" Sans doute l'avez-vous remarqué : notre attente - d'un amour, d'un printemps, d'un repos - est toujours comblée par surprise. comme si ce que nous espérions était toujours inespéré. Comme si la vraie formule d'attendre était celle-ci : ne rien prévoir - sinon l'imprévisible. Ne rien attendre sinon l'inattendu.
Ce savoir là me vient de loin. Ce savoir qui n'est pas un savoir, mais une confiance, un murmure, une chanson. Il me vient du seul maître que j'aie jamais eu : un arbre. Tous les arbres dans le soir frémissant. Ils m'instruisent par leur manière d'accueillir chaque instant comme une bonne fortune. L'amertume d'une pluie, la démence d'un soleil : tout leur est nourriture. Ils n'ont souci de rien et surtout pas d'un sens. Ils attendent d'une attente radieuse et tremblée. Infinie. Le monde entier repose sur eux. Le monde entier repose sur nous . Il dépend de nous qu'il s'éteigne, qu'il s'enflamme . Il dépend d'un grain de silence, d'une poussière d'or - de la ferveur de notre attente. Une arbre éblouissant de vert, un visage inondé de lumière.
Cela suffit bien pour chaque jour. c'est même beaucoup."
Christian Bobin - Éloge du rien
peinture: Cuno Amiet 1868-1961
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