mardi 8 octobre 2019

Vigilance (7)


On a une fois demandé au Bouddha s’il pouvait résumer tout son enseignement en un seul mot et le mot qu’il a employé est le mot que nous traduisons par vigilance. Cette veille est une attitude intérieure bien connue à laquelle se sont exercés tous les moines, qu’ils soient chrétiens, zen, hindous et tous les soufis.
Si un être humain veille, est en état de vigilance, l’hypnotiseur ne peut plus rien sur lui. Les ordres sont là, mais il n’est plus tenu de les exécuter, ils n’ont plus prise sur lui, parce qu’il est, au moins momentanément, éveillé. Puis, s’il retombe dans son sommeil, de nouveau l’hypnotiseur peut donner ses ordres ; et ces ordres, l’homme les reprend à son compte et en fait une illusion de liberté. Combien de gens dans l’existence vous disent : « Je ne sais pas ce qui m’a pris ! C’est vraiment trop bête. Je n’aurais pas dû le faire. Maintenant il faut que je répare le tort que j’ai fait. Pourquoi... », sans compter les cas graves où on se retrouve devant un tribunal. 

C’est à cause du manque de vigilance que tout le reste est possible. Les grandes difficultés sur le chemin de la sagesse, la violence, la jalousie, la convoitise, la peur, l’orgueil, tous ces obstacles ne sont possibles qu’à cause de ce manque de vigilance fondamental. Les chaînes de causes et d’effets ou d’actions et de réactions ont les pleins pouvoirs sur vous, à travers des mécanismes biologiques, physiologiques, hormonaux, nerveux, à travers des mécanismes psychologiques, sociaux, économiques, politiques, atmosphériques, météorologiques, tout ce que les sciences étudient. C’est un ensemble de lois, donc de déterminismes. 

Et ce que les « sciences humaines » étudient, c’est la façon dont ces lois et ces déterminismes s’appliquent à un être humain. Certaines sciences nous enseignent que nous sommes déterminés biologiquement ; d’autres nous montrent comment les phénomènes physiologiques se produisent en nous, comment l’absorption de telle substance produira tel résultat. 
La psychologie, la sociologie nous montrent comment le milieu culturel, les influences familiales, les idées prévalant dans une société à un moment donné, et même l’appropriation des moyens de production selon l’explication marxiste de l’homme, comment tous ces facteurs nous conditionnent. Et ensuite, on continue à se croire libre. La façon la plus forte dont on puisse entendre cette vérité, c’est le langage du sommeil dans lequel on a été plongé par un hypnotiseur qui peut ensuite nous donner les instructions qu’il veut et nous obliger à les exécuter. 

Il faut qu’un jour – aujourd’hui, pourquoi pas ? – vous entendiez ce langage comme vous concernant directement. Cela donne un choc. Et ce qui peut vous rassurer, vous aider à supporter ce choc, c’est de penser que vous n’êtes pas les seuls, que tous les enseignements en parlent, que c’est la règle du jeu, que c’est la condition humaine... 

 Arnaud Desjardins
Le vedanta et l’inconscient
À la recherche du soi III

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