mardi 23 décembre 2025

Oui au refus du oui...

 


" Me vient à l'esprit que, par contraste, notre époque marche sur la tête en valorisant le non. Elle nous a convaincus que refuser c'est faire montre d'intelligence, de puissance, d'autonomie, d'indépendance. Méfiance, rejets, réfutations et critiques systématiques passent pour des vertus. Seuls le niais ou le frêle acquiescent.

Une faiblesse que de dire oui? On a besoin de force pour consentir, de courage pour dire oui au risque, oui au danger, oui à l'aventure, oui à l'autre, oui à l'amour quand il se présente, oui à l'amour quand il demande des efforts, oui à la Révélation, oui à Dieu."

( Le Défi de Jérusalem - Eric-Emmanuel Schmitt )

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lundi 22 décembre 2025

Point de non retour

 Aujourd’hui, je vous parle d’un point très particulier, qui n’est pas un point d’acupuncture.


C’est un tout petit point blanc au milieu d’une immensité noire.
Ce petit point, vous le connaissez tous, il est sur ce dessin : ☯️
Il nous parle de l'incroyable évènement cosmique que nous sommes en train de vivre :
LE MOUVEMENT DANS L’IMMOBILITÉ.
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🟡 21 décembre, solstice d’hiver : 隆冬 lóngdōng
🔹Pour l’esprit occidental : l’entrée dans l’hiver
🔹Pour l’esprit chinois : l’apogée de l’Hiver 冬 dōng
🔹Pour tout l'hémisphère Nord : la nuit la plus longue et la renaissance de la lumière
🔹Pour qui médite dessus : un truc vertigineux, une alchimie bouleversante
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🟡 Que se passe-t-il en terme de Mouvement ces jours-ci ?
Si vous avez déjà eu l’occasion d’observer l’évolution de la place du couchant à l’horizon, alors vous savez qu’aux solstices, pendant plusieurs jours, l’emplacement est quasiment le même, comme si le soleil hésitait avant de changer de sens.
Une sorte d’immobilité vigilante, à l’écoute, pour mieux gérer et suivre le nouveau mouvement naissant.
Cette hésitation, ce retournement profond, on est en plein dedans !
J’aimerais vous donner quelques exemples de cet instant incroyable.
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🟡 Lorsque vous vous préparez à sauter 🤾, il y a tout le moment de préparation, de repli pour la prise d’élan.
C’est comme un recul à l’intérieur de vous, une condensation.
Puis vient le moment d’initier l’élan pour le saut lui-même. Une ultime flexion des genoux pour l’appui, et le mouvement s’inverse.
🔹C’est ça.
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🟡 Lorsqu’un groupe d’oiseaux 🐦 ou un banc de poissons 🐠 change de direction : on ne saurait pas dire lequel a initié le mouvement, mais on constate une accumulation, une densification et comme un ralentissement, avant de repartir fluidement.
🔹C’est ça.
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🟡 En calligraphie chinoise 🖌, pour tracer un trait droit, on trace en vérité une espèce de 8. On fait une sorte de boucle “sur place” avant de lancer le pinceau.
🔹C’est ça.
Le mouvement est déjà beau en soi, mais c’est encore plus délicieux à vivre avec le résultat visuel de l’encre, qui ne ment pas et nous montrera si c’était bien vécu donc bien exécuté.
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Comprenez-vous ce qui se joue en vous en ce moment ?
Nous sommes dans des jours d'inertie maximale.
Soyez à l’écoute, ressentez ces derniers instants d’immobilité apparente, de repli sur soi avant la poussée, toujours laborieuse au départ, qui permettra au yáng 陽 de renaître des profondeurs du yīn 陰 !
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Alice Korovitch
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dimanche 21 décembre 2025

Naître à Noël

 


La nuit est profonde, la nature est à l’os, dépouillée de son feuillage, elle étend ses branches noires décharnées. L’hiver aux petits jours et aux longues nuits est paradoxalement une saison de clarification. On ne peut pas fuir dans la contemplation plaisante de l’abondance de feuilles, de fleurs, de fruits. Il n’y a que des bois dénudés, des structures austères, des fusains, des encres noires. C’est le temps de l’enfouissement, du retour dans nos terres intérieures, dans ces eaux profondes dont parle le Christ.

Une nostalgie me prend l’âme dans cette période d’attente. Je regrette le temps chaud, lumineux, la nature qui gazouille, coasse, stridule de chants de cigale. Je me rebelle à l’idée de cette noire invitation à aller fouiller mon sol, méditer sur la finition à laquelle me pousse cette saison.

