mercredi 16 octobre 2024

J'assume la souffrance

 .. Après la mort de leurs filles Thaïs et Azylis, respectivement décédées en 2007 à 3 ans et en 2017 à 10 ans d’une maladie orpheline incurable, Loïc et Anne-Dauphine ont été confrontés au suicide de leur aîné, Gaspard, le 21 janvier 2022, la veille de ses 20 ans. Elle a alors repris la plume. Pour dire la souffrance, l’absence, pour leur benjamin qui a 15 ans aujourd’hui, pour les vivants. Des pages poignantes, où elle ne cache rien de la douleur abyssale, des sanglots, de la lutte pour continuer à vivre.

Cette nouvelle chroniqueuse à La Vie commande un Coca Zero avec du citron et picore, curieuse, le pop-corn au paprika. Aucune amertume ne se lit sur son visage paisible, ni dans ses yeux noisette. Simple et naturelle, elle répond avec vivacité, cherche le mot juste, laisse s’échapper une larme. Tantôt pétillante, tantôt grave, familière de ces deux registres avec lesquels elle a appris à jongler. Lorsqu’elle quitte le lieu, le soir tombe, comme la pluie. Elle relève la capuche de son imper sur sa tête. Danser sous la pluie… Une belle métaphore de sa vie.


« À votre place, je ne pourrais pas… », entendez-vous souvent. Vous non plus, vous ne pensiez pas pouvoir supporter perdre trois enfants ?

Évidemment non ! Face à cette épreuve vertigineuse, le sentiment de souffrance intense peut faire perdre confiance en soi, dans les autres, dans la vie, et sombrer dans le désespoir. Or on est beaucoup plus capable qu’on ne l’imagine. Il ne s’agit pas de s’appuyer sur les superpouvoirs que l’on aurait. « Dieu n’appelle pas les capables, il rend capables ceux qu’il appelle. » Personne n’est capable de vivre l’épreuve dans sa globalité et pour toujours, ça non. Mais j’ai découvert que j’étais capable de vivre ma peine maintenant, dans l’instant présent. Seul l’instant est à notre portée humaine…

Lors des funérailles de Gaspard, votre mari et vous avez prié ses amis de ne pas se dire qu’ils auraient pu changer quelque chose. Où avez-vous puisé ce courage de les consoler quand vous-mêmes étiez effondrés ?

Je savais d’expérience combien il est épouvantable d’enterrer son enfant, mais j’avais aussi éprouvé le soutien d’avoir été entourée, de vivre cela ensemble. Nous n’avions pas pris la parole pour Thaïs et Azylis. Là, nous avons voulu faire ce mot d’accueil non pas pour Gaspard, mais pour ses amis qui avaient 20 ans comme lui. Ils risquaient de culpabiliser et nous ne voulions pas qu’ils portent ce poids toute leur vie. Chez nous, on veille les morts. Le corps de Gaspard a été remmené à la maison. On a invité la famille, les amis, et réservé un créneau pour les jeunes. Ils sont arrivés ensemble, par grappes. Ils étaient sidérés, paumés, fracassés.

Personne n’avait rien vu venir car Gaspard se confiait peu sur son mal-être. Il luttait contre une dépression depuis un an. C’est lui qui a voulu être hospitalisé car ses pulsions suicidaires devenaient trop fortes. Il est entré le mardi et s’est donné la mort dans la nuit du jeudi au vendredi, à 3 heures du matin. Je l’avais trouvé courageux de choisir cette hospitalisation car elle l’empêcherait de fêter son anniversaire avec ses amis. Il m’a répondu : « Oui, mais je veux vivre. » Il se savait aimé et il aimait, il avait des projets. Nous avons voulu ce mot d’accueil pour leur donner ces petites clés de compréhension et leur ôter toute culpabilité.

Qu’avez-vous dit à Dieu ?

J’ai un peu crié, je l’ai beaucoup secoué. Je lui ai demandé où il était quand Gaspard est mort. J’ai eu le sentiment qu’il m’a répondu : « J’étais là. » « Alors pourquoi ne l’as-tu pas sauvé ? » — « Je l’ai sauvé parce que j’étais sur la Croix. Il est dans mon plein amour. » Cette certitude ne m’a pas empêchée de pleurer, mais elle m’a permis de pleurer plus en paix.

