolument un sens à tout cela, en ce qui me concerne ds tous les cas. J'imagine qu'il nous faut descendre dans le cœur pour franchir l'incompréhensible, l'insupportable...un pont de larmes qui semble lui-même infranchissable. Je me raccroche souvent aussi aux paroles d'Etty Hillesum et de tout ceux qui ont réussi à franchir ce pont.

Anonyme a dit…

Oui, Merci aussi Marlo pour '' ce pont de larmes qui lui-même semble infranchissable...'' Mais, pour moi, c'est quand je suis ( ne pouvant pas faire autrement ) au fond du fond du fond que là, parfois il y a une créativité jaillissante en moi, rafraîchissant comme peut l'être l'eau de la montagne....C'est fou le pouvoir que peut avoir un pont de larmes si je m'aventure à le traverser....
Nicole de St Zacharie