Pour une seule
raison, une raison qui n'est pas raisonnable : l'éveil de l'homme à sa vraie
nature d'être humain.
Le maître zen Shohaku Okumura nous invite à laisser se révéler notre être-nu (1)
Graf Dürckheim
parle de notre être essentiel.
Qu'est-ce que
c'est -ça- que vous appelez notre être essentiel ? Lorsque je lui pose cette
question, le Vieux Sage de la Forêt Noire me dit "Vous ne pouvez pas poser
cette question, parce que ce que je désigne comme étant notre être essentiel
n'est pas un - ça -, n'est pas quelque chose qui pourrait être défini et classé
dans les catégories de la raison. Mais, paradoxalement, chaque personne, au cours
de son existence, peut faire l'expérience de sa vraie nature, l'expérience de
sa propre essence".
C'est quoi
cette expérience ?
"C'est
l'expérience d'une qualité qui se présente à travers la sensation".
Il s'agit de
l'expérience révélatrice ou de la révélation expérimentale d'un ensemble de
valeurs de l'être parmi lesquelles celle qui semble manquer le plus à l'homme
contemporain : le calme intérieur.
C'est peut-être
la nostalgie de cette manière d'être au monde qui fait que le mot méditation
fait aujourd'hui sauter l'audimat ?
Méditation
bouddhiste, méditation chrétienne, méditation laïque, méditation Vipassana,
méditation
Taoïste ...
laquelle choisir ? À chacun de décider. Mais il est sans doute important de
savoir que la pratique appelée zazen n'a rien à voir avec ces multiples
propositions qui ne font qu'opposer les tenants de l'une aux partisans de
l'autre.
Zazen est la pratique méditative SANS objet, SANS but. Lorsque je demande Graf Dürckheim s'il peut me donner une bonne raison pour pratiquer zazen chaque jour, il répond : "Pourquoi pratiquer zazen chaque jour ? Pour une seule raison ... parce que c'est l'heure".
Bien qu'elle ne soit pas encourageante cette réponse est capitale. D'autant plus que aujourd'hui, les animateurs d'une méditation dite moderne (?) proposent à leurs adeptes une liste qui rassemble cent (100) bienfaits alléchants.
Sans ou cent !
Malgré la prononciation à l'identique il ne faudrait pas confondre la
préposition qui marque l'absence avec l'adjectif numéral qui présume le
beaucoup. "Dès que l'on commence à promettre à ceux qui font un exercice
la santé ou le succès dans la vie, cela n'a plus rien à faire avec l'exercice
appelé zazen" (K.G. Dürckheim).
Au début de son
séjour au Japon (1937-1947) Graf Dürckheim pratiquait régulièrement zazen à
côté d'un moine zen d'un certain âge.
- Puis-je vous
demander en quoi consiste votre exercice après plus de quarante années de
pratique ?
Réponse du
vieil homme : - C'est difficile ... j'essaie d'arriver à ce point où je sens
que le souffle va et vient de lui-même et ... lorsque j'y arrive, c'est vraiment
étonnant ... tout en moi se calme !
Réponse qui
témoigne que pratiquer sans but n'est pas sans effets.
Ce moine, me
disait Graf Dürckheim, pratiquait fidèlement l'exercice proposé par le Bouddha historique
il y a plus de vingt-cinq siècles ; exercice qui en Pali (2) est désigné par
l'expression :
AñaPañaSati
AñaPaña ? Ce n'est pas quelque chose : la respiration. C'est cette action vitale qui n'est pas quelque chose. Ce n'est pas un exercice respiratoire inventé par l’homme ; c'est pour le maître zen Hirano Roshi la signature de la Vie. La Vie qui n'est pas quelque chose mais le PASSAGE de JeInspire à
JeExpire (en un
mot parce qu'il n'y a ni distance ni écart de temps entre le sujet et le
verbe).
Sati ? Il est peut-être important de commencer par dire ce que ce n'est pas. Sati n'est ni la conscience DE quelque chose, ni la concentration sur un objet, ni la méditation au sens d'une pratique mentale qui s'appuie sur la pensée, ni l'engagement de ce qu'on appelle l'esprit lorsque ce processus est opposé à ce qu'on appelle le corps.
Sati indique
une attitude d'accueil, l'action de contempler (c'est-à-dire de voir, d'entendre,
de sentir, d'être en contact avec ce qui est vu, entendu, senti, contacté ...
sans examen de ce qui est vu, entendu, senti, contacté).
Sati, c'est l'approche sensorielle du réel. Une approche pré-mentale du réel à travers la conscience SANS de. C'est la conscience qui est à l'origine, au commencement de notre existence.
Le Zen vous intéresse ? Dans ce cas vous devez savoir que vous allez être confronté à une équation radicale ; dans la langue japonaise : sanzen = zazen!
Ce qui signifie que "Chercher à comprendre profondément le Zen n'est rien d'autre que pratiquer zazen" (Dogen).
Exigence
d'autant plus difficile que, lorsque l'homme occidental approche les pratiques,
les usages, les préceptes, les directives, les exercices propres aux traditions
de l'Orient ou de l'Extrême-Orient, il se demande aussitôt comment il va
pouvoir les intégrer dans le cadre de ses convictions, de ses certitudes, de
ses croyances, de ses habitudes ; en un mot dans son entendement ?
Souvent
j'entends dire : "Je suis intéressé par la Leibtherapie, mais comment
vais-je intégrer cette thérapie dans ma manière d'aborder l'anatomie, la
physiologie telle que l'envisage la médecine expérimentale ?"
"Je suis
intéressé par zazen, mais comment vais-je intégrer cet exercice dans ma psychanalyse
?"
"Zazen
m'intéresse, mais comment vais-je intégrer cette pratique méditative à ma foi
?"
"Je veux
bien pratiquer zazen, mais pouvez-vous me prouver par des mesures
quantitatives, scientifiques, que ce qui est dit de cet exercice n'est pas que
subjectif ?"
Ma réponse ?
"Osez pratiquer zazen !". Jusqu'au jour où vous ferez l'expérience
que lorsqu'on pratique zazen le corps, le corps vivant dans sa globalité et son
unité (Leib) prend la forme du calme...
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