On n’a pas toujours envie de faire ce travail intérieur, lent, sans éclat, tout retourné dans l’ombre de soi avec pourtant l’espoir d’une future floraison. Je n’ai pas le choix, je dois vivre à l’image de cette nature qui nous ressemble. L’humain est un terreux, il a été pétri avec la glaise du sol. Il doit faire avec sa réalité d’incarnation.

Le don de sa vie

Donc Noël, me direz-vous ! Vous qui me lisez, vous vous demandez sans doute où je souhaite vous conduire dans ma réflexion ? En ces derniers jours de l’Avent, je vous mène devant une icône, une Nativité du XVe siècle d’Andreï Roublev.

Ce peintre de renom est un moine formé par un grand artiste, Théophane le Grec. Grâce à son maître qui lui a transmis son art d’écrire l’icône, il a acquis la capacité de faire jaillir de son pinceau tout ce qu’il perçoit. On ne sait pas grand-chose sur sa vie mais certains témoignages, qui construisent aussi sa légende, évoquent sa faculté de peindre sans regarder son support, en laissant faire son regard intérieur.

Cette œuvre de la Nativité ne représente pas qu’une naissance, elle raconte le destin de l’homme délivré de la mort. En bas, Joseph, enroulé dans son manteau, est pensif. Dans ce moment unique, il symbolise le vieil homme dépassé par l’irruption du divin sur la terre, dans sa terre. À ses côtés, un homme également âgé, courbé sur un bâton, porte une peau de bête, signe de cette part animale qu’il doit quitter. Les servantes près de lui préparent sans hasard un bain pour l’enfant nouveau-né. Joseph aussi doit renaître d’esprit, comme chacun de nous.

Le centre de l’image est occupé par Marie. Dans son manteau noir, elle repose sur un drap rouge ourlé d’or, des signes lumineux. Les anges sont auprès d’elle. Ils entourent l’Enfant, les mains cachées sous leurs vêtements, un geste réservé aux personnages sacrés.

Ce qui me frappe c’est leur présence au milieu des humains, des bergers et des mages que l’on voit caracoler sur leurs chevaux, en haut de l’image. Eux suivent l’étoile que Roublev a placée au centre de l’icône. Ses trois rayons désignent l’Enfant né dans cette grotte sombre, noire comme le manteau de Marie, un manteau de nuit, la nuit de l’être humain.

Dans nos ténèbres, il est là, dans cette mangeoire qui a la forme d’une tombe, emmailloté dans des bandelettes évoquant un linceul. Cette convention de l’icône que Roublev suit fidèlement signifie pour le peintre la Passion du Christ à venir. On pourrait dire que dès la naissance de Jésus, il a le don de sa vie, sa mort. Mais celle-ci n’est qu’un passage vers Sa Résurrection. Voilà le vrai sens de Noël, celui qu’il nous a laissé en se manifestant au monde : nous naissons et nous pouvons vaincre la mort.

Paule Amblard


La nativité - Andreï Roublev, 1405 - tempera sur panneau de bois, 142 × 114 cm - Moscou, Cathédrale de l’annonciation

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samedi 20 décembre 2025

Empathie


«L’empathie c’est, à la vitesse de l’éclair, sentir ce que l’autre sent et savoir qu’on ne se trompe pas, comme si le cœur bondissait de la poitrine pour se loger dans la poitrine de l’autre.

C’est une antenne en nous qui nous fait toucher le vivant : feuille d’arbre ou humain.

Ce n’est pas par le toucher qu’on sent le mieux mais par le cœur.

Ce ne sont pas les botanistes qui connaissent le mieux les fleurs, ni les psychologues qui comprennent le mieux les âmes, c’est le cœur.

Le cœur est un instrument d’optique bien plus puissant que les télescopes de la Nasa. C’est le plus puissant organe de connaissance, et c’est une connaissance qui se fait sans aucune préméditation, comme si ce n’était plus nous qui faisions attention à l’autre, comme s’il n’y avait plus qu’une attention pure et bienveillante fondée sur la connaissance de notre mortalité commune.

Ce qui est très curieux, car qui est-on à ce moment-là ?

Toute sagesse qui vient dans le carcan d’une méthode est dépassée par le cœur.

Ce moment qui foudroie toutes les carapaces d’identité, qui saute par-dessus l’abîme qui me sépare d’autrui et où le cœur de l’autre est deviné jusqu’en ses moindres battements, donne la plus grande lumière possible sur l’autre.

Dans l’empathie, on peut prendre soin d’autrui comme jamais il ne prendra soin de lui-même, par une attention tendue comme un rai de lumière, mais il n’y a aucune emprise psychique sur lui.

C’est l’art double de la plus grande proximité et de la distance sacrée.» 

