Très tôt le matin, lorsqu'il récupère son chariot de nettoyage au dépôt de la place Georges-Python, à Fribourg, Michel Simonet l'orne d'une rose majestueuse. « Il ne faut pas aller chercher la poésie très loin, mais dans les petites choses que l'on vit, assure cet homme de 57 ans. Même si l'existence peut sembler morne et terne, on peut y trouver du sublime si on regarde bien. Ma fleur symbolise cela. » Balayeur depuis 32 ans dans cette ville suisse, Michel Simonet met chaque jour « de la poésie au cœur de la voirie ». Pour témoigner du bonheur à exercer cet humble métier, sans doute mieux valorisé dans son pays où l'on possède le « gène de la propreté », il a écrit un livre. Une rose et un balai vient d'être publié en France, après avoir remporté un joli succès chez nos voisins helvètes.
Par un après-midi de février nuageux, on s'attable avec le « balayeur à la rose » au Rendez-Vous Café, près de la cathédrale de Fribourg. D'humeur joviale, Michel Simonet se montre disert. La poésie n'est pas une abstraction, estime-t-il : « C'est le réel augmenté, avec un petit plus, de l'ordre de la pensée, qui amène à une autre réalité. » S'il a fait des études commerciales, ce Fribourgeois a toujours eu le goût des lettres. Devenu père de famille nombreuse, il garde un livre en poche pour ses brefs moments de temps libre. Un roman, par exemple, comme ceux de Marguerite Yourcenar et d'Albert Cohen, ses auteurs préférés. En poésie, lui qui connaît par cœur Villon et Verlaine aime les textes qui « partent du vécu, tragique ou heureux, et expriment quelque chose de fondamental, d'humain ».
L'humour compte aussi pour lui. Son livre est ponctué de bons mots glanés dans les conversations, de descriptions cocasses d'objets, de poèmes drolatiques sur les beuveries ou le carnaval. L'ensemble relève à la fois de la chronique d'une cité, d'un traité de philosophie de l'ordinaire, d'un hommage à une activité ancestrale menacée par l'aspirateur de rue, sans charme. On y découvre aussi le parcours d'un homme qui réconcilie le déchet et la beauté, le trivial et le spirituel. Fils d'un cadre des assurances, le jeune Michel aurait pu devenir employé de banque. Il a préféré un métier qui demande de « la patience devant les recommencements », de l'endurance physique - il parcourt jusqu'à 20 km par jour. Et un penchant pour la solitude et la contemplation. En travaillant, Michel Simonet chante parfois, surtout des chants byzantins, une de ses passions. Pour ce catholique, se faire balayeur représentait une réponse à l'injonction évangélique de simplicité. Son épouse et lui ont élevé leurs sept enfants sur son modeste salaire. « Notre vie, en un sens, a été assez exceptionnelle, à la fois marginale et intégrée socialement, se réjouit-il. Nous avons réussi à nous en sortir grâce aux allocations familiales. Et nous avons reçu des offres incroyables, ainsi une inconnue nous a proposé sa maison de vacances pour l'été ! »
Dans la rue, son « royaume », Michel Simonet dit avoir beaucoup appris, en « épicurieux », auprès de ses collègues ou de personnages pittoresques. Il a tissé de multiples liens, « de fortes amitiés » et reçu, surtout, « le cadeau de la simplicité, la paix du cœur, la vie au jour le jour, la grâce de l'instant présent ». En sortant du café, il est salué par nombre de passants. « Michel est vraiment une personnalité en ville, confirme Damien Hertig, propriétaire de la boutique de fleurs qui lui offre chaque jour sa fameuse rose. Il parle à toute personne, un politicien haut placé ou un ouvrier tout simple. Et il prend soin des autres. »
Le thème du Printemps des poètes cette année en France, « l'ardeur », inspire Michel Simonet. « C'est la chaleur humaine, répond-il. Notre ville, comme d'autres en Europe, en a reçu énormément de la part du Sud. Quand j'ai commencé, il y avait les immigrés italiens et espagnols, maintenant les cinq continents sont dans la rue. C'est extrêmement positif. Avoir en face quelqu'un d'ardent incite à répondre. Moi qui suis secret et taiseux, cela m'a aidé à m'exprimer davantage. » De son succès littéraire, Michel Simonet est étonné, mais fier et heureux. S'il publie désormais une tribune régulière dans le quotidien romand La Liberté, il entend bien rester balayeur. « Ce ne sont jamais les merveilles qui manquent mais plutôt la faculté de s'émerveiller », écrit-il dans son livre qui pourrait s'intituler « sagesse du balayeur ».
Source : La Vie
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Un balayeur qui écrit n'est pas un écrivain qui balaie: j'ai voulu m'entretenir avec vous des travaux communs et diversifiés au milieu d'une rue, en parcourant cette belle et longue histoire en courte géographie fidèlement accompagné de
Mon char
Ringard
Trône de ma rose,
Collègue de symbiose
Soeur de couleur et d'osmose,
D'entrain jusqu'à l'arthrose.
Heureux qui, balayeur, fait d'utiles voyages
De trottoir en trottoir et rose pour Toison,
Et qui a peu besoin de monter en avion
Pour saisir au global le monde et son usage.
Balayeur de rue, ou cantonnier, opérateur écologique, homme de ménage en plein air, concierge de quartier, hygiéniste du trottoir...
... parfois dénigré, mais reconnu par tous d'utilité publique.
1 commentaire:
Exceptionnel ! ♥
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