Le corps, dans la tradition occidentale, est pensé sous un angle étroit comme étant un corps-objet. Moi et quelque chose, mon corps. C’est le corps-outil, le corps-instrument, entrainé et utilisé comme un objet qui doit être en bon état, apte au travail ou à la performance dans le domaine du sport. Dans la langue allemande le mot Körper (étymologie : le mot latin corpus) correspond à cette idée d’un corps que l’homme «a».
Au cours de son séjour au Japon (1937-1947), pratiquant des exercices comme le tir à l’arc
(Kyudo) et la méditation appelée zazen, Graf Dürckheim fait l’expérience que le corps est mis au service de la transformation intérieure et de la vie intérieure de la personne en chemin. Pour désigner le corps que l’homme «est», le corps-vivant, la langue allemande dispose du mot Leib (étymologie : le verbe Leben, vivre).
Au cours de mes études à l’université (Institut Supérieur de Kinésithérapie) j’ai bénéficié d’enseignements magistraux sur le corps objectivé, disséqué, fragmenté. Mais je n’ai pas eu une seule leçon sur ce que Graf Dürckheim désigne comme étant « le tout corps-vivant dans sa globalité et son unité ». C’est en suivant les enseignements (1969-1988) que j’ai fait l’expérience que ce qu’on appelle la vie n’est pas dans le corps. Le corps (Leib) est la vie, qui d’instant en instant, se réalise dans cette forme individuelle entendue comme étant quelqu’un ».
Le corps-vivant dépasse l’opposition conceptuelle du corps et de l’âme, du corps et de l’esprit. Le tout corps vivant dans sa globalité et son unité !
« Leib, le corps que je suis, n’est plus sur le plan de la personne, ni un organisme physique détachable du sujet ni un instrument fonctionnant plus ou moins bien au service du moi profane. IchLeib, « Je suis corps », est l’ensemble des gestes, des actions, par lesquels l’homme prend forme et, en tant que telle, se réalise ou se manque » (KG Dürckheim).
La transmission de la méditation, en Occident, pose question.
En effet, l’homme occidental, lorsqu’il pratique la méditation, vise à l’acquisition d’un savoir-faire afin d’accomplir une réalisation extérieure. Par exemple : un accroissement des capacités mentales (mind) ; une augmentation de votre productivité.
Pour un japonais, la méditation proposée depuis plus de vingt-cinq siècles, n’a de sens et de valeur que si elle permet et favorise la transformation intérieure de la personne qui s’exerce. La transformation intérieure ?
C’est la personne qui, par sa manière d’être en tant que corps-vivant, témoigne que, étant en contact avec sa propre essence, sa vraie nature, son être essentiel, son point d’appui dans l’existence peut être le calme intérieur, la sérénité, la paix intérieure.
Jacques Castermane
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