Un homme en train de méditer ! Peut-être avez-vous remarqué que deux
statuettes, connues dans le monde entier, représentent un homme en train de
méditer :
Le Penseur ! L'une des plus célèbres sculptures en bronze d'Auguste Rodin est présentée comme étant un homme en train de méditer. Ce qui caractérise sa manière d’être —en tant que corps— est la puissance de sa musculature (Il doit éveiller la jalousie des adeptes du body-building !). Il n’est pas seulement musclé ; il est tendu, crispé, jusque dans les orteils. Penché vers l’avant, la tête lourde, il semble réfléchir durement. « Je pense parce que je suis un être pensant » écrit Martin Heidegger. Le penseur est enfermé dans cette part de lui-même, le moi-pensant qui fabrique l’ego, cette représentation mentale qu’on se fait de soi-même et à laquelle on s’identifie.
Le Penseur est conscient. Il semble même enfermé dans la pleine conscience DE…quelque chose. La conscience DE est l’usage que le moi mondain fait de la conscience SANS de, laquelle est une part de nous-mêmes dès l’origine de notre existence. L’usage de la conscience DE, est la source de la pensée dualiste, de notre conscience des choses. Il y a moi, n° 1 et ça, n°2. Et moi, je suis conscient DE ça.
Ça ? C’est tout ce qui n’est pas moi. Une mouche … la lune … l’être …un télomère ! Ça ? C’est ma main … ma respiration … mon estomac … mon cerveau !
Ça ? C’est l’opposition entre ce que j’appelle, ça, le jour et ce que j’appelle, ça, la nuit ; entre ce que j’appelle moi et ce que j’appelle mon corps ; entre ce que j’appelle la terre et ce que j’appelle le ciel ; entre ce que j’appelle la santé et ce que j’appelle la maladie !
Le Penseur, au cours de ce qu’on appelle sa méditation, est attaché à deux idées certes originales mais bizarres : « Moi, je suis, ce que je pense que je suis » et « cela est ce que moi je pense que cela est ! ».
Il est clair et incontournable que ces deux idées, qui concourent à l’élaboration de notre entendement, nous permettent de concevoir comment vivre dans le monde.
Comment vivre dans le monde ? A première vue, la forme qu’ Auguste Rodin a donné au Penseur est celle d’un homme tourmenté.
Le Bouddha ! Cet homme, qui n’était pas bouddhiste, est lui aussi en train de méditer. Mais de prime abord, il s’agit d’un homme paisible.
Par sa manière d’être assis, il témoigne qu’il est ouvert à sa forme propre. La forme voulue par la vie elle-même. Il n’est ni crispé ni avachi. Ce qui lui semble être important, ce n’est pas « Je pense parce que je suis un être pensant » ; c’est plutôt la première affirmation du philosophe allemand Martin Heidegger : « Je vis parce que je suis un être vivant ! ».
Le bouddha est-il plongé dans une sorte d’inconscience ou est-il en train d’expérimenter un état de conscience modifié ?
Absolument pas. Au cours de sa pratique méditative il se contente de se glisser dans la conscience SANS de ; la conscience sensitive, la composante sensible du tout corps-vivant (Leib) grâce à laquelle le nouveau-né, au cours des premiers mois, peut-être même des premières années de son existence, approche le réel.
Une approche du réel qui est pré-mentale, pré-philosophique, pré-psychanalytique, pré-scientifique. Zazen ? Se glisser dans le sentir ! Le sentir, cette action du corps-vivant qu’est la sensation, précède toute réflexion mentale. La forme corporelle du bouddha en train de méditer s’enracine dans ce qu’il y a d’essentiel en chaque être humain : sa propre essence (notre vraie nature, dit le maître zen ; notre être essentiel, dit K.G. Dürckheim). Notre vraie nature est insaisissable par la conscience DE, par la pensée, par le mental. La connaissance de notre vraie nature se présente dans une expérience ; par exemple le calme intérieur. L’accès à ma vraie nature nécessite une transformation soi-même.
L’approche du zen par K.G. Dürckheim
« Zazen, écrit K.G. Dürckheim, est un exercice de métamorphose (changement de forme ; transformation) grâce auquel l’homme libère sa nature profonde, sa vraie nature, hors des chaînes d’un ego dépendant du monde ».
