mercredi 10 mai 2017

mardi 9 mai 2017

Pour ce regard...

Voici comme promis précédemment un extrait du livre de Marie-Félicie Rousseau

Le regard de monsieur Saule est profond, direct. Regard de ces patients qui se savent très malades et qui s’interrogent sur notre capacité à soutenir ce regard ! Vais-je mentir, moi aussi ? Ou être capable de plonger mon regard dans le sien ? Je me laisse traverser et non pas transpercer : traverser par ce regard si intense d'homme qui ne peut plus tricher et qui le sait. Ce regard si profond qu’il rejoint la sagesse universelle. Je ne me souviens plus de quelle couleur sont ses iris, car la couleur n’est pour rien dans cette fascination d’une vraie Rencontre.

Il sait que je suis sincère et il me dit « qu’il va bien », alors qu’il est en phase terminale de sa maladie.

Je lui demande s’il se sent anxieux, angoissé, car sa fille a l’impression qu’il l’est :

« Non, plus maintenant. »

Je souris et lui aussi. C’est pour cet échange de regard que je fais ce métier. Pour ces trois mots résumant la longue route de monsieur Saule.

Il n’est pas le premier patient que je rencontre avec cette intensité, mais lui a parcouru du chemin, en y entraînant sa fille et l’équipe soignante. Les membres de l’équipe sont très admiratifs et surpris par la paix intérieure que son être exprime, car le début de l’hospitalisation avait été très difficile : il était suspicieux, exigeant, facilement en colère.

Monsieur Saule, en effet, fait partie de ces patients dont la famille ne voulait surtout pas que lui soit dit le diagnostic de sa maladie et sa gravité. Le médecin semblait suivre cette injonction et les soignants étaient très ennuyés par cette situation, car l’état du patient se détériorait un peu plus chaque jour. Il en parlait, mais sa fille, âgée d’une quarantaine d’années, s’arc-boutait :

« Ne t’inquiète pas, cela va aller mieux, il faut que tu te reposes, que tu manges bien et tu iras mieux. »

Je l'avais reçu en entretien dans le salon des familles, après avoir simplement salué une première fois le patient dans sa chambre. En effet, elle ne voulait pas que nous le rencontrions. J étais simplement venue la chercher dans la chambre.

Je lui ai demandé si elle ne pensait pas que son père était conscient de son état. Elle a esquivé la question pour répondre :

— S’il apprend qu’il a un cancer, il ne le supportera pas, il se laissera mourir...

— Qu’est-ce qui vous fait dire cela ?

— Parce qu’il n’a jamais supporté d’être malade, il n’est pas patient, il a toujours été un homme d’action, entreprenant. Alors, vous pensez, s’il apprend qu’il ne se lèvera plus !

— Il s’est levé au fauteuil ce matin, dis-je un brin provocateur...

— Mais ce n’est pas pareil !

— Je sais bien. Pourtant, même couché dans son lit, votre père me donne l’impression d’être toujours le chef de famille et le chef d’entreprise que, je crois, il était avant sa retraite ?

— Oui, c’est vrai, dit-elle songeuse.

— Vous croyez qu’un chef d’entreprise n’a pas le droit de savoir ce qui le concerne directement ?

— ...

— Alors, je vous propose de le rencontrer plus longuement que lors de la simple visite de ce matin, et de lui dire que nous avons regardé son dossier médical et rencontré les médecins qui s’occupent déjà de lui, mais que nous aimerions que ça soit lui qui nous raconte ce qui l’a amené à l’hôpital. Je peux vous assurer que nous sommes le plus souvent très surpris par tout ce que savent ces patients à qui l’on n'a soi-disant rien dit. Ils n’en parlent pas de leur propre initiative, surtout à leur famille, car de même que vous voulez le protéger, il veut aussi vous protéger de cette mauvaise nouvelle : il sent ses forces diminuer un peu plus chaque jour.

Elle me donna son accord du bout des lèvres sentant qu’elle n’avait pas trop le choix. Je lui proposai d’être présente dans la chambre pendant l’entretien, si son père était d’accord. Elle déclina la proposition.

Spontanément, il me raconte son histoire médicale avec force détails exacts alors qu’il était sensé ne rien savoir. Cet échange, associé à un ajustement de la prise en charge de ses douleurs persistantes, confirme l’instauration d’une relation de confiance, comme il en avait d’ailleurs avec tous les soignants qui n’avançaient pas masqués. Depuis, il a cheminé et réglé un certain nombre d’affaires, en particulier pour son entreprise.

