Désolé si cette pépite – sous-titrée « Reflecting a lifetime » – vous semble un peu rude pour commencer une année … qui s’annonce difficile :
« Il raconte l’histoire d’un homme qui passe de l’enfance au statut de vieillard, le temps d’un brin de toilette. … Si ce récit paraît être une fiction, il est pourtant bel et bien réalité puisqu’il est tout simplement l’histoire de chacun d’entre nous. »
Comme nous sommes tellement « ignorants de ce dont nous sommes le plus assuré, notre essence transparente comme le cristal », nous avons besoin de « réveils » sans cesse plus puissants. D’autant plus que, généralement, « nous n’aimons point les réveils … ».
Il existe deux manières radicalement différentes de regarder « Le miroir » & de se regarder dans un miroir :
- l’habituelle : l’objet reflète ce que nous sommes, constate les inexorables effets du temps sur nos corps … Entretien machinal d’une commune léthargie, si bien résumée par Christian Bobin dans Le Très-Bas : « Le monde veut le sommeil. Le monde n’est que sommeil. Le monde veut la répétition ensommeillée du monde. … L’enfant va à l’adulte et l’adulte va à sa mort. Voilà la thèse du monde. Voilà sa pensée misérable du vivant : une lueur qui tremble en son aurore et ne sait plus que décliner. C’est cette thèse qu’il te faut renverser. »
- celle de la Vision du Soi, le véritable cadeau :
Voilà ce que Douglas écrit dans « Vivre sans stress » à quelqu’un qui se regarde dans un miroir tenu à bout de bras :
« Votre visage humain, votre visage acquis, votre apparence est là-bas, à un mètre environ. C’est une chose. Mais ici, de ce côté-ci de votre bras, se trouve votre visage non-humain, votre Visage Originel, votre Réalité. Ce n’est pas une chose. […] Il est bénéfique de bien faire la différence entre nos deux visages et de bien mettre chacun à sa vraie place. […] Utilisez maintenant votre miroir pour vous débarrasser du stress – en le regardant pour voir ce que vous n’êtes pas. »
Ne vous contentez surtout pas de lire ce passage, faites réellement l’expérience devant un miroir, vérifiez ce qu’il en est pour vous-même !
Elle coïncide bien entendu avec celles que proposent la plupart des véritables spiritualités, le Zen notamment :
Connaissez-vous le kôan : « Vous êtes l’image au miroir, mais l’image au miroir n’est pas vous » ? Le moi n’est que votre image, celle que vous présentez aux autres et à laquelle par erreur vous vous identifiez. Votre moi est aléatoire, il n’est que provisoire, il naît et il meurt, il meurt parce qu’il est né. Or vous, vous étiez avant et vous serez après. Voilà ce que signifie l’expression « visage originel ». Jacques Brosse « Pratique du zen vivant » (page 85)
Elle s’inscrit dans le droit fil de la logique de la Vie « surabondante », la Grande Vie : « Mais l’amour veut l’éveil. L’amour est l’éveil chaque fois réinventé, chaque fois une première fois. » (Christian Bobin, Le Très-Bas).
Et l’observation & constatation soigneuses de ce qui est vu permettent – simplement, concrètement, joyeusement – d’adopter cette nouvelle & très ancienne façon de Voir :
d’où sort la dent de lait ?
où vont la brosse à dents, le rasoir, la cigarette ?
où disparaissent le gant de toilette, l’eau dont s’asperge l’adolescent, la gorgée effervescente ?
les lunettes ne s’ajustent-elles pas en un « œil unique » ?
les nombreux « R » inversés dans le titre et le générique de début ne sont-ils pas autant d’invitation à retourner le regard vers sa source ?
Jean-Marc Thiabaud
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