Libre sans moi
« Vous ne serez jamais libre. Ce sera libre — sans vous ! »
Arnaud Desjardins
Pendant longtemps, le Moi veut être Libre. Cela représente pour lui l’accomplissement suprême, le nec plus ultra, le sommet de l’expérience humaine. C’est encore un désir d’avoir et non une aspiration à être. Ce contre-sens majeur provient de la confusion entre avoir et être, celle-ci remontant à l’enfance : je suis (quelqu’un qui compte), si j’ai (l’amour et le soutien inconditionnels de mes parents). C’est ainsi que fonctionnent les publicités : « Vous serez quelqu’un si vous avez... »
On pense : « Si j’obtiens Cela (Dieu, l’Amour, la Liberté), je serai davantage, je n’aurai plus besoin de rien. » Les hindous nomment ce piège le devenir, autrement dit, se perdre dans une quête sans fin, en espérant obtenir mieux plus tard. Vouloir s’améliorer, c’est toujours le Moi qui reste le projet central, écueil redoutable ; c’est encore vouloir augmenter son empire.
De plus, le devenir étant soumis à fluctuations, ce ne peut être en aucun cas le chemin de l’Absolu, de l’Amour inconditionnel. « Je deviens quelqu’un d’aimant » est soumis à si — « Si je vis une expérience spéciale, extraordinaire » ; à quand-« Quand j’aurais comblé tous mes désirs et que les autres me trouveront rayonnant » ; et à parce que — « Parce que j’aurai fait tous les efforts possibles ». Conditions, temps et causalité sont les dimensions qui définissent l’axe mouvant du psychisme, le Relatif. Erreur de direction !
Le personnage ne va pas devenir un être rayonnant d’amour, jamais ! Le devenir reste une forme déguisée de l’avoir, donc soumis à l’impermanence : je deviens parce que des circonstances m’affectent heureusement ou douloureusement, parce que j’accumule des expériences de conscience. Il suffira d’une épreuve un peu sévère pour me faire basculer dans la souffrance. Devenir se manifeste en positif ou en négatif, à la différence de l’être qui reste invariablement neutre, inchangé.
Avoir n’a pas de pouvoir direct sur être : tant que je suis accaparé par les préoccupations de l’avoir, j’oublie la possibilité d’être qui s’offre pourtant constamment. J’aurai beau avoir plus, je ne serai jamais plus. Encore faut-il l’expérimenter pour en être convaincu...
Christophe Massin
Extrait de "Moins d'ego... Plus de joie !"
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