J’y retourne, l’après-midi, pour un ultime entretien : il est en paix avec lui-même, avec sa vie, avec le monde, mais peut-être pas encore avec son entourage qui a tant de mal à le voir et à lui parler tel qu’il est : monsieur Saule, vivant ses derniers jours et sur le point de quitter son siège de chef de famille.

Informer le patient qui le demande, ne pas lui mentir... il ne s’agit pas d’un concept (ou pire, d’une règle de morale !) auquel il faudrait obéir aveuglément. Il s’agit de respect que l’on témoigne à la personne, à la volonté de le considérer comme un adulte responsable même s’il est malade, alité, et qui plus est, âgé. Mais il y a là aussi quelque chose de bien plus profond, de viscéral, de fondamental comme j’ai pu l’expérimenter dans ma propre histoire.


...


lundi 8 mai 2017

Acceptation...


Pourquoi ne sommes nous pas en paix ?
Car il y a toujours le 
OUI... MAIS...


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En marche... sur le chemin


"Et en vérité, il n'y a de départ qu'à cause du but. Nous ne nous mettons pas en route si nous ne sommes pas attirés. A aucun niveau de la réalité, en aucune manière, il ne peut y avoir de mouvement s'il n'y a pas une attraction préalable. Le vrai point de départ, ce qui fait qu'un jour nous nous mettons en route, c'est le but lui-même qui me fait envie, qui m'attire; alors je fais le premier pas en direction de ce but, je marche, j'avance, quelles que soient les difficultés du chemin, et je ne peux m'arrêter que quand j'ai rejoint ou atteint ce but. Dans le cas présent, il s'agit d'un but intérieur. 

Plus ce but est clair pour vous intellectuellement, plus il vous touche dans la profondeur de votre être, plus vous serez déterminés à aller dans cette direction et plus vous comprendrez peu à peu comment vous rapprocher de ce but, quels sont les obstacles sur le chemin et la manière de surmonter ces obstacles..."

Arnaud Desjardins
La Voie et ses pièges

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dimanche 7 mai 2017

Astrologie avec Jacqueline Kelen

Entretien avec Jacqueline Kelen, auteur d’une trentaine de livres consacrés aux grands mythes, aux figures mystiques et à la vie intérieure.

La Croix : Comment expliquer que toutes les cultures, à toutes les époques, se soient intéressées à l’astrologie ?

Jacqueline Kelen : C’est l’honneur de l’être humain d’étudier le ciel, d’essayer d’y décrypter des signes. Et on ne peut que s’émerveiller devant la curiosité et l’intelligence humaine qui ont permis, 3 000 ans av. J.-C. à Babylone, par l’observation des phases de la Lune, des éclipses et des mouvements planétaires, d’interpréter ces phénomènes. Car en Mésopotamie, tout ce qui bougeait dans le ciel était un message des dieux et, depuis leur ziggourat (tour d’observation), des astronomes-astrologues, considérés comme des hommes du sacré, devaient consigner précisément leurs observations.
Cette astronomie chaldéenne s’est répandue dans l’univers hellénistique puis gréco-romain et est devenue plus précise, avec l’établissement de lois et de cycles. Dans ce système, les planètes portent les noms des divinités du Panthéon (Vénus, Mars, Saturne…) et les douze signes du zodiaque, à dominante zoomorphique (Bélier, Scorpion, Poissons…), sont utilisés en fonction de leurs résonances psychologiques. Ce système symbolique s’est transmis en Occident jusqu’à aujourd’hui. Et il n’y a rien d’étonnant à retrouver des zodiaques sculptés sur les chapiteaux des basiliques romanes et des cathédrales gothiques.
Comment expliquer l’apparent paradoxe entre les mises en garde de l’Église à l’égard de l’astrologie et le fait qu’un grand nombre d’astrologues, jusqu’à la Renaissance, étaient des hommes d’Église ?
J. K. : C’est vrai que l’astrologie était à l’honneur à Rome sous les papes des XVe-XVIe siècles. Mais il s’agissait alors d’une astrologie d’érudits, sollicités pour d’importantes décisions militaires ou politiques, et qui n’avait rien à voir avec l’astrologie démocratisée d’aujourd’hui.
En fait, il y a toujours eu des controverses dans l’Église sur cette question. Ainsi vers 1492 à Florence, une disputatio eut lieu entre Marcile Ficin, médecin et astrologue, et son ami érudit, Jean Pic de la Mirandole. Tandis que le premier affirme l’influence des astres sur la destinée humaine, le second, au nom du libre arbitre, réfute toute idée d’influence. Dans sa Dispute contre l’astrologie divinatoire, Pic de la Mirandole dénonce « la croyance en cette sorte de vanité » (au sens de vain) et qualifie l’astrologie de « chose qui n’est pas absolument nécessaire à la vérité ».
En tant que chrétienne, comprenez-vous ces mises en garde de l’Église à l’égard de l’astrologie ?
J. K. : Il faut garder à l’esprit les trois temps dans lequel notre vie s’inscrit : le temps de la nature avec les cycles des saisons et constellations ; le temps historique des événements ; et l’outre-temps, messianique, qui se déploie sous le signe de l’espérance, de l’attente… Ce troisième temps, qui transcende les deux autres, est celui vers lequel tend tout pèlerin spirituel.
Il s’agit donc de savoir quelle est la finalité de l’astrologie : peut-elle aider à vivre, non seulement son existence terrestre, mais aussi sa destinée spirituelle ? Or bien souvent, l’astrologie, y compris la psycho-astrologie, est centrée sur l’ego, le moi envahissant, faisant oublier la vocation de tout homme à l’éternité.