Comment n’avez-vous pas été engloutie par cette impression de « mourir sans cesse », comme vous l’écrivez, depuis l’annonce de sa mort ?

À la fin de la messe de funérailles de Gaspard, une femme rencontrée lors d’une de mes conférences sur la consolation, dont la fille de 20 ans venait de se suicider, m’a glissé : « On peut y survivre. » Elle avait traversé la moitié de la France pour me le dire. C’était précisément ce qui me taraudait : « Est-ce que je peux survivre à autant de peine ? » J’ai découvert plus tard qu’on pouvait même « vivre », ce que je n’aurais pas pu entendre le jour de l’enterrement, dans le fracas intérieur qui était le mien. Le deuil est pour toujours et à jamais ; la souffrance éternelle à l’échelle de la vie humaine. Mais avec le temps, la douleur n’est pas aussi forte, aussi fréquente, il y a des moments de répit, de joie aussi.


Vous semblez vous être donnée des autorisations : le droit de pleurer, de ne pas aller bien, d’annuler un rendez-vous…

L’épreuve précipite un retour à la simplicité. Je crois que la sagesse consiste à accueillir en soi la simplicité de l’enfant. Lorsqu’il a envie de pleurer, il ne se pose pas la question de savoir si c’est le bon moment, le bon lieu, comment ce sera perçu par son entourage : il pleure, avec la confiance d’être consolé. J’ai retrouvé cette simplicité d’exprimer une émotion, de la partager.

Le handicap, la maladie, la mort causent beaucoup de tensions dans le couple. Comment le vôtre a-t-il résisté à tant d’épreuves ?

C’est l’histoire de la vie de couple en général, mais il est vrai que la douleur exacerbe tout, elle crée des failles, des fragilités. Tant qu’on est submergé, dans le marasme, le cœur béant, c’est difficile. Quand on souffre, on est autocentré — ce n’est pas un reproche, c’est une remarque. On ne souffre pas en même temps, au même moment, ni des mêmes choses. Parfois on se rejoint dans une souffrance commune, parfois celle de l’autre réveille la nôtre… Cela demande beaucoup de délicatesse et de courage ! C’est plus facile quand le désarroi s’apaise. Dans le deuil, nos tempéraments restent à l’identique. Je dirais même que ce que l’on est profondément ressurgit, à mesure que la souffrance creuse en nous à l’acide. Il jaillit une forme d’authenticité. On s’aime encore plus fort et encore mieux. Nous sommes très attentifs l’un à l’autre, ce qui ne nous empêche pas de nous engueuler ni de nous énerver (elle sourit).

Il faut du temps pour ne plus être à vif ?

Le temps du deuil est difficile à intégrer dans une société où tout va très vite. Il y a une injonction à « tourner la page » au bout de trois ou six mois. À l’exception de quelques dîners avec des proches, nous avons mis presque deux ans à sortir de nouveau après la mort de Gaspard. Avant, c’était trop tôt… Nous débordions tellement de notre peine qu’on ne savait pas contenir. J’ai porté le deuil. Plus jeune, je considérais qu’il s’agissait d’une convention exaspérante dont on faisait bien de s’émanciper. J’en ai découvert, déjà avec Azylis, toute la sagesse. J’aime beaucoup les couleurs, mais porter de l’orange, du violet ou du jaune fluo, me donnait l’impression d’une dissonance. Pour moi, ce fut une manière d’être plus ajustée, comme une harmonie intérieure. Il me signifiait « Je peux prendre le temps de la peine, le temps de prendre soin de nous. »

Et puis, un jour, Arthur qui avait toujours vu sa mère habillée façon Arlequin m’a dit que les couleurs parlent de bonheur. J’ai quitté le noir pour lui, et parce que j’en étais redevenue capable. Grâce à lui, je me suis demandé : « Je vis pour qui ? » J’ai pris conscience du risque de m’enfermer dans la tombe de mes enfants. Or l’instant T, c’est le vivant. Sur le fond d’écran de mon téléphone, il n’y a pas une photo de mes enfants décédés, mais celle d’Arthur.