🖊️Christian Bobin 

📕«La Lumière du monde» 

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vendredi 19 décembre 2025

Se changer d'abord...


"Nous n’avons pas le pouvoir parce que nous n’avons pas la vision totale... Nous nous plaignons de notre incapacité (à soigner, à aider, à guérir, à sauver), mais elle est exactement, minutieusement, à la mesure de notre capacité de vision...  Nous butons toujours sur la même erreur : nous voulons changer le monde sans nous être changés nous-mêmes."

Satprem – La genèse du surhomme


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jeudi 18 décembre 2025

Ne bouge pas


Ne bouge pas. Meurs encore et encore. N'anticipe rien. Rien ne peut te sauver maintenant, car il n'y a que cet instant. Même l'illumination ne te sera d'aucun secours, car il n'y a pas d'autres instants. Sans avenir, sois fidèle à toi-même et exprime-toi pleinement. Ne bouge pas.

– Shunryu Suzuki  

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lundi 15 décembre 2025

Remise en question

 Q : Quel conseil donneriez-vous aux personnes qui sont malheureuses, misérables ?


Byron Katie : Oh la la... Qu'il se pourrait que vous croyez quelque chose que vous ne croyez pas. Qu'il se pourrait que vous essayez très très fort de croire ce que vous ne croyez pas. Remettez en question ce que vous essayez de croire et fichez-vous la paix. Libérez-vous de ces croyances et ouvrez-vous à la vie. Pour moi, la vie est synonyme d'amour et de légèreté, de Dieu, de nature et de beauté.

Quiconque est déprimé est simplement en train de croire ses pensées stressantes. Et qui est responsable de me réveiller si je suis déprimée ? C'est moi. Tout le reste n'est que bien-être, mais le mental va le dominer aussi longtemps qu'il croit ce qu'il pense. Il va ignorer tout ce qui peut arriver de bon, car le rôle du mental est d'avoir raison. Tant qu'il n'est pas sorti du déni, il essaie de prouver qu'il a raison, mais il a tort. Et le moyen de savoir que le mental a tort, c'est que tu es déprimé. Ou tu es à fond dans tes addictions : elles te le feront savoir. 

Croire mes pensées est épuisant. Je n'abandonne pas les pensées stressantes, je les remets en question et elles me lâchent. 

Ce dont j'ai besoin, c'est ce que j'ai. C'est la réalité des choses dans l'instant.

~ Byron Katie 

La souffrance est nécessaire jusqu'à ce qu'elle ne soit plus nécessaire.

~ Eckhart Tolle 

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dimanche 14 décembre 2025

Elan de vie

 


« Au bout de tout, voici ce que j’ai saisi : la vraie vie n’est pas seulement ce qui a été donné comme existence ; elle est dans le désir même de vie, dans l’élan même vers la vie. Ce désir et cet élan étaient présents au premier jour de l’univers. Au niveau de chaque être cependant, ils sont fondés sur ce que son âme – par-delà les épreuves, les souffrances, les chagrins, les effrois, les blessures reçues ou infligées aux autres – aura préservé de sensations éprouvées, d’émotions vécues, d’inlassables aspirations à un au-delà de soi, de soifs et de faims aussi infinies que le besoin sans borne d’amour et de tendresse. »

—François Cheng —De l’âme

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samedi 13 décembre 2025

Le silence vivant.

 


Dans Seuils du silence, une chronique (Éditions les Grands Détroits, 2025), André Hirt évoque ses trois oncles alsaciens, enrôlés de force dans l’armée nazie, comme bien d’autres « malgré-nous », et revenus de la guerre avec tant d’horreur boueuse, glacée, dans le corps et dans l’âme, que seul le silence pouvait en dire quelque chose.

Pour celui qui vient après ce silence mais qui en procède, puisqu’il a été le paysage familier de son enfance, il n’est pas question de lui substituer un récit circonstancié, de s’introduire de force dans leur histoire. Comme l’écrivait Paul Celan, nul ne témoigne pour les témoins. Les mots engouffrés, le regard absenté, le retirement sont déjà, en soi, un témoignage. Le seul qui puisse dire quelque chose de la violence indicible qui a été vécue sans rémission possible.