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samedi 6 mai 2017

Rencontre... avec une présence



Rencontrez-vous dans tout ce que vous êtes.
Il n’y a rien qui ne mérite en vous cette rencontre,
que ce soit votre corps, vos pensées, vos émotions, vos réactions et perceptions, vos blessures les plus intimes et douloureuses.
Quand je parle de rencontre, c’est vraiment cette rencontre de coeur à coeur avec vous-même, tel que vous êtes.
Cette écoute silencieuse de votre intimité.

Cette attention et ce regard de plus en plus profondément tournés vers votre intériorité, vers vous-même.
De soi à soi.
Parce que c’est la seule façon de vous connaitre et de vous reconnaitre.
Et parce-que ce que vous êtes est si précieux !
La forme que prend la vie à travers vous en cet instant est ce dont vous avez absolument besoin pour permettre cette rencontre.
Alors, tout en vous mérite votre regard, votre écoute, votre attention délicate et renouvelée.
Même la peur mérite d’être rencontrée vraiment.
Dans tout ce que j’ai rencontré en moi, même ce qui me faisait le plus peur, qui me terrifiait parfois, même mes plus profondes blessures,
jamais je n’ai rencontré de monstre.
Dans cette rencontre,
je n’ai rencontré que mon humanité,
je n’ai trouvé que la vulnérabilité, l’ouverture, la douceur, la beauté, la nudité,
et même parfois la timidité de certaines émotions si habituées à être trop souvent rejetées.
Dans cette rencontre je n’ai rencontré qu’une immense tendresse,
qu’un amour infini et sans condition.
J’ai essayé parfois d’éviter certains aspects de moi, certaines peurs ou blessures trop douloureuses.
Mais par amour, elles sont revenues me chercher, inlassablement, jusqu’à ce que j’accepte inconditionnellement leur étreinte.
En rencontrant mes peurs, mes blessures,
je n’ai rencontré en moi que des enfants émerveillés et déjà libres.
En me rencontrant,
je n’ai rencontré que l’infinie possibilité de la vie,
et l’infinie disponibilité de la joie d’enfant d’être vivant
.

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vendredi 5 mai 2017

Etre de nature...



Il est curieux que nous ayons si peu de rapports avec la nature, avec les insectes, la grenouille bondissante, et le hibou qui hulule d’une colline à l’autre, appelant un compagnon. Il semble que nous n’éprouvions pas de sentiment à l’égard de tous les êtres vivants de la terre. Si nous pouvions établir une relation profonde et durable avec la nature, nous ne tuerions jamais d’animaux pour nous nourrir, nous ne ferions jamais de mal aux singes, aux chiens ou aux cochons d’Inde en pratiquant la vivisection dans notre seul intérêt. 

Nous trouverions d’autres moyens de soigner nos blessures et de guérir nos maladies. Mais la guérison de l’esprit est tout autre chose. Cette guérison s’opère peu à peu au contact de la nature, de l’orange sur sa branche, du brin d’herbe qui se fraie un passage dans le ciment, et des collines couvertes, cachées par les nuages. 

