vendredi 13 février 2015

Et les masques sont tombés...par Jean Vanier

Il y a cinquante ans (en 2014), inspiré et soutenu par le père Thomas Philippe, j’accueillais Raphaël Simi et Philippe Seux. Ces deux hommes vivaient dans une grande institution depuis la mort de leurs parents. Comme tant d’autres, ils n’avaient pas de place dans la société. Ni l’un ni l’autre n’avait pu aller à l’école. Je les ai accueillis dans le désir de suivre Jésus et d’annoncer une Bonne Nouvelle pour les pauvres. L’Arche est née ainsi.

Puis, l’Arche a grandi. De cette petite maison dans le village de Trosly, près de Compiègne, dans l’Oise, d’autres sont nées. Aujourd’hui, ce sont 125 communautés dans 33 pays. Chacune comprend plusieurs foyers de type familial, où vivent 10 à 15 personnes. Notre vie communautaire est belle et inten- Né en 1928 au Canada, Jean Vanier est d’abord officier de Marine, docteur en philosophie, enseignant à Toronto... Avant de s’installer, en 1964 à Trosly-Breuil (Oise). L’Arche est aujourd’hui implantée dans 30 pays et accueille, en France, 1 000 personnes dans 26 communautés. se, source de vie pour tous. Les personnes ayant un handicap vivent une véritable transformation et retrouvent confiance en elles-mêmes, la capacité de faire des choix et surtout leur dignité d’être humain. Les jeunes ou moins jeunes, célibataires ou mariés, qui s’engagent à leurs côtés pour un an ou plus, découvrent un lieu qui donne un sens à leur vie. Le propre de nos communautés est précisément ce «vivre avec».

Il y a peu de temps, une assistante de 30 ans, qui avait passé cinq mois dans une de nos communautés, m’a raconté son histoire. Elle avait fui sa famille, car ses parents ne s’entendaient pas. Elle s’était lancée dans les études, puis dans une vie professionnelle intense et brillante. Elle avait peur de la relation, source de conflit, donc dangereuse. Par Internet, elle a trouvé l’Arche, s’est engagée dans un foyer. Ses masques sont tombés ; elle y a découvert une nouvelle liberté et la joie de la relation. Aujourd’hui, elle ne fuit plus les autres ; elle n’a plus besoin de gagner, d’être la première. Elle a découvert ce qu’est aimer et célébrer la vie en communauté, et réalisé que Jésus est quelqu’un qui peut l’aider dans ce chemin de transformation.

Chacun est appelé à vivre cette expérience ; chacun découvre la différence entre générosité et communion des cœurs. La générosité implique une supériorité : on donne quelque chose (biens, connaissances, nourriture...) à quelqu’un qui en a moins. Dans la communion des cœurs, chacun donne et chacun reçoit, et devient vulnérable l’un par rapport à l’autre. Bien sûr, la générosité peut et doit conduire à la communion, mais elle en est séparée si souvent... On peut même chercher sa propre gloire dans la générosité !

La communion implique des souffrances. Pas si simple de faire descendre les murs de protection construits autour de nos cœurs. Pas simple d’entrer dans une relation d’amitié avec quelqu’un de différent. On découvre assez vite nos préjugés, nos peurs et nos angoisses cachés derrière ces murs. Nous découvrons assez vite nos capacités de violence quand une personne plus faible s’oppose à nous ou bien quand nous n’arrivons pas à la comprendre. C’est la découverte de nos fragilités profondes. Beaucoup de jeunes viennent à l’Arche pour s’occuper des « pauvres », mais ils ne restent que s’ils découvrent qu’eux aussi sont pauvres. Qu’ils ont besoin d’être aidés par des frères et des sœurs dans la communauté et par l’Esprit-Saint que Jésus nous a promis pour changer nos cœurs de pierre en cœurs de chair.

Vivre à l’Arche est une aventure, un chemin de croissance vers la compassion. L’Arche est une école de relation, où nous apprenons à voir le positif dans l’autre. À ne pas vouloir faire tout, tout seul. À coopérer pour créer ensemble un monde où il y a plus d’amour et de respect de la dignité de l’autre.

Source : La Vie 2004


L’homme de la compassion

1928 Naît à Genève de père canadien.
1942 Intègre la Marine royale canadienne.
1950  Études de philosophie à la Catho de Paris.
1962 Thèse sur le bonheur chez Aristote.
1963  Enseigne la philosophie à l’université de Toronto.
1964 Fonde l’Arche à Trosly (60).
1971  Fonde Foi et Lumière.
1971 à nos jours Nombreuses fondations de foyers de l’Arche, multiplication de livres, tournées de conférences et de retraites spirituelles dans le monde entier.



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