jeudi 7 avril 2016

A la Source de l'esprit...


"Surveillez votre esprit, comment il vient à être, comment il opère. Pendant que vous surveillez votre esprit, vous découvrez que votre soi est le surveillant. 
Quand vous vous tenez immobile, seulement observant, vous découvrez que votre soi est la lumière derrière l’observateur. La source de lumière est sombre et la source de connaissance est inconnue. Seule cette source est. Retournez à cette source et demeurez là."

Nisargadatta Maharaj

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mercredi 6 avril 2016

Libre de nature... avec Arnaud Desjardins


Mais, en vérité, votre vraie nature est libre et vous perdez seulement une condition qui s’était surajoutée à votre liberté, celle de l’emprisonnement. 
De même votre vraie nature est d’être éveillés et sortir du sommeil n’est pas à proprement parler un gain mais simplement la fin d’une modalité d’être adventice. Ne l’oubliez jamais et ne confondez pas des améliorations à l’intérieur de la prison ou du sommeil – même si celles-ci vous paraissent d’ordre spirituel – et l’éveil. Vous pouvez obtenir des accomplissements yogiques importants, développer des pouvoirs qui sortent de l’ordinaire, acquérir une maîtrise et un rayonnement certains, tout en restant à l’intérieur du sommeil et de la prison. Et vous pouvez aussi être éveillé ou libre mais sans avoir apparemment, aux yeux des autres hommes, rien d’extraordinaire.

Quand certains êtres éveillés se trouvaient avoir de surcroît, sur le plan relatif de leur manifestation, des dons éclatants, ils ont connu la notoriété et la tradition a conservé leur nom. Mais aucune tradition ne nie qu’un moine effacé et ignoré puisse avoir atteint la sagesse suprême ni qu’un disciple ayant beaucoup progressé sur le chemin qui s’ouvre à tout homme pour devenir réellement un homme, ne soit pas forcément libéré. Cet éveil représente réellement une rupture de niveau complète, un passage de l’existence à l’être... 

 Arnaud Desjardins
 « Tu es cela »
À la recherche du soi IV

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mardi 5 avril 2016

Douglas Harding et l'Unique Centre


"A la racine de l'avidité économique, de l'agressivité, de la violence, de la délinquance junévile, très profondément et secrètement, et tout au long de la vie, persiste en nous l'assurance, propre à l'enfant que nous avons été, d'être l'unique Centre et, sans restrictions, le Propriétaire de toutes choses ; combien compréhensible alors toute cette fureur contre l'ordre établi qui, animé par des vues et des intérêts totalement différents, nous taille en pièces, puis prend une bribe de réel et l'érige sur nos épaules pour y tenir lieu d'univers ! 

On pardonnera aisément ces efforts pathétiques pour reconquérir au moins une parcelle de l'Empire perdu, même quand il ne s'agit que d'acquérir pignon sur rue et d'en imposer aux voisins. 
Le remède, comme toujours, consiste à regarder ici et à voir que la vérité est du côté de l'enfance, sans tête, sans image d'elle-même, qu'il n'y a ni boule, ni caillou, ni poutre, ni paille sur ces épaules ; à la première personne du singulier (indicatif présent), je ne suis pas dans le monde, le monde est en moi. 
Même les étoiles sont à moi, vraiment elles sont moi ; mon seul regard ne suffit-il pas à créer entre elles et moi le rapport le plus intime ?

 Je cherche vainement un espace entre l'étoile et moi, entre vous et moi : je vois maintenant que je suis espace, tout espace."

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lundi 4 avril 2016

La méditation aujourd'hui par Jacques Castermane


Méditer aujourd’hui peut apparaître comme étant un archaïsme par ceux qui considèrent notre époque comme celle de la technique et de la maîtrise rationnelle de la vie. Le monde actuel est dominé par la rationalité qui privilégie un seul aspect de l’être humain : son égo, indissociable du mental. Nous vivons sous le règne d’une pensée qui objective le réel et tout ce qui ne peut pas prendre place dans les catégories de la raison est réduit à un jugement draconien : « Ce n’est que subjectif ! ».
Mais aujourd’hui la méditation loin d’être considérée comme un phénomène marginal attire des femmes et des hommes qu’on ne peut plus ranger dans la catégorie des originaux, comme au temps de la culture hippie.

