lundi 20 décembre 2021

« La joie qui nous emplit ne dépend de rien que de nous-mêmes »

 

Lors de sa déambulation dans une galerie d’art, la nonne bouddhiste s’arrête pour contempler quatre mots calligraphiés à l’encre de Chine sur un papier ivoire. Elle médite sur chacun d’eux. Eau, joie, lumière… sont le reflet d’une source qui ruisselle à l’intime de nous-mêmes.


« Eau pure… Cœur joyeux… » : quatre mots, calligraphiés d’une belle encre de Chine, noire et profonde, sur un papier ivoire, lui-même accroché sur un fond de tissu beige et or, qui attirent mon regard.

Dans cette galerie sont exposées des encres chinoises, paysages brumeux et montagnes lointaines, et je suis surprise de voir parmi les rouleaux de soie et les signes mystérieux ces quatre mots familiers élégamment tracés au pinceau. Ils en deviennent nouveaux, inattendus, et ils m’attirent comme un rayon de soleil qui se serait faufilé au milieu des nuages.

Un grand souffle de légèreté

Calligraphié ? Rien de bien ordonné, comme le mot pourrait le faire croire, rien de la belle écriture occidentale, mais de l’espace, des mots qui jouent et dansent, des vagues, un grand souffle de légèreté et, oui, de joie. La dernière lettre de chaque mot, prolongée d’un trait léger et sinueux, semble s’écouler sur le papier comme un petit ruisseau ; les mots jouent aux quatre coins sur la feuille, et montent et descendent portés par une brise de printemps ; entre eux, de l’espace qui ouvre une respiration et tout cela ensemble m’évoque un nouveau possible en cette grise journée.

Ces mots qui jouent dans l’espace

Il me semble qu’il suffirait de les relier comme on le fait sur un dessin d’enfant afin de trouver leur sens : un par un d’abord, deux par deux ensuite : qu’est-ce qu’une eau pure ? Comment l’imaginer et où la voir ? Un cœur joyeux : bat-il plus vite ? Est-il traversé par des flots de joie ? Puis en les permutant, je fais de nouvelles découvertes : apparaissent un cœur pur, une eau joyeuse, et puis une eau et un cœur purs et joyeux…

À force de les regarder, de les rêver, j’ai envie de sourire. Ces mots qui jouent dans l’espace entrent en moi, dans un ruissellement qui me traverse et me lave des obscurités que je porte aujourd’hui, comme un ruisseau, qui court dans la prairie et emporte dans son élan feuilles mortes et branches cassées, tout en fredonnant un petit air allègre.

Une source qui coule jour et nuit

Je m’arrête devant la vitrine pour mieux regarder : d’abord percevoir le rythme des mots ; « eau pure » : j’en vois la transparence dans les reflets du papier, comme des paillettes d’or scintillant au creux du courant ; « cœur joyeux » : j’en vois l’énergie dans la force du trait, dynamique, tantôt léger, tantôt appuyé ; c’est le chant de l’eau, sa force qui entraîne tout ce qui fait obstacle à la joie. Et ce cœur, mon cœur, cœur lourd, cœur trop plein, cœur fragile d’inquiétudes et de doutes, le voilà qui s’éveille, grandit, prêt à recevoir l’eau pure qui apaisera mon esprit agité.

La joie ici n’est pas la joie fugitive de l’instant, la joie d’un désir réalisé puis oublié : l’eau murmure d’une source plus profonde, une source pérenne, qui coule jour et nuit, et chuchote dans le silence ; hors d’atteinte des bruits du monde, proche d’atteinte de mon cœur lorsque je la cherche pour étancher ma soif.

Une joie qui ne dépend que de nous



Dans les rues animées, sous les guirlandes, au milieu de tous ceux qui se pressent pour des achats et des cadeaux, je la vois, cette joie qui nous emplit lorsque nous l’accueillons où que nous soyons, car elle ne dépend de rien que de nous-mêmes.

Je vois cette lumière qui passe à travers nous, qui se glisse dans les âmes ; et comme on aimerait que, de proche en proche, elle emplisse le monde ! Ainsi chante Ryokan, moine poète japonais : « Comme le petit ruisseau se frayant un chemin à travers les pierres moussues, moi aussi, peu à peu, je deviens clair et transparent. » Comment mieux se préparer en ce mois de décembre à accueillir la Lumière : « Eau pure… cœur joyeux ! »

Joshin Luce Bachoux

source : le magazine La Vie


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3 commentaires:

Anonyme a dit…

Eric, merci, merci, merci...Je sens que je vais y aller de ma petite larme...Quel cadeau.
Nicole de St Zacharie

Suzanne a dit…

Percevoir avec gratitude toutes ces petites joies qui se présentent tout au long de la journée.
Comme celle d'ouvrir ce blog, d'y trouver ce texte mis à notre intention, alors que la fin était annoncée.
Ça, C'est un extrait de joie pure !
Merci et bonne journée à vous tous.

Acouphene a dit…

Merci pour vos écrits de lumière !