À ceux qui vivront après ce silence, un devoir s’imposera : ne pas le trahir. André Hirt, à cette fin, n’écrit pas à la première personne mais recourt à la troisième, au « il », que la grammaire nomme le pronom de l’absence. Comme si parler du silence des trois frères, Georges, Paul et Adalbert, ne pouvait se faire que dans une forme d’absence à soi-même : « Il aura tout de même appris d’un savoir essentiel, mais ce n’est qu’un non-savoir que rien ni personne ne peut certifier, que même les témoins restent muets. Et que ce silence est leur parole. Elle demeure à jamais figée et inscrite sur leurs lèvres. »

Ce qu’il reste à celui qui vient après, c’est un mouvement qui ne se qualifiera ni d’amour ni de compassion mais qui a toutes les allures d’une nécessité intérieure, antérieure à toute science, à tout acte de foi, même : « Alors, lentement, en pensée, il s’assied en pleurs avec eux. »

Parce qu’il se situe en dehors de toute volonté démonstrative, et en dehors même de la foi ou de l’expression de la foi, ce livre d’André Hirt me renvoie profondément à ce en quoi je crois. Me tombent si souvent des mains les écrits qui débordent d’intention apologétique. Les dires saturés d’angélismes, exhibés comme des signes de reconnaissance, de complicité clanique.

Le Dieu d’Israël et de Jésus-Christ nous veut libres. S’il se cache, c’est pour que nous soyons son corps dans l’Histoire, que nous prenions notre responsabilité d’humains, que nous accomplissions sa promesse avec les moyens du bord. Ce Dieu-là n’a jamais demandé qu’on l’adore, qu’on le totémise, qu’on le fige dans le formol d’un formalisme exigu, vétilleux, de ces perfections qui à trop vouloir faire l’ange font imparablement la bête.

C’est là, dans le fil des jours, dans le cahot, l’impréparation et l’imprévisibilité du chemin cabossé, que les plus belles prières, les plus beaux actes de foi s’accomplissent, avec ou sans le nom de Dieu au cœur ou à la bouche. Peu importe, en un sens, puisque de toute façon, quoi qu’on veuille, quoi qu’on prétende faire, y compris se passer de lui, il est le commencement et la fin de tout.

Ce qui frappe à la lecture de la magnifique anthologie De la Bible au poème. De Marot à nos jours (Labor et Fides, 2025), composée par Philippe François, c’est la variété des voix et des chemins empruntés, les plus buissonniers n’étant pas les moins fervents. Les Écritures, le feu qui les traverse, l’amour qui cherche inlassablement à s’infuser, à s’inséminer en nous, par tous les moyens poétiques possibles, leur donnent une vitalité qui ne se borne pas à la dévotion et aux formes de piété recensées comme telles.

À partir du Psaume 89 (« Tu es une maison pour nous »), Frédéric Boyer, dans sa lumineuse préface, commente : « Ta Loi, tes Écritures sont une demeure. Une maison vécue et une maison désertée. Une maison parlée et hantée dans le silence vivant. » Les mots que nous disons ne deviennent parole que dans le rapport secret qu’ils nouent avec ce silence du Dieu qui les appelle.

Emmanuel Godo

Poète, il vient de publier Avec les grands livres. Actualité des classiques (Éditions de l’Observatoire).

source : La Vie

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vendredi 12 décembre 2025

Lumière

 

Décembre,

la nuit prend le pas sur le jour, l’obscurité sur la clarté.

Nous allumons des feux, des bougies pour illuminer nos longues soirées. Ce temps où l’obscur et le froid dominent nous incite à ralentir et à rentrer.

Nous pouvons entrer dans notre chambre la plus profonde et la plus cachée avec une attention non volontaire mais passionnée pour voir, sentir le soleil du cœur se lever. Le feu du cœur brûle d’un feu à la fois doux et intense, il peut varier du bleu au rouge jusqu’à la pure lumière blanche.

La lumière nous réconforte au sein de l’obscurité, même la plus noire, et du chaos.

Le recueillement auquel nous invite décembre est un temps propice pour retourner le regard vers la lumière interne. Lumière à l’origine de notre existence et de toutes les formes de vies dans l’univers – notre visage originel.

Célébrons ensemble la lumière qui gît au plus profond de nos cœurs « en qui clartés et ténèbres résident, c’est le Souverain même, nature innée de tous les êtres*. »

- Nathalie Delay

* Hymnes d’Abhinavagupta

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jeudi 11 décembre 2025

Sensibilité


Le désarroi dans lequel nous nous trouvons est en fait une aubaine : il témoigne de notre sensibilité. Ceux qui traversent la vie sans le moindre sentiment de détresse sont inconscients. La détresse induite par notre prise de conscience recèle un immense potentiel de transformation, un trésor d'énergie dans lequel nous pouvons puiser à pleines mains et que nous pouvons utiliser pour construire quelque chose de meilleur, ce que l'indifférence ne permet pas.

JIGME KHYENTSE RINPOCHE (b. 1964) - Transcrit par l'auteur d'après un conseil donné oralement.

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Mère et enfant devant le village et le monastère de Gangté, qui domine la belle vallée de Phobjika au Bhoutan. Décembre 2007 par Matthieu Ricard

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