« Tant qu’il respire, l’individu ne se révolte pas » écrit Durckheim, « Mais qu’il vienne à étouffer - vécu intérieur d’un nombre croissant de personnes - il ressent un appel d’air qui vient du plus profond de lui-même ». Un appel de la vie, un appel de l’être, un appel de l’humain refoulé par un monde de plus en plus déshumanisé.
C’est cet appel de l’être qui engage la personne à s’intéresser à la méditation.
Méditation ! Ce mot, qui n’est pas un mot mais une action, accompagne une nostalgie légitime : faire l’expérience de ce vécu intérieur qu’est le silence intérieur, le calme intérieur, la paix intérieure.
Expérience qui n’est pas “que” subjective ; expérience que tout homme peut vivre “en tant que sujet du verbe être” : « Je suis ».
Ce « Je suis » qui semble n’intéresser personne à moins d’ajouter à « Je » un épithète : « Moi ».
« Je suis Moi ». Moi ! C’est -à- dire : entrepreneur, fonctionnaire, infirmière, professeur, employé (ajoutez ce qu’on désigne comme étant votre « identité »).

La méditation n’est pas se mettre en quête d’un plus d’identité ; autrement dit de passer d’un ego de taille XXL à un ego de taille XXXL en espérant que ce « + », dans le domaine du faire, va changer ma vie intérieure.
La méditation est une rupture avec le processus mental d’identification à cet illusoire point d’appui qu’est notre identité. Rupture, mise entre parenthèse de l’ego.« Je vis parce que je suis un être vivant » ; « Je pense parce que je suis un être pensant ».
A cette vérité proclamée par le philosophe Martin Heidegger, Durckheim ajoute que « Si l’homme occidental perçoit l’impasse dans laquelle sa pensée l’a conduit, il reconnaîtra qu’il est vain d’essayer d’en sortir par les moyens mêmes qui l’ont créée. Et il sera obligé de prêter l’oreille à la voix de son être essentiel insaisissable à la pensée objective ».

Méditer ? Un chemin de libération de notre vraie nature : « Je suis », hors des chaines de : « Je suis Moi ». ; le moi mondain qui souffre de cette maladie propre à l’être humain lorsqu’il ne vit plus selon les intentions de l’être, de l’acte d’être : l’angoisse et les états qui l’accompagnent. Notre vrai point d’appui, tout au long de notre vie, est-il « Je pense, donc je suis » ou « Je respire, donc je suis » ? Si vous doutez, pour connaître la réponse, il suffit d’arrêter de respirer…



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dimanche 3 avril 2016

L'homme poésie, c'est Christian Bobin

On ne lit pas Christian Bobin, l'un des plus grands poètes de sa génération, sans se laisser emporter, pénétrer, par la transparence cristalline de son verbe. On découvre, on savoure ses mots avec précaution, tant il nous offre la vérité bouleversante de son être et de ses expériences, de manière tranchante, forte, unique, authentique. Dans son livre, L'homme-joie (éditions de L'Iconoclaste), il nous parle de sa manière d'être présent à ce qu'il ressent ; des moments qui le frôlent légèrement ; des rencontres qui s'insèrent intensément en lui ; et de son amour perdu, qui n'empêche en rien, dit-il, que la vie soit "bien plus belle que ce que nous l'imaginons".
Une découverte que nous pouvons également faire grâce à ce recueil. Un voyage étonnant au coeur des mouvements du silence, des couleurs de la lumière, des ténèbres du quotidien, des éclats de rire exubérants de l'existence. Et parce que, pour ce poète incandescent, tout est vivant, en lien et en résonance, et quand nous refermons son livre, ébranlés, différents, nous regardons le monde autrement.

Le Point.fr : On vous sait solitaire, on vous imagine sauvage, peu enclin à la conversation, et notre rencontre commence par un grand rire...