J. Krishnamurti

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jeudi 4 mai 2017

Méditation avec Jacques Castermane

Comment méditer ?_


Dans les années 1960, j’ai bien entendu cherché la réponse à cette question dans quelques rares ouvrages ayant pour thème le zen. Mais la vraie réponse à cette question, comment méditer, m’a été donnée dans le petit bureau de Graf Dürckheim lors de mon premier séjour en Forêt Noire en 1967. Non pas, comme dans les livres, à l’aide de paroles-idées, mais dans l’accomplissement de ce qu’un maître zen appelle la parole-événement : « Voilà, comme vous souffrez actuellement d’un sérieux problème au genou, asseyez-vous sur l’avant de la chaise ... le dos droit ... dans la tenue la plus juste qui soit pour un être humain, ni crispé ni avachi et, dans l’absolue immobilité du corps vivant, le corps que vous êtes (Leib), exercez la pleine attention (Achtzamkeit) au va-et-vient qu’est la respiration ».
Le Chemin est la technique ; la technique est le Chemin. Pas de discours, pas de théorie. Comment méditer ? En, pratiquant la méditation ! Cela n’a rien d’extraordinaire. L’enfant d’un an, qu’il soit né en Extrême-Orient ou en Occident, n’a pas besoin d’explications pour faire ses premiers pas ; l’enfant apprend à marcher ... en marchant.


Pourquoi méditer ?_


Lorsque j’ai demandé à Graf Dürckheim, « Pouvez vous me donner une bonne raison pour méditer chaque jour ? », il m’a répondu « Oui, parce que c’est l’heure ... ! »
Cette réponse est en totale opposition avec la multitude des raisons de pratiquer proposées dans les ouvrages qui présentent la méditation de pleine conscience (Mindfulness Meditation). Méditez afin de vaincre l’insomnie ! Méditez pour élargir vos capacités mentales ! Méditez pour assumer le stress dans votre entreprise.
Parmi ces buts, il en est un qui me laisse coi : « Le corps des Marines (USA) effectue des recherches afin de voir si la pratique de la méditation de pleine conscience peut améliorer les performances des troupes ! ».


« Méditer parce que c’est l’heure ! ». Cela signifie qu’il s’agit d’une pratique sans but, sans pré-méditation, sans conception à l’avance, sans prévisions, sans calcul de petits bénéfices souhaités par l’ego. Zazen est une pratique méditative qui ne s’appuie ni sur l’esprit d’acquisition ni sur l’esprit de performance.
Mais dans ce cas, à quoi bon méditer ? C’est en pratiquant sans but que, depuis une quarantaine d’années, je fais l’expérience que la méditation de pleine attention n’est pas sans effets.
Parmi ces effets il est une expérience décisive qui a changé ma manière d’être au monde. C’est le passage de l’idée illusoire « J’ai un corps » à l’expérience que « Je suis corps ».
Nous devrions nous permettre une bizarrerie grammaticale et écrire « JeSuisCorps » sans intervalles ; parce qu’il n’y a ni distance ni écart de temps entre ce que nous nommons « Je » ce que nous nommons « Suis » et ce que nous nommons « Corps ». Ces trois événements sont inséparables, comme « la chaleur est inséparable de l’eau chaude » (1)


Expérience décisive ? Oui !
Révélation expérimentale que le mental (mindful signifie avoir conscience “de” ou être conscient “de”) est le domaine de l’agitation, de l’inquiétude latente, du stress, de cet état d’être angoissé qui conduit au burn-out et à la dépression.
Révélation expérimentale que JeSuisCorps, le corps qui en ce moment inspire (et moi je n’y suis pour rien) est le domaine du calme intérieur, le domaine de la confiance inconditionnelle, le domaine de la paix intérieure.


Toute personne qui est attirée par le mot « méditation » doit savoir que, contrairement aux idées reçues, les mots attention et conscience ne sont pas équivalents...

Jacques Castermane

(1).Georges Brunon: "Le geste créateur et l'Aïkido", p. - éd. Savoir Etre


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mercredi 3 mai 2017

Mains ouvertes sur le chemin...