Votre benjamin a désormais 15 ans. N’êtes-vous pas tentée de le surprotéger ?

Si, bien sûr, je suis très tentée de le mettre sous cloche ! C’est vraiment, vraiment dur. J’ai tout le temps peur qu’il meure, alors que je n’étais pas une mère inquiète par nature. S’il rentre plus tard que prévu, je me dis aussitôt : « Il est mort. » C’est de l’ordre du traumatisme. Je dois lutter pour gagner ce combat de la confiance, le laisser prendre son envol. Je crois beaucoup à la force de notre consentement. À travers toutes ses étapes et toutes ses épreuves, la vie se révèle à nous. Qu’est-ce qu’on en fait ? Consentir permet de retrouver une paix intérieure.

Un deuil pompe énormément d’énergie. Vous décrivez cette bataille pour affronter l’ordinaire, se lever le matin…

Chacun fait comme il peut. Au début, on s’accroche à ce qu’on peut, qui peut sembler dérisoire, déplacé. C’est de l’ordre de l’instinct, de la survie. Laissons-nous vivre cela ! On culpabilise beaucoup ceux qui sont en deuil. Après la mort de Gaspard, par exemple, j’ai pris des somnifères parce que je n’arrivais plus à dormir. Une amie s’est inquiétée pour moi : « Tu n’as pas peur de devenir dépendante ? » L’urgence pour moi, c’était de sortir de mes insomnies. Ce que l’on fait résonne avec ce que l’on est à ce moment-là. Mieux vaut accueillir le choix de la personne endeuillée, la laisser emprunter ce chemin, et l’accompagner pas à pas.

Que conseillez-vous à l’entourage démuni, embarrassé, qui ne sait comment réagir ?

Osez ! Ne faites pas comme si de rien n’était, ne dites pas qu’à sa place vous ne pourriez pas, puisque justement vous n’êtes pas à sa place. Allez-y le cœur ouvert, avec délicatesse, avec les mots qui vous viennent . N’imaginez pas que vous allez chasser la peine de la personne affligée, vous n’êtes pas des magiciens. Mais vous pouvez apporter une présence, une écoute. Le seul fait de pouvoir exprimer la souffrance l’allège et donne de la paix. Vous remettez ainsi de l’humanité au cœur de la relation.

« On perd ceux qui meurent une fois en entier, puis on les perd sans cesse en détail », confiez-vous. Ce sont ces détails, qui rappellent la cruelle réalité de l’absence, les plus douloureux ?

Les dates anniversaires, finalement, ne sont pas les plus dures à vivre car on les anticipe, on crée un contexte… L’année dernière, nous sommes partis tous les trois nous balader dans une jolie région. La réalité est toujours plus facile à vivre que nos projections. Le plus dur, c’est ce qui surgit soudain, de manière imprévisible. Un souvenir, un regret, la pensée que lui ne se mariera jamais, qu’il n’aura pas d’enfants, une silhouette qui lui ressemble… Et je sais que ça, ça dure toute la vie. Dans ce livre, j’assume la souffrance, sans détour. Je pensais avoir déjà connu le summum de la détresse ; j’ai découvert qu’elle pouvait être incommensurablement plus grande encore. Je n’ai pas essayé de la raisonner, je l’ai laissée résonner. On croit qu’« ajouter de la vie au jour » consiste à introduire de la fantaisie, du festif. Il s’agit plutôt d’ajouter de la réalité, dans toute sa vérité, avec son lot d’épreuves. Alors seulement, la vie se pare d’éternité, car elle nous dépasse.

Source : La Vie

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mardi 15 octobre 2024

La pratique de la Voie dans le quotidien ?

 "Lorsque vous pratiquez zazen, le corps prend la forme du calme" (Hirano Rôshi)

Il ne s'agit pas d'un dogme. A chacun de vérifier si c'est vrai. Comment ? Je ne vois qu'un seul moyen : en pratiquant fidèlement zazen.

Une pratique qui a été décrite dans des Lettres d'Instant en Instant antérieures. S'il vous arrive, au cours de cet exercice que l'on fait à un moment de la journée en étant à l'écart des obligations quotidiennes, s'il vous arrive de vous sentir habité par ce calme qui n'est pas le contraire de l'agitation mais l'absence d'agitation, une question s'impose : ce calme intérieur peut-il déborder dans ma vie de tous les jours ?

