dimanche 27 mai 2018

Une pratique réaliste avec Arnaud Desjardins.


Je vous invite à lire ce qu’Arnaud a écrit dans son dernier ouvrage "La Paix toujours présente" – Voici quelques extraits du dernier chapitre: Pour une pratique réaliste.

« On l'a toujours dit, il existe différentes voies. Vous êtes engagés sur une voie qui ne vous demande pas, dès le départ, de vous consacrer uniquement à la recherche de l’Absolu. Vous aurez donc à développer une habileté par rapport à vous-même, tel que vous êtes situés aujourd’hui […].

Ne soyez pas tantôt orientés vers Dieu seulement, l’amour infini, l’Au-Delà, l’Eternel, puis complètement engloutis dans vos activités. Il faut mener les deux ensemble : votre ambition – un accomplissement professionnel ou amoureux – et votre pratique spirituelle. 
C’est toute votre existence très concrète qui devient le point de votre progression sur la Voie, de votre traversée vers « l’autre rive ». Ne soyez pas divisés entre un idéal irréaliste, donc mensonger pour vous aujourd’hui, et votre vérité actuelle. Autrement dit, lorsque vous voulez quelque chose, agissez mais en évitant de faire du mal à d’autres. Et si vous faites du mal à d’autres, ayez le courage de le voir. La vérité, rien que la vérité […] 

Il vous incombe de tout voir honnêtement, lucidement. Votre vérité d’aujourd’hui est votre plus grande motivation pour progresser (Aucun déni sous quelque forme que ce soit). Vous menez les deux fronts : l’existence dite ordinaire et la recherche du Royaume intérieur. C’est ce monde de l’éphémère qui devient le point d’appui de votre progression vers l’Eternel. Si vous n’arrivez pas à cette réconciliation, votre démarche est sans issue […] 

Vous vous exercez à transformer votre relation avec les autres – et avec vous-mêmes. Mais avez-vous vraiment l’intention d’être à l’écoute des autres ou est-ce qu’en fin de compte vous n’en avez pas réellement envie et vous préférez demeurer enfermés dans vos pensées ?
Être à l’écoute des autres fait partie de l’ouverture du cœur et de l’intellect: inclure, comprendre…la non-séparation […] 

L’ego se dissout en accueillant et en s’élargissant. Si vous voulez vraiment être en « non-dualité » avec l’autre ici et maintenant – ce qui vous permettra de vous libérer de vos propres limitations et de progresser sur la voie – exercez-vous comme s’il n’y avait pas d’empêchement […] 
Suivez le thème « être à l’écoute de l’autre » dans votre vision d’ensemble du chemin. Évidemment, lui ou elle se sentirait heureux ou heureuse de se sentir accueilli(e) avec attention et amour. Mais vous le faites aussi pour vous. Tout ce que vous faites pour l’autre, vous le faites pour vous – pas dans le sens de le faire pour l’ego mais pour transcender l’ego. Vous ne pouvez pas être à l’écoute de l’autre si vous êtes trop préoccupés par vos propres difficultés […] 

Toute la Voie vous conduit vers l’autonomie et la non dépendance. En trouvant au cœur de vous-mêmes la plénitude, la joie et la paix, vous devenez de plus en plus libres de l’asservissement aux désirs et aux peurs. Mais je sais combien ce détachement absolu peut paraître à l’ego plus inhumain que supra-humain. N’en rejetez ni l’idée ni la possibilité – ni surtout, une approche progressive. Il ne s’agit pas de renoncement ou de sacrifice mais de dépassement […] 

Mais je dois quand même vous dire que « quelque chose » - et quelque chose qui n’est pas anodin - continuera à « vous » concerner même si le « moi » s’est dissipé: la souffrance des autres. 
Que contribuer à diminuer le malheur autour de vous devienne une aspiration pour votre victoire personnelle sur votre propre souffrance. Ne soyez pas impatients. Soyez fidèles à vous-mêmes jour après jour, étape après étape. Regardez très loin à l’horizon vers quoi vous allez et regardez de très près où vous posez les pieds pas après pas. » 

