jeudi 16 février 2023

Clé du silence.

 Paris à 7h du matin nous donne la clé de la métaphysique.


On peut faire du bruit mais on ne peut pas faire du silence. « Faire silence » consiste à éliminer tous les bruits et tous les sons. On ne surajoute pas le silence aux bruits, on supprime les bruits qui étaient surajoutés au silence. Seul le silence est réel, unique et permanent. Les bruits sont irréels, naissant, mourant, disparaissant. Par conséquent, sous le bruit, sous le vacarme, le silence est toujours là. Au comble du tintamarre, la réalité, c’est le silence. Et sous la multiplicité des éléments (les bouddhistes disent des dharmas) de « toutes choses créées », le vide est toujours là. Je peux mettre tout ce que je veux dans une pièce vide. Je ne peux pas ajouter du vide dans une pièce déjà remplie d’objets. Je peux seulement enlever ce qui l’encombre. Tous les objets sont périssables et appelés à disparaître tôt ou tard. Mais le vide demeure. Seul le vide est réel, unique et permanent. La réalité suprême est le silence et le vide. Les Parisiens habitués — ou mal habitués — au bruit de leur cité et aux embouteillages de ses rues s’émerveillent chaque année au mois d’août de découvrir une capitale déserte. Mais il suffit, à la saison où l’agitation de la ville bat son plein, de marcher ou de conduire un dimanche vers 7 heures du matin pour « réaliser » le silence et le vide de Paris. On peut à peine y croire. Eh bien, ce vide et ce silence sont là même quand nous ne les percevons plus, sont là le soir entre 5 heures et 7 heures, sont là, seules réalités immuables, sous la multiplicité des automobiles et des piétons et la succession des bruits. Et le Vide et le Silence éternels sont toujours en nous, ici et maintenant, dans le meilleur et dans le pire, sous le tumulte de nos chants d’amour et de nos cris de haine, de nos peurs et de nos pleurs, de nos rêves et de nos joies, de nos ambitions et de nos amertumes, de nos triomphes et de nos désarrois. Paris à 7 heures du matin nous donne la clé de la métaphysique.

Arnaud Desjardins, Les Chemins de la Sagesse

----------------

1 commentaire:

Suzanne a dit…

Merci pour ce texte d'Arnaud Desjardins qui nous rappelle que depuis toujours cet espace de silence, de vide, existe au fond de nous et qu'il est parfois difficile de le trouver, ou le retrouver, dans le vacarme de nos jours...
Bonne journée à tous