Quelle est la place du corps sur ce chemin de transformation de soi-même ? Graf Dürckheim répond : « La première ».
Karlfried Graf Dürckheim Il ne s’agit pas de l’idée que le moi-pensant se fait du corps : un corps-objectivé, un corps-outil, un corps-performant, un corps-modèle conforme à la mode (Körper, dans la langue allemande). La première place est donnée au corps-vivant, au corps que l’homme EST dans sa globalité et son unité (Leib, dans la langue allemande).
L’exercice de l’absolue immobilité, propre au zazen, interdit la mise en œuvre de toutes les actions et activités qui sont du domaine du faire. Se présentent alors, à travers le sentir, les actions vitales, les gestes infaisables, qui ne sont pas du ressort du moi. Parmi lesquels : le va-et-vient qu’est le souffle vital.
La métamorphose, c’est dans l’acte de respirer que nous l’expérimentons. Cela ne signifie pas que le Penseur ne respire pas ; son erreur est d’opposer ce qu’il appelle moi, n°1 et ce qu’il appelle la respiration, n°2.
« L’acte de respirer est la signature de la vie » (Hirano Katsufumi Rôshi).
« L’acte de respirer est le geste vital absolu » (K.G. Dürckheim)
Devons-nous choisir soit le Penseur soit le Bouddha ? Certainement pas. Toute personne qui pratique zazen constate, plus tôt ou plus tard, que tout ce qui semble exclusif est, en même temps, inclusif.
Graf Dürckheim est très clair : « L’homme est dans cette vie confronté à une double tâche : d’une part il doit façonner et maîtriser le monde par ses œuvres, et d’autre part, il doit mûrir sur la Voie intérieure. Ces deux missions entretiennent une relation intime l’une avec l’autre. Cette mission exige que nous prenions en compte, non seulement ce que nous avons à faire dans le monde, mais aussi —aujourd’hui et chaque jour— ce que nous avons à réaliser intérieurement : devenir tels que, lorsque nous façonnons le monde, ce soit selon les intentions de l’être, de notre propre essence, que nous agissons ».
Le Penseur ! L'une des plus célèbres sculptures en bronze d'Auguste Rodin est présentée comme étant un homme en train de méditer. Ce qui caractérise sa manière d’être —en tant que corps— est la puissance de sa musculature (Il doit éveiller la jalousie des adeptes du body-building !). Il n’est pas seulement musclé ; il est tendu, crispé, jusque dans les orteils. Penché vers l’avant, la tête lourde, il semble réfléchir durement. « Je pense parce que je suis un être pensant » écrit Martin Heidegger. Le penseur est enfermé dans cette part de lui-même, le moi-pensant qui fabrique l’ego, cette représentation mentale qu’on se fait de soi-même et à laquelle on s’identifie.
Le Penseur est conscient. Il semble même enfermé dans la pleine conscience DE…quelque chose. La conscience DE est l’usage que le moi mondain fait de la conscience SANS de, laquelle est une part de nous-mêmes dès l’origine de notre existence. L’usage de la conscience DE, est la source de la pensée dualiste, de notre conscience des choses. Il y a moi, n° 1 et ça, n°2. Et moi, je suis conscient DE ça.
Ça ? C’est tout ce qui n’est pas moi. Une mouche … la lune … l’être …un télomère ! Ça ? C’est ma main … ma respiration … mon estomac … mon cerveau !
Ça ? C’est l’opposition entre ce que j’appelle, ça, le jour et ce que j’appelle, ça, la nuit ; entre ce que j’appelle moi et ce que j’appelle mon corps ; entre ce que j’appelle la terre et ce que j’appelle le ciel ; entre ce que j’appelle la santé et ce que j’appelle la maladie !
Le Penseur, au cours de ce qu’on appelle sa méditation, est attaché à deux idées certes originales mais bizarres : « Moi, je suis, ce que je pense que je suis » et « cela est ce que moi je pense que cela est ! ».
Il est clair et incontournable que ces deux idées, qui concourent à l’élaboration de notre entendement, nous permettent de concevoir comment vivre dans le monde.