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samedi 26 mai 2018

Pose. La petite châtelaine


L'été, un long convoi de silences traverse le ciel, un train de marchandises aux portes bleu délavé. Des étincelles de cigales jaillissent de ses roues. Il ne freine qu'à l'automne, dans un crissement pourpre. Tu as disparu un mois d'août. Tu es montée dans un de ces wagons. J'ignore où tu es descendue. Je fraie mon chemin dans le bleu avec des mouvements d'épaules. La joie est la terrible tenue de rigueur. Une rumeur, très loin : la forêt se trouve sous un couloir aérien. L'avion fait le bruit étouffé d'un fer à repasser sur un drap bleu. Une photo où tu portes une veste de cuir. C'est plus fort que toi : la méchanceté du cuir fond sur tes épaules, ta bonté éclate comme une neige au soleil.
Ton front nu est semblable à celui de La Petite Châtelaine « aux cheveux tout à jour » : le soleil s'y fracasse en anges. Camille Claudel sur les photographies est frappée d'absence. Ses yeux sont des marais dormants. La Petite Châtelaine, au dernier coup porté dans le marbre, est montée au paradis. Elle ne pesait pas un gramme. J'ai besoin d'une seconde pour voir, après c'est fini. Le petit menton qui tremble à l'idée de trembler. Ce courage ramassé dans la bouche. Ce relief des os sous les joues : c'est la famine de l'amour. Ces yeux, revenus de quel monde que notre monde ignore ? On ne sait s'ils vous pillent ou s'ils vous enrichissent. J'ai volé la châtelaine. Je l'ai prise dans les bras de mes années vécues et je suis parti en courant.
Les gardiens du musée ne m'ont pas attrapé, ni les diables policiers. Elle est en moi, la gamine, avec le marbre souple de ses cheveux. Le petit menton de Dieu qui tremble. Le front d'où les anges se jettent comme d'une falaise. Une poupée. Une grosse poupée pour consoler de l'inconsolable. Si ce buste n'a rien de spectaculaire, c'est parce qu'il dit les racines de la douleur et que les racines sont invisibles pour les distraits. La tragédie remonte du fond de la terre. La forêt cogne aux fenêtres. La main délicate du vent sur les chardons fait honte à la main des mères. La petite fille s'appelait Marguerite. Elle avait 6 ans quand Camille l'a sculptée.
La vie nous fait asseoir pour une pose qui dure des années. À la mort nous nous levons et sortons de l'atelier. Notre visage reste gravé dans quelques cœurs - tirage limité. Toute écriture, même la plus désespérée, est un acte de foi dans la vie. Les yeux griffés de ronces, monter. Cœur arraché, monter encore. Résumé des derniers chapitres : je suis vivant, tu l'es aussi comme les rois et les reines qui dorment dans les palais que nous allons machinalement fleurir à la Toussaint. Il n'y a pas de mort, il n'y a que le passage au chapitre suivant, mais nos yeux ne savent pas le lire. 
Christian Bobin  
(source : Le monde des religions)
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vendredi 25 mai 2018

Chemin initiatique...




Chacun doit s’initier soi-même. 
Les systèmes et les écoles peuvent indiquer les méthodes et les voies, mais aucun système, aucune école ne peut faire pour l’homme le travail qu’il doit faire lui-même. 
Une croissance intérieure, un changement d’être, dépendent entièrement d'un travail qu’il faut faire sur soi. 

 
Georges Ivanovitch Gurdjieff


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jeudi 24 mai 2018

Pourquoi la naisance, pourquoi la mort ?

A la cérémonie du crématorium, on m'a demandé de lire un texte que je vous partage.


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mercredi 23 mai 2018

A la pointe du chemin


« J'ai accompagné jusqu'au bout amer ma propre solitude, mon propre abandon. Il est bon et juste d'accompagner jusqu'au bout tout ce qu'on ressent, d'aller au plus aigu de la pointe. Pour être délivré de quelque chose, surtout le rejoindre de si près, de si près qu'on sente le souffle du dragon dans la nuque ! Oui seulement si je suis capable d'accompagner ma misère, de l'admettre, de la reconnaître, elle prendra fin; mais si je tente de surmonter, de succomber à l'héroïsme ou à la seule indignation « c'est horrible », alors tout se durcit et se prolonge. En prenant dans notre responsabilité ce que nous vivons, ce que nous faisons, ce que nous disons, nous avançons sur un chemin de paix. »
 
Christiane Singer

 Derniers fragments d'un long voyage  



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mardi 22 mai 2018

Etre arbre





"Etre arbre. 
Un arbre ailé. Dénuder ses racines
Dans la terre puissante et les livrer au sol
Et quand, autour de nous, tout sera bien plus vaste,
Ouvrir en grand nos ailes et nous mettre à voler."

P. Neruda

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lundi 21 mai 2018

Ekhi et l'étoile...