Ce n'est que dans la mesure où cette manière d'être qui révèle que je suis en contact avec ma vraie nature imprègne ma manière d'être au monde que l'exercice a un sens.

Si le maître Zen est là pour nous apprendre comment pratiquer zazen, il est également là pour attirer notre attention sur le comportement correct à adopter dans tous les moments de notre vie quotidienne, ce qui est désigné par l'expression japonaise Shiigi que l'on peut entendre comme étant les quatre attitude dignes : en marchant (gyô), debout (jû), assis (za), allongé (ga).1

En 1960, dans son livre Der Altag als Ubung (Le quotidien comme exercice),2 Graf Dürckheim souligne l'importance de notre manière d'être en tant que corps vivant (Leib). : "Tout ce que nous entreprenons dans le monde, nous l'effectuons dans une certaine attitude corporelle. L'objet de notre entreprise appartient au monde, mais dans l'attitude, dans la façon de faire, l'homme s'exprime soi-même !"

Et il prend comme exemple une activité quotidienne aujourd'hui quasiment révolue : poster une lettre à la boîte aux lettres.

"Poster une lettre à cent pas de l'endroit où on se trouve signifie cent pas de perdus si l'on ne donne à cette action que le but de jeter la lettre dans la boîte. Par contre, s'il s'agit d'un homme sur la voie, alors, même la distance la plus courte lui donnera l'occasion de se mettre en ordre intérieurement, de se renouveler par le contact avec son être essentiel, à condition de parcourir cette distance dans une attitude juste. Il en sera de même pour toutes les activités quotidiennes".

Graf Dürckheim dans les années soixante, Hirano Rôshi au cours des dix dernières années lorsqu'il a animé des sesshin au Centre, comme Dôgen Zenji (3) au 13ième siècle, nous invitent à distinguer action et activité.


Chaque jour je marche pendant une dizaine de minutes pour me rendre sur mon lieu de travail.

Marcher est dans ce cas une activité en relation avec un but extérieur, une nécessité existentielle. Soumis à certaines conditions, comme par exemple l'heure d'un rendez-vous, je vais marcher plus ou moins vite.

Au Dojo, j'exerce la marche lente appelée Kin-Hin. Au cours de cet exercice je suis attentif à la tenue juste (ni crispé ni avachi), attentif au rythme grâce auquel le passage d'un pied sur l'autre se fait dans un parfait équilibre. Marcher est dans ce cas une action qui exprime et en même temps imprime ce qu'on peut désigner comme étant les intentions de l'être.

Les intentions de l'être ? De même que l'acte de respirer - cette action vitale - l'acte qu'est marcher est inné. L'inné précède l'héritage génétique et les conditionnements acquis. Respirer, marcher, ces actions infaisables qui ne sont pas du ressort du moi, expriment et révèlent la présence dynamique de notre propre essence. Il en est de même du calme intérieur, cette valeur de l'être trop souvent ignorée. "Je ne souffre pas d'un manque, je souffre d'ignorer ce qui ne manque pas" (Graf Dürckheim).

Action et activité. L'infaisable et le faire.

Il ne s'agit pas d'opposer ces deux modes d'agir. Il s'agit de les harmoniser, de les entrelacer. Jusqu'à ce que leur interaction devienne notre manière de vivre, notre manière d'être au monde. Entrelacement du moi existentiel, du moi mondain et de notre être essentiel.

Tchouang Tseu (4) parle de la relation entre le ciel et l'humain.

À la question - qu'entends-tu par le ciel ? - le penseur chinois répond : "Les chevaux et les buffles ont quatre pattes : voilà ce que j'appelle le Ciel".

À la question - qu'entends-tu par l'humain ? il répond : " Mettre un licou au cheval, percer le museau du buffle : voilà ce que j'appelle l'humain".

Et il ajoute : "Veille à ce que l'humain ne détruise pas le céleste en toi". Veille ! Veiller est le verbe qui traduit le plus justement le kanji -Zen-.

Zazen ? Veille à ne pas déranger l'infaisable avec ce que tu fais ! Kin-Hin ? Veille à ne pas déranger l'infaisable avec ce que tu fais !