Christian Bobin : En réalité, beaucoup de sourires traversent mes livres. Ils rayent, un peu, la vitre de papier. J'aime aller voir ce que je ne connais pas, l'imprévu, rencontrer des gens. Il n'y a rien de plus rare, ni de plus vivant, ni de plus important au monde que d'essayer de rencontrer quelqu'un. L'autre est un miroir. Si le miroir est de bonne qualité, il nous permet de nous deviner en lui. Il y a très peu d'événements fondateurs dans une existence. Quatre ou cinq. Tout ce qui mérite le nom d'événement est sans doute de l'ordre de la rencontre. Le coup porté par une émotion, le bouleversement induit par une beauté ou une épreuve, font que l'on se rencontre soi-même tout en découvrant autre chose de soi. La rencontre est le but et le sens d'une vie humaine. Elle permet qu'on ne la traverse pas en somnambule. Quand mes yeux se fermeront, ils le feront sur une immense bibliothèque constituée par des visages qui m'auront ému, troublé, éclairé. Un visage est éclairant quand un être est bienveillant et qu'il est tourné vers autre chose que lui-même. Le soin qu'il prend de l'autre, l'illumine, le rend vivant. Il capte une lumière et la renvoie. C'est quelque chose de rare. La richesse de cette vie est faite surtout de visages et de quelques paroles. Les mots ne sont pas les plus importants. Ils enferment parfois. Alors que quand ils sont simplement allusifs, à peine écrits, ils amènent le lecteur à faire un travail psychique et délivrant sur lui-même. Les livres sont agencés pour permettre à un silence bienfaisant, fraternel, de venir. Dans cet espace, quelque chose de l'auteur rencontre le lecteur et celui-ci y rencontre quelque chose de lui. Dans ce monde, on parle trop pour ne rien dire. Écrire permet d'aérer le langage, de faire venir de la lumière, quelque chose de neuf et de silencieux entre les mots, sous les phrases. Ce silence est bienfaisant.

Comment présenteriez-vous L'homme-joie ? C'est un livre construit en 15 récits dédiés à celle que vous avez aimée et que vous continuez à aimer...

L'homme-joie est au bord d'être perdu, au bord d'être trouvé... (Immense éclat de rire)... C'est un titre de noble, une figure archétypale de l'homme à venir qui n'existe, en chacun de nous, que par intervalles. La joie dont je parle ici ressemble au sautillement, bref, suspendu, d'une enfant dans des flaques d'eau. Passagère, elle nous traverse le cœur par intermittence. Pourtant, étrangement, elle est plus nous que toute autre chose. L'enfant qui sautille convertit la petite malédiction de la pluie en jubilation, en jeu. Cette joie transforme toute malédiction en gaieté. C'est quelque chose vers lequel nous pouvons tendre, un soleil à venir. Il n'y a pas de règles, pas de recettes. La vie dispose de nous. C'est elle qui fait le travail. Pas nous. Quand cet état d'émerveillement et d'acquiescement à la vie, cette capacité à jouer avec elle, nous tombe dessus, on le sait. La spiritualité est du vif-argent, une floraison étonnante. Elle a de l'insolence, du charme, est toujours imprévue, ne se possède pas. Elle est un printemps hors saison qui pousse dans nos cœurs et qui ne dure qu'un temps. Et ce n'est pas grave. Le passage en nous de quelque chose de spirituel, le sentiment d'être pleinement vivant, nous permet de traverser la nuit du monde. Le monde et la nuit, c'est aujourd'hui à peu près la même chose. Il ne se passe pas de jours sans que l'on voie des dizaines d'étoiles tomber par terre. La spiritualité permet de traverser tout ça et de continuer. Mais toute définition est un enterrement de première classe. Je préfère évoquer la spiritualité en parlant de confiance, cet étrange sentiment, grâce auquel je sais que les moments d'enfermement ou de désespoir que je connais comme tout le monde sont temporaires et qu'autre chose arrivera ensuite. L'enfer sur terre est monotone et normé, un endroit assez conventionnel. Le paradis est tout sauf convenu. Tout y est sans arrêt nouveau ; d'une nouveauté de fleur de cerisier non commerciale. Chaque instant y est vécu comme étant le dernier. La vie est un trésor que nous gâchons. Si on regarde ce qui est autour de nous, de plus fragile, de plus banal, nous pouvons y voir quelque chose d'illuminant. Les mères le savent bien. Quand l'une d'entre elles se penche sur le berceau de son tout-petit en train de dormir, elle est une géante qui veille sur la course des étoiles. Ces choses-là, qui ne sont petites qu'en apparence, sont le meilleur de l'existence. L'esprit est la vraie trace de la vie en nous.
Chaque instant, chaque mot, chaque expérience sont pour vous à la fois mort et renaissance. Tout est possible à chaque instant ? Je le ressens comme ça. Rien n'est jamais perdu. La suite des jours et des nuits est comme une partie de jeu de cartes. On peut toujours la rejouer. La mort est peut-être la carte la plus belle. Le drame d'aujourd'hui est que le temps du cœur, beaucoup plus lent que le temps mesurable, n'est pas respecté, compris.