Comment vivre dans le monde ? A première vue, la forme qu’ Auguste Rodin a donné au Penseur est celle d’un homme tourmenté.
Le Bouddha ! Cet homme, qui n’était pas bouddhiste, est lui aussi en train de méditer. Mais de prime abord, il s’agit d’un homme paisible.
Par sa manière d’être assis, il témoigne qu’il est ouvert à sa forme propre. La forme voulue par la vie elle-même. Il n’est ni crispé ni avachi. Ce qui lui semble être important, ce n’est pas « Je pense parce que je suis un être pensant » ; c’est plutôt la première affirmation du philosophe allemand Martin Heidegger : « Je vis parce que je suis un être vivant ! ».
Le bouddha est-il plongé dans une sorte d’inconscience ou est-il en train d’expérimenter un état de conscience modifié ?
Absolument pas. Au cours de sa pratique méditative il se contente de se glisser dans la conscience SANS de ; la conscience sensitive, la composante sensible du tout corps-vivant (Leib) grâce à laquelle le nouveau-né, au cours des premiers mois, peut-être même des premières années de son existence, approche le réel.
Une approche du réel qui est pré-mentale, pré-philosophique, pré-psychanalytique, pré-scientifique. Zazen ? Se glisser dans le sentir ! Le sentir, cette action du corps-vivant qu’est la sensation, précède toute réflexion mentale. La forme corporelle du bouddha en train de méditer s’enracine dans ce qu’il y a d’essentiel en chaque être humain : sa propre essence (notre vraie nature, dit le maître zen ; notre être essentiel, dit K.G. Dürckheim). Notre vraie nature est insaisissable par la conscience DE, par la pensée, par le mental. La connaissance de notre vraie nature se présente dans une expérience ; par exemple le calme intérieur. L’accès à ma vraie nature nécessite une transformation soi-même.
L’approche du zen par K.G. Dürckheim
« Zazen, écrit K.G. Dürckheim, est un exercice de métamorphose (changement de forme ; transformation) grâce auquel l’homme libère sa nature profonde, sa vraie nature, hors des chaînes d’un ego dépendant du monde ».
Quelle est la place du corps sur ce chemin de transformation de soi-même ? Graf Dürckheim répond : « La première ».
Karlfried Graf Dürckheim Il ne s’agit pas de l’idée que le moi-pensant se fait du corps : un corps-objectivé, un corps-outil, un corps-performant, un corps-modèle conforme à la mode (Körper, dans la langue allemande). La première place est donnée au corps-vivant, au corps que l’homme EST dans sa globalité et son unité (Leib, dans la langue allemande).
L’exercice de l’absolue immobilité, propre au zazen, interdit la mise en œuvre de toutes les actions et activités qui sont du domaine du faire. Se présentent alors, à travers le sentir, les actions vitales, les gestes infaisables, qui ne sont pas du ressort du moi. Parmi lesquels : le va-et-vient qu’est le souffle vital.
La métamorphose, c’est dans l’acte de respirer que nous l’expérimentons. Cela ne signifie pas que le Penseur ne respire pas ; son erreur est d’opposer ce qu’il appelle moi, n°1 et ce qu’il appelle la respiration, n°2.
« L’acte de respirer est la signature de la vie » (Hirano Katsufumi Rôshi).
« L’acte de respirer est le geste vital absolu » (K.G. Dürckheim)
Devons-nous choisir soit le Penseur soit le Bouddha ? Certainement pas. Toute personne qui pratique zazen constate, plus tôt ou plus tard, que tout ce qui semble exclusif est, en même temps, inclusif.
Graf Dürckheim est très clair : « L’homme est dans cette vie confronté à une double tâche : d’une part il doit façonner et maîtriser le monde par ses œuvres, et d’autre part, il doit mûrir sur la Voie intérieure. Ces deux missions entretiennent une relation intime l’une avec l’autre. Cette mission exige que nous prenions en compte, non seulement ce que nous avons à faire dans le monde, mais aussi —aujourd’hui et chaque jour— ce que nous avons à réaliser intérieurement : devenir tels que, lorsque nous façonnons le monde, ce soit selon les intentions de l’être, de notre propre essence, que nous agissons ».
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