Ma fille avait pour objet, durant cette année, dans son école de communication visuelle, de réaliser un court métrage d'une minute. Il a été sélectionné parmi les 5 premiers. Je vous laisse le temps et l'espace d'y goûter. 
(en mode "plein écran" c'est encore mieux)




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dimanche 20 mai 2018

Regarder de l'autre côté avec Joshin Luce Bachoux


« J'ai tant de colère en moi... », me dit-il d'une voix étranglée, cet ami assis là dans ma cuisine, poings serrés posés sur la table, front plissé, regard tourné vers l'intérieur comme s'il ne voyait plus que cette colère et pas la tasse de thé que j'ai posée devant lui, ni le bouquet de tulipes multicolores... Il ne vit que dans la colère, sa colère : « Je cherche, poursuit-il, je réfléchis, d'où vient cette colère, et comment je pourrais la faire disparaître... Je pense que cela va me rendre malade, une si grande colère. »
Par la fenêtre, j'aperçois les cadeaux du printemps : les arbres aux minuscules petits bouts de feuilles vertes encore froissées et le cerisier, blanc et majestueux qui domine la cour. Que répondre ?
Le Bouddha parle de la colère comme d'un poison, qui se répand dans notre esprit et étouffe tous les autres sentiments ; qui nous rend aveugle et sourd à tous ceux qui nous entourent. Un feu qui brûle faisant terre rase de tous nos sentiments. La colère est certainement un sentiment partagé, tôt ou tard, plus ou moins, par nous tous. La colère instantanée provoquée par l'impatience, par le mot de trop, mais, plus grave, la colère rentrée, la colère sans cause, juste que non, ça ne devrait pas être comme ça, ça n'aurait pas dû se passer de cette façon... Quoi donc ? On ne sait pas exactement, c'est flou, vague et pourtant cela étouffe et empêche de respirer.
Faut-il creuser son passé, répertorier les injustices subies, revenir sur nos ratages, nos rancunes ? « Je ne peux pas vivre dans cette colère, et pourtant je garde les yeux fixés dessus, je la remâche, j'y passe mes jours et souvent mes nuits. » Il semble enfermé, se cognant aux murs qu'il a lui-même construits.
Que faire de cette colère ? J'ai envie de proposer un autre point de vue, totalement différent. Celui de n'y plus penser, de regarder ailleurs que vers ce feu qui nous détruit. Se détourner de ce qui risque de devenir fascination dangereuse, comme les flammes lorsqu'on les regarde trop longtemps et que l'on s'y perd. Comment ne plus penser à quelque chose ? En pensant à autre chose à la place ! On pourrait commencer par regarder autour, regarder le monde : chercher une étincelle de beauté, où que l'on soit, un reflet de lumière, un instant de joie sur le visage d'une autre personne, un éclat dans les yeux, ou un beau caillou, parfaitement rond, veiné de brun et de blanc. 
On pourrait continuer par respirer et laisser ses épaules revenir sous les oreilles, peut-être avec une amorce de soupir de se voir si recroquevillé. On pourrait regarder - vraiment regarder - la personne qui est en face de nous. Et l'écouter, l'interroger. Et aussi la personne de la pièce d'à côté, de l'immeuble d'en face, ou la dame qui fait la queue derrière nous à la poste. On pourrait sourire, même un peu crispé. En fait, on pourrait faire plein de choses sauf rester là à contempler sa colère. Cela ne la fera pas partir ? Eh bien, pourquoi pas, qu'elle ait un coin en nous tant qu'elle laisse de la place au reste, tout le reste, le monde, le rire, les autres, le soleil... Faire complètement l'expérience de la vie, et alors, peut-être, devenir assez vaste pour avoir aussi de la colère en nous ; lui offrir une chaise près du poêle, et surtout arrêter de la combattre. Rien ne la nourrit plus, il me semble, que notre attention, notre colère après notre colère !
Oui, le monde est imparfait, il est juste de le voir, mais regardons aussi ce petit bout de soleil qui nous donne forme et lumière...

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samedi 19 mai 2018

Paroles d'arbres...

ARBRES
À Georges Ribermont-Dessaignes
En argot les hommes appellent les oreilles des feuilles
c’est dire comme ils sentent que les arbres connaissent la musique
mais la langue verte des arbres est un argot bien plus ancien
Qui peut savoir ce qu’ils disent lorsqu’ils parlent des humains
Les arbres parlent arbre
comme les enfants parlent enfant
 
Quand un enfant de femme et d’homme
adresse la parole à un arbre
l’arbre répond
l’enfant entend
Plus tard l’enfant
parle arboriculture
avec ses maîtres et ses parents
Il n’entend plus la voix des arbres
il n’entend plus leur chanson dans le vent
Pourtant parfois une petite fille
pousse un cri de détresse
dans un square de ciment armé
d’herbe morne et de terre souillée
      Est-ce... oh... est-ce
la tristesse d’être abandonnée
qui me fait crier au secours
ou la crainte que vous m’oubliiez
arbres de ma jeunesse
ma jeunesse pour de vrai
Dans l’oasis du souvenir
une source vient de jaillir
est-ce pour me faire pleurer
J’étais si heureuse dans la foule
la foule verte de la forêt
avec la crainte de me perdre
et la crainte de me retrouver
N’oubliez pas votre petite amie
arbres de ma forêt.