Quand on vous lit, on a le sentiment que tout est vivant autour de vous...

(Énorme éclat de rire) J'aime beaucoup ça ! C'est nous qui sommes en défaut par moments, qui avons une paupière un peu trop lourde pour le voir. Parfois, nous y parvenons comme le soir où, en passant devant un rosier, j'ai eu la sensation que le rouge des fleurs trouait la nuit et m'appelait, me sifflait. Ce sont ces sortes d'accidents lumineux, imprévus, qui, quand ils m'arrivent, me font prendre conscience que tout est vivant, en lien.

Quelle est la fonction d'un livre ?

Un vrai livre écoute le lecteur. Mon expérience de lecteur sait qu'à de rares moments quelque chose sort d'un livre, vient s'asseoir à côté de vous et se met à vous écouter. Les mots sont écrits et agencés de telle façon que vous vous sentez écouté par eux. Quand la chose vraie vous est dite, vous n'avez pas besoin d'un expert pour l'authentifier. Votre cœur et votre expérience la reconnaissent, résonnent avec elle.

L'un de vos récits évoque votre expérience de la peinture de Soulages. Un bouleversement total pour vous.

Mon âme prend un bain de nuit devant ses tableaux. Pour moi, Soulages n'est pas un peintre, mais l'un des plus grands penseurs de tous les temps. Il a des noirs pascaliens. Il se sert du noir comme d'un ambassadeur pour faire venir la lumière. C'est inouï et génial. En jouant sur le relief, les sillons, la pâte de sa peinture, Pierre Soulages fait venir la lumière du ciel à partir de quelque chose qui devrait être morne, constant, sans nuances, comme le sont souvent nos jours. La matière de sa peinture a à voir avec le silence qu'une page heureuse peut modeler. C'est un peu comme une main qui se pose sur le coeur et qui commence à le masser, à l'apaiser, à le purifier. C'est une grande joie de voir ça. Ce sont des montagnes noires, heureuses. Des paradoxes. Heureuses, car la pensée est suscitée, réveillée, à son maximum. Les peintures de Soulages atteignent en moi LE grand lac des images ; le lieu souterrain de la psyché d'où vient toute poésie. Et il est très curieux qu'il atteigne ce lac en ayant supprimé toute représentation.

Le bonheur, qu'est-ce que c'est pour vous ?

Ce n'est pas le contraire du malheur. Une vieille gitane a dit un jour que la vie la plus riche est celle où on a beaucoup souffert. Si on entend précisément cette phrase, il n'y a rien de doloriste. C'est juste que la vie qui s'est affrontée le plus à la vie est sans aucun doute la plus heureuse. L'image physique du bonheur serait d'imaginer un rosier injurié par la grêle. Il est dans le réel brut et pur.

Christian Bobin, Entretien avec Catherine Jarry

samedi 2 avril 2016

Rumi et Bouddha


Quand nous ne sommes plus qu'Univers ! 




Paroles du Bouddha

 - L’univers et ses habitants sont aussi éphémères que nuages au ciel. 

 - Les êtres qui naissent et meurent sont comme un spectacle de danse ou une pièce de théâtre, leur durée de vie est aussi brève que l’éclair ou l’éclat fugitif d’une luciole. 

 - Tout passe à la vitesse des eaux ruisselantes d’une cascade.

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vendredi 1 avril 2016

Sourire d'avril




Hommage à Imre Kertész

L'écrivain hongrois Imre Kertesz est décédé le 31 mars 2016 à l'âge de 86 ans. 

  "Celui qui survit n'est pas le coupable, mais il représente l'erreur, le grain de sable, car toute la machinerie nazie, ce que Raul Hilberg nomme la « destruction des juifs d'Europe », est conçue pour fabriquer un phénomène de masse : la mort en masse. Le survivant, c'est la panne imprévisible du fonctionnement ! Quand on m'a retrouvé à moitié mort dans une flaque d'eau gelée sur le béton de Buchenwald, je ne peux toujours pas considérer comme rationnel le fait d'avoir été sauvé. Pourquoi moi ? Pourquoi pas un autre ? C'est cela, être sans destin. Si vous voulez vraiment apprendre quelque chose d'Auschwitz, interrogez donc les morts ! Eux seuls savent. Nous autres survivants, nous n'avons participé que d'une manière infime à l'extermination, même si nous en avons payé le prix fort moralement. Dans la dynamique de l'extermination, le bourreau et sa victime vont la main dans la main. Ils ont le même but, la mort." 
(interview : Le Point)