Pensée de la semaine

Quand nous pensons continuellement ‟moi ! moi ! moi !” et ne parlons que de nous-mêmes, nous réduisons considérablement la dimension du monde que nous voulons nôtre, et les événements qui se produisent dans la sphère étroite de cet égoïsme nous affectent profondément et troublent à coup sûr notre paix intérieure. La situation est très différente quand nous nous sentons en premier lieu concernés par les autres, quand nous pensons que ces derniers sont si nombreux que nos préoccupations personnelles, en comparaison, sont négligeables. Si, de plus, notre désir est de résoudre leur souffrance, celle-ci, loin de nous décourager, ne fait que renforcer notre courage et notre détermination, à l'inverse de l'apitoiement sur soi qui nous déprime et sape notre courage.
Enseignements oraux donnés à Schvenedingen en Allemagne, 1998.

FOURTEENTH DALAI LAMA, TENZIN GYATSO (b. 1936) 

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mardi 2 mai 2017

En attente de la pluie d'Amour...





Il y a partout, mélangées aux particules de l'air que nous respirons, des particules d'amour errant. 
Parfois elles se condensent et nous tombent en pluie sur la tête. Parfois non. 
C'est aussi peu dépendant de notre volonté qu'une averse de printemps. 
Tout ce qu'on peut faire, c'est de rester le moins souvent à l'abri. 

Christian Bobin

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dimanche 30 avril 2017

Emotions... en corps...



Patrice van Eersel : La pertinence de votre nouveau livre nous oblige à revenir à la base : au fond, c’est quoi, une émotion ?

Catherine Aimelet-Périssol : Bien avant d’être un phénomène psychique, c’est un mouvement naturel du corps, qui entre en résonance avec la situation où nous nous trouvons et y répond pour protéger la vie. Il s’agit d’un mouvement archaïque, inconscient, biologique. Ce n’est que dans un second temps que cela se déploie dans le psychique, pour donner l’émotivité. Mais ce serait une erreur de penser que tout part de cette dernière - elle n’est que la conséquence d’un geste interne de survie.

Patrice van Eersel : Vous dites qu’il y a quatre émotions naturelles de base...

Catherine Aimelet-Périssol : Oui, la peur, la colère, la tristesse et la joie. Chacune constitue une modalité particulière de ce mouvement interne, comme une gamme à quatre notes, quatre façons corporelles d’entrer en résonance avec la situation. A partir de ces quatre notes, notre psyché va fabriquer des mélodies, c’est-à-dire des histoires sur lesquelles notre langage va broder toutes sortes de scénarios. Pour le meilleur, mais aussi pour le pire, car nous pouvons nous enfermer dans ces scénarios et y croire comme s’ils étaient vrais. Nous voudrons alors les fuir, ou les refouler, oubliantqu’ils ont surgi d’un mouvement vital.

Patrice van Eersel Dès les premières pages, vous dites qu’on ne « gère » pas ses émotions. Pourtant, les nombreux conseils que vous donnez ne forment-ils pas une sorte de « super gestion » émotionnelle ?

Catherine Aimelet-Périssol : Non, dans la mesure où, derrière le mot gestion, il y a l’idée d’une maîtrise. Notre éducation nous a généralement appris à contrôler nos émotions, à les dompter et souvent à les faire taire. Notre approche est plus humble et plus naturelle. Il ne s’agit pas de chercher à contrôler ses émotions, mais d’abord à en prendre conscience, à les vivre, pour les comprendre et faire alliance avec elles. On ne « gère » pas ses peurs. Il faut inverser notre attitude à 180 degrés et réfléchir à la meilleure façon de répondre au désir de sécurité et liberté que nos peurs signalent.

Patrice van Eersel : Mais n’essaie-t-on pas forcément de « gérer » la peur d’un enfant qui voit des monstres sous son lit?

Catherine Aimelet-Périssol : Bon exemple. Ma benjamine avait de telles peurs. Son père essayait de la raisonner, rien n’y faisait. J’ai pris le chemin inverse. Partant de son besoin de sécurité, je lui ai demandé ce qu’elle pourrait faire pour se protéger. Elle a fini par dire qu’un bâton lui serait utile pour frapper les intrus. Nous en avons trouvé un. Cela l’a calmée. Elle m’a dit : « De toute façon, je pourrai t’appeler. » J’ai acquiescé et sa peur s’est évanouie. Nous étions passés de la peur au désir de vivre.




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samedi 29 avril 2017

Qui suis-je ?



Je ne suis pas ces cheveux, 

je ne suis pas cette peau, 

je suis l'âme qui vit à l'intérieur.


Rumi

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