Face à la souffrance, à une injustice, le chagrin n’est pas incompatible avec la force d’âme, la compassion, le courage.
Les nouvelles liées à la pandémie sont lourdes. Que faire de cette tristesse quand on médite ?
La tristesse n’est pas un obstacle fondamental au bien-être. Le bonheur, qu’est-ce que c’est ? La définition n’est pas facile. Si on pense que c’est une succession de sensations plaisantes ininterrompues, on est mal parti. Mais si le bonheur authentique, l’eudaimonia des Grecs, est lié à des qualités humaines clés comme la liberté, la paix intérieure, la bienveillance, alors la tristesse est normale. Face à la souffrance, à une injustice, le chagrin n’est pas incompatible avec la force d’âme, la compassion, le courage, etc. Tout est question d’équilibre. Et si on est plus familier avec la façon dont fonctionne notre esprit, on sait que derrière la tristesse, ou la joie, reste la présence éveillée. On la reconnaît en méditant. Elle est le point d’ancrage d’un pratiquant doté d’un peu d’expérience. C’est comme le ciel bleu derrière les nuages. On sait qu’il est là. Il va réapparaître. On n’est pas inquiet. Ce n’est pas de l’indifférence. Ce savoir s’acquiert. J’ai passé cinq ans de ma vie en retraite solitaire. Notre espace intérieur est bien plus grand pour gérer les hauts et les bas de l’existence. Il se forge avec le temps.
Apprendre à méditer, c’est difficile, non ?
Si une chose est trop facile, elle ne mène à rien (rires). C’est comme s’initier au piano ou aux échecs : ce n’est pas parce qu’on n’y arrive pas immédiatement qu’on s’arrête. Tout apprentissage demande un effort. L’esprit est comme un gamin capricieux, comme un singe qui saute de branche en branche. Cela ne se fait pas en trois secondes. Mais c’est probablement la plus belle aventure qu’on puisse mener : elle conduit à une liberté intérieure et aux ressources nécessaires pour maîtriser les problèmes. Moins vulnérable, on est moins préoccupé par son moi. Donc on s’ouvre davantage aux autres, on devient un meilleur être humain ; ça vaut le coup, non ? Il ne faut pas avoir peur de la pratique. Un de mes enseignants disait : « Si vous vous ennuyez, ce n’est pas la faute de la méditation ! » C’est parce que votre esprit est rebelle, capricieux. Il a pris des plis, et s’en défaire demande du temps. Mais l’enthousiasme vient si on contemple les avantages : l’équilibre émotionnel, l’altruisme. Combien de fois me demande-t-on le secret du bonheur en cinq points et trois semaines ? Cela n’existe pas ! C’est plus long, pas facile, mais ça vaut la peine.
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