Je l'avais déjà entendu dire, et je pouvais désormais en témoigner : en vérité, les murs étroits des prisons ne peuvent pas tracer de limite aux ailes de notre imagination.
Le fait est que, même en captivité, notre imagination reste libre.
Etre sans destin

« Parfois, comme une martre pelée qui aurait survécu à la grande extermination, je traverse encore la ville. A certains bruits, certaines images, je dresse l’oreille comme si mes sens engourdis et encroûtés étaient agressés par l’odeur des bribes de souvenirs. A côté de certaines maisons, à certains coins de rue, je m’arrête, terrifié, les narines dilatées, je scrute les alentours d’un œil effrayé, je veux m’enfuir mais quelque chose me retient. Sous mes pieds bouillonnent les égouts, comme si le torrent sale de mes souvenirs voulait sortir de son lit pour m’engloutir. Qu’il en soit ainsi ; je suis prêt. Dans un dernier grand résumé j’ai montré ma vie faillible, opiniâtre – je l’ai montrée pour ensuite, portant le baluchon de cette vie dans mes deux mains tendues, m’en aller et, comme dans l’eau noire et tempétueuse d’un torrent,

sombrer,
mon Dieu !
faites que je sombre
pour l’éternité,
Amen. »
Kaddish pour l'enfant qui ne naîtra pas

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jeudi 31 mars 2016

Nouvelle société avec Jean-Baptiste Libouban


C’est la base de l’action non-violente inspirée de la vie et de l’œuvre de Gandhi, dont Lanza del Vasto a été l’un des héritiers en France, et à sa suite, les communautés de l’Arche, auxquelles j’ai donné ma vie. Il est essentiel, si l’on veut construire un monde de paix, de faire tomber nos propres aridités, nos haines, d’arriver à comprendre l’autre et de l’aider à nous comprendre. La germination d’une nouvelle société passe par là. Je suis convaincu qu’elle pousse dans les failles du béton urbain. 

Comme chrétien, je suis tenté de dire que l’Esprit naît là, qu’il filtre à travers l’action des militants libertaires et autres dont je partage le refus du consentement à la servitude. La vie est plus forte que la mort et même si l’état de la planète est plus angoissant que jamais, nous pouvons inverser le cours des choses. 

Comme le dit Edgar Morin, « le pire n’est pas certain ». 
Et de citer ce beau proverbe turc : « Les nuits sont enceintes, mais nul ne sait le jour qui en naîtra. »




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mercredi 30 mars 2016

Aux bons soins des jaloux avec Alexandre Jollien


Une amie me disait : « Le jaloux voit mal. » D’où la nécessité d’une conversion du regard pour me contenter de mon sort. Autant dire qu’il y a du travail. Car, presque automatiquement, je suis porté à penser que l’herbe est fatalement plus verte dans le pré du voisin. Combien de situations me satisfont véritablement ? Quand suis-je vraiment rassasié, comblé ? La jalousie nous arrache à nous-même, elle nous fige sur le manque, sur nos lacunes, sur ce qui nous fait défaut. Ainsi, je jalouse tel individu pour son physique, son aisance ou même sa joie. Qu’il est difficile de contempler la réussite de l’autre sans éprouver un petit pincement au cœur ou carrément une envie féroce. Si le spectacle du malheur d’autrui peut susciter de grands élans de solidarité, s’il peut engendrer des héros, la vue du bonheur n’a pas toujours cet effet bénéfique. Elle ne grandit pas nécessairement, loin s’en faut. Quel remède apporter à un mal si répandu ?

Dans ma quête, un livre me prête main-forte. Dans Consolation de la philosophie, Boèce imagine dialoguer avec Dame Philosophie en personne. C’est qu’il a tout perdu, ou presque. Homme politique, le voilà destitué par Théodoric, lui qui n’a eu de cesse de pratiquer la justice, de viser le bien commun, attend dans sa résidence forcée sa condamnation à mort. Injustement puni, l’âme troublée, le supplicié reçoit alors la visite de Dame Philosophie.