Jacques Prévert,
Histoires
(1968).

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vendredi 18 mai 2018

"nous avons tous à revoir notre définition de la paix"

Mercredi 16 mai a été célébré la première journée internationale du vivre-ensemble en paix, une journée décrétée par l’ONU à l’initiative de la confrérie soufi Alawiyya

A l’approche du Ramadan, c’est également l’occasion d’évoquer la foi des musulmans et leur place dans la société française. Une place qu’occupe également le soufisme. "Le soufisme est une école ésotérique, qui enseigne l’intériorité. Comment vivre la religion en harmonie par la pratique extérieurement, mais aussi par une quête spirituelle à l’intérieur. Le soufi, c’est celui qui cherche le sens" explique le cheikh Khaled Bentounès, responsable spirituel de la confrérie soufi Alawiyya.

(interview par RCF :14 min.)

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Poésie avec Francine Carrillo


Trop rares, à mes yeux, sont les poètes qui font entendre une parole authentiquement spirituelle. Francine Carrillo, théologienne et poète protestante reconnue, est de ceux-là.

Dans le recueil "L'Imprononçable", le lecteur peut ressentir à la fois l'amour du texte hébraïque et de son caractère intraduisible, pour cette raison toujours fascinant. Quant aux vers de Francine Carrillo, ils sont réduits à la plus simple expression possible : un ou deux mots, pas plus. Rien qui puisse troubler l'eau limpide et profonde du silence intérieur d'où surgissent les poèmes. C'est un espace lointain, situé sous la surface, "en dessous des maux" et des "mots", qui laisse ici résonner les traces impalpables d'une Présence paradoxale, dans une simplicité déconcertante, à l'écoute de l'essentielle Lumière.





Sabine Dewulf










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mercredi 16 mai 2018

Lumière de l'attention... avec Simone Weil

« RÉFLEXIONS SUR LE BON USAGE DES ETUDES SCOLAIRES »
 
Texte de Simone Weil (1909 – 1943) Philosophe, Humaniste, Ecrivaine et Militante politique, (à ne pas confondre avec Simone Veil (1927 – 2017), ancienne déportée et ministre de la santé), 
Communiqué prononcé lors des Rencontres Nationales en 1942.

Tous les exercices qui font vraiment appel au pouvoir d’attention sont intéressants au même titre et presque également. (…/…)
N’avoir ni don ni goût naturel pour la géométrie par exemple, n’empêche pas la recherche d’un problème ou l’étude d’une démonstration de développer l’attention. C’est presque le contraire. C’est presque une circonstance favorable.
Même, il importe peu qu’on réussisse à trouver la solution ou à saisir la démonstration, quoiqu’il faille vraiment s’efforcer d’y réussir. Jamais, en aucun cas, aucun effort d’attention véritable n’est perdu. Toujours, il est pleinement efficace spirituellement, et par suite aussi, par surcroît, sur le plan inférieur de l’intelligence, car toute lumière spirituelle éclaire l’intelligence.
Si on cherche avec une véritable attention la solution d’un problème de géométrie, et si, au bout d’une heure, on n’est pas plus avancé qu’en commençant, on a néanmoins avancé, durant chaque minute de cette heure, dans une autre dimension plus mystérieuse. Sans qu’on le sente, sans qu’on le sache, cet effort en apparence stérile et sans fruit a mis plus de lumière dans l’âme. (…/…)
S’il y a vraiment désir, si l’objet du désir est vraiment la lumière, le désir de lumière produit la lumière. Il y a vraiment désir quand il y a effort d’attention. C’est vraiment la lumière qui est désirée si tout autre mobile est absent. Quand même les efforts d’attention resteraient en apparence stériles pendant des années, un jour une lumière exactement proportionnelle à ces efforts inondera l’âme. Chaque effort ajoute un peu d’or à un trésor que rien au monde ne peut ravir.
(…/…)
Vingt minutes d’attention intense et sans fatigue valent infiniment mieux que trois heures de cette application aux sourcils froncés qui fait dire avec le sentiment du devoir accompli : « J’ai bien travaillé. » (…/…)
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