Avant de « faire », se mettre à « l’écoute de l’infaisable »
!
Lorsque la personne occidentale décide de s'engager dans la
pratique du Yoga, du TaïchiChuan ou dans une discipline artistique, artisanale
ou martiale qui a ses racines au Japon, il s'attend à devoir "faire"
un exercice. D'où ma surprise lorsque j'entends le vieux sage de la Forêt Noire
me dire que sur la Voie qu'il propose, il ne s'agit pas tout de suite de
s'appliquer à "faire" quelque chose, un exercice inventé par l'homme.
Avant de faire, il importe tout d'abord de se mettre à
l'écoute afin de laisser advenir "l'infaisable".
Se mettre à l'écoute de l'infaisable ?
Il est important de distinguer deux forces. Il y a la force
qu'on développe et qu'on "fait" et l'autre qu'on ne peut absolument
pas faire. Ainsi, on ne peut pas faire battre son cœur, il y a là une force que
nous devons admettre. De même, Il est important pour la personne occidentale de
distinguer deux niveaux d'actions. Ainsi, je ne peux pas "faire"
cette action vitale qu'est la respiration, il y a là une action infaisable que
je me dois tout simplement d'admettre.
Ce qui n'est pas de l'ordre du "faire" et que nous
avons à laisser advenir, révèle ce qu'il y a d'universellement humain en
l'homme. C'est un premier pas important sur le chemin que de reconnaître cette
part de nous-mêmes qui nous dépasse.
Ceci dit, il faut se rendre compte que le caractère de la
réalité qui transcende ce que l’être humain peut faire, dépend de notre vision
du réel et pas d'une cause extérieure. D'où l'absolue nécessité lorsqu'on se
met en chemin de distinguer deux approches du réel.
Graf Dürckheim distingue ce qu'il appelle l'esprit
occidental et l'esprit oriental. L'esprit occidental PENSE le réel comme étant
un ensemble d'objets. L'esprit oriental VOIT le réel comme étant un ensemble de
processus.
Il voit là deux usages de ce qu'on appelle la conscience :
la conscience DE et la conscience SANS de. « Se mettre à l'écoute implique une
approche du réel autre que celle de notre conscience ordinaire : la conscience
DE. La mise à l'écoute implique l'usage de la conscience SANS de. C'est
vraiment important lorsqu'on va pratiquer un exercice. En effet, l'usage de la conscience
DE me conduit à -penser- que "j'ai un corps" ; l'usage de la
conscience SANS de me conduit à -voir- que" corps je suis" ».
Je ne comprends pas ! Le corps qu'on "a" // le
corps qu'on "est" ? La conscience DE // la conscience SANS de ?
Mieux que les mots par lesquels nous cherchons à comprendre,
une image peut bien souvent nous permettre de voir ... ce qui n'est pas à
comprendre.
Regardez ce cylindre !
La lumière qui le rend visible projette sa forme sur deux écrans différents ; ce qui nous amène à envisager qu'un cylindre est circulaire ou qu'il est rectangulaire.
L'image ci-dessus semble démontrer qu'un cylindre dispose
des mêmes propriétés qu'un rectangle ou qu'un cercle. Cette incompatibilité
résulte non pas de la chose en soi mais de notre manière de la conceptualiser,
de notre manière d'en être conscient.
En physique classique, des années durant, des scientifiques
ont affirmé que la lumière est un phénomène ondulatoire alors que d'autres
scientifiques affirmaient que la lumière est un phénomène corpusculaire.
Jusqu'au jour où en physique quantique, ces deux phénomènes
sont considérés comme coexistants. En fonction du contexte expérimental, un
électron peut donc se présenter soit sous forme de particule, soit sous forme
d'onde.
Mais enfin ! La lumière est-elle faite d'ondes ou de
particules ? Un maître Zen répondra : "Les deux ensemble!". Les deux
ensemble !
Cette exclamation est insupportable pour tout être humain
doué de raison. D'autant plus lorsqu'elle associe des oppositions qui nous
paraissent inéluctables : le corps (et) l'esprit ... la santé (et) la
maladie... le bien (et) le mal ... l'inspiration (et) l'expiration ... le calme
(et) l'agitation... la vie (et) la mort ...
Dès qu'il vous est possible de faire usage de la conscience
SANS de (déjà à notre disposition tout au long de la gestation) vous pouvez
maintenant "faire" zazen! C'est à dire faire... rien ! Si ce n'est
être à l'écoute (zen) de ce qui se présente lorsque vous êtes là assis
absolument immobile (za.)
Grâce à une pratique régulière et renouvelée de l'exercice,
l'expression "Les deux ensemble " est vue non seulement comme un
principe constitutif de notre existence mais comme étant la source de cet état
d'être qui manque cruellement à la personne occidentale : le CALME intérieur.
Le grand calme qui n'est pas le contraire de l'agitation (dualité) mais
l'absence de toute agitation (symptomatique de notre vraie nature).
Jacques Castermane
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