De son attirail thérapeutique, je retiens un outil essentiel : personne n’est jamais mécontent de l’intégralité de son sort. Ainsi, je ne dirai plus : « J’en ai marre de tout. » En effet, il faut tomber bien bas pour en avoir marre de tout. Serait-ce que subsistent toujours quelques branches pour s’accrocher ? Une petite lueur d’espoir, la santé, un ami... pour nous remonter le moral. Et Dame Philosophie de dire précisément à Boèce que l’épreuve lui donnera l’occasion de découvrir qui sont réellement ses vrais amis. Effectivement, la fortune n’a pas tout pris à Boèce. Il lui reste ses fils, sa femme et d’authentiques amitiés. Certes, même cela sera bientôt repris, cependant, ici et maintenant, le prisonnier peut s’appuyer sur ces soutiens. Je découvre un corollaire à la cure prodiguée par Dame Philosophie : on ne jalouse jamais l’intégralité du sort d’autrui. Il se présente toujours un hic dans la vie de la personne que j’envie que j’aimerais éviter. Ce sportif d’élite s’est fait larguer malgré ses biceps et son compte en banque. Cet écrivain talentueux arrive au bout du rouleau, la maladie le ronge. Et ce ne sont pas forcément que des grands trucs qui peuvent gâter notre joie.

Chacun essuie les hauts et les bas d’une existence avec plus ou moins de ressources. Je trouve ainsi une invitation à bien regarder l’herbe du voisin, à soigneusement contempler celui que je jalouse. Et, ô merveille, la jalousie du début peut donner lieu à une véritable pratique de la compassion. En somme, Dame Philosophie invite tout simplement son malade à connaître les règles du jeu. La vie n’est simple pour personne. Tôt ou tard, même la plus clémente des fortunes devient capricieuse et change. Et notre thérapeute va jusqu’à prétendre que les plus privilégiés sont en fin de compte les plus fragiles. Sans aller jusqu’à plaindre le jeune homme à qui tout sourit, je puis ouvrir les yeux pour ne pas juger trop vite du bonheur des autres et de mon malheur.
Cependant un mystère demeure : souvent, les êtres les plus accablés par le sort goûtent les plus grandes joies. Et pourquoi n’en serai-je pas jaloux ?


Alexandre Jollien est un philosophe et écrivain né en 1975 à Savièse, en Suisse. Son dernier livre, le Philosophe nu, est paru au Seuil.


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mardi 29 mars 2016

En marche... avec Antonio Machado

«Voyageur il n’y a pas de chemin, le chemin se fait en marchant»
Jamais je n'ai cherché la gloire
Ni voulu dans la mémoire
des hommes
Laisser mes chansons
Mais j'aime les mondes subtiles
Aériens et délicats
Comme des bulles de savon.
J'aime les voir s'envoler,
Se colorer de soleil et de pourpre,
Voler sous le ciel bleu, subitement trembler,
Puis éclater.
A demander ce que tu sais
Tu ne dois pas perdre ton temps
Et à des questions sans réponse
Qui donc pourrait te répondre?
Chantez en coeur avec moi:
Savoir? Nous ne savons rien
Venus d'une mer de mystère
Vers une mer inconnue nous allons
Et entre les deux mystères
Règne la grave énigme
Une clef inconnue ferme les trois coffres
Le savant n'enseigne rien, lumière n'éclaire pas
Que disent les mots?
Et que dit l'eau du rocher?
Voyageur, le chemin
C'est les traces de tes pas
C'est tout; voyageur,
il n'y a pas de chemin,
Le chemin se fait en marchant
Le chemin se fait en marchant
Et quand tu regardes en arrière
Tu vois le sentier que jamais
Tu ne dois à nouveau fouler
Voyageur! Il n'y a pas de chemins
Rien que des sillages sur la mer.
Tout passe et tout demeure
Mais notre affaire est de passer
De passer en traçant
Des chemins
Des chemins sur la mer
Antonio Machado

lundi 28 mars 2016

dimanche 27 mars 2016

Un dimanche... pour les autres

Devenir pain
Certains ne voient pas quelle nourriture ils pourraient
donner; ils ne réalisent pas qu'ils peuvent devenir pain pour des autres. Ils ne croient pas que leur parole, leur sourire, leur être, leur prière peuvent nourrir les autres et leur redonner confiance. Jésus nous appelle à donner notre vie pour ceux que nous aimons. C'est en mangeant le pain changé en Son Corps que nous devenons pain pour les autres.
Jean Vanier, Communauté lieu du pardon et de la fête