L'exercice dans le quotidien ? « Il n'y a rien de spécial dans ce que je fais chaque jour. Je me contente de me tenir en harmonie avec toutes choses. (...) Les pouvoirs surnaturels et les travaux qui provoquent l'admiration ne sont rien d'autre que de chercher de l'eau et ramasser du bois ».

Quoi que tu fasses, veille à ne pas déranger l'infaisable avec ce que tu fais !

Jacques Castermane


1 Hirano Katsufumi Rôshi - ENSEIGNEMENTS - p. 29 - Compilation par J. Derudder – éd. Unicité

2 Pratique de la Voie intérieure – Le quotidien comme exercice – K.G. Dürckheim – éd. Le Courrier du Livre

3 Dôgen Zenji (12ième Siècle) Fukanzazengi : Règles et méthodes pour la pratique de zazen

4 Leçons sur Tchouang-Tseu - J.-F. Billeter - p. 47-48 – éd. Allia

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lundi 14 octobre 2024

Je suis l'abandon

 Voici la blessure d'abandon que j'ai beaucoup travaillée... La vulnérabilité est une porte pour l'accueillir. Et l'estime de soi pour la cicatriser.

Extrait du très beau livre "Le Murmure des émotions" de Caroline Foucher



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dimanche 13 octobre 2024

Le jugement nous enferme...


 Plus nous rentrons dans la dimension de l’être, moins nous réagissons aux jugements et critiques. Nous devenons inattaquables.

Le jour où nous décidons de ne plus nous battre, nous devenons invincibles.

Lorsque le jugement apparaît, rappelez-vous, au fond de votre cœur, que le Juge ment.

Le jugement envers soi est tout aussi faux, il ment aussi.

Qu’il soit envers l’extérieur ou l’intérieur, le jugement n’est qu’un point de vue subjectif.

Pour qui nous prenons-nous pour nous juger et juger les autres ?

Quelle prétention que de se juger. Prenons cette douce habitude de ne plus mentir à nous-mêmes et aux autres.

Libéré du jugement, l’accès à la vérité s’ouvre.

Pour éviter de renforcer l’ego, nous devons aussi prendre nos distances avec la rumination et le ressentiment, parce qu’ils font partie de ses meilleurs alliés. Ayons le réflexe de regarder ce que nous pouvons faire plutôt que de nous épuiser à ne pas accepter ce que nous ne pouvons plus ou pas faire. Regardons le beau même lorsqu’il est envahi par le laid.

Prenons le réflexe du mouvement ascensionnel plutôt que celui de la descente.

Ne nous laissons pas entraîner par ceux qui donnent toujours de mauvaises nouvelles de l’humanité.

Il y aura toujours de la lumière. Tout me le dit !

Levons notre verre à l’amour et au courage et surtout, ne nous retournons pas !

Les masques sociaux devront aussi être reconnus et levés. Ils nous empêchent de tenter le tout pour la vie. Beaucoup d’entre nous ont pris la couleur, les comportements, les croyances de la patrie, de l’école, du collège, des parents. Ils sont les bons petits soldats : des copiés-collés accrochés aux dogmes transgénérationnels.

Leurs mots ne sont pas leurs mots, leurs gestes ne sont pas leurs gestes, ils les ont empruntés.

Déposer ses masques et ses blessures enclenche la fonte de l’ego et libère l’âme.

François Bonnal (Auteur) - Se reconnecter à son âme - Un chemin intuitif et spirituel vers la guérison

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samedi 12 octobre 2024

Comme une goutte d'eau qui se dissout dans l'océan

Mes chers amis,


Une goutte d'eau a une individualité, une forme, des limites, mais quand elle tombe dans l'océan, elle est indifférenciée de l'océan. Son individualité, sa forme, ses limites ont disparu.

L'apparence de la goutte était transitoire, entre le nuage et l'océan. La nature de la goutte est restée identique, c'est de l'eau.

A la naissance notre corps prend forme et après la mort il redevient poussière. C'est juste un jeu temporel d'apparence. Un jeu extrêmement précieux car c'est le jeu de notre vie. C'est pendant notre vie que la prise de conscience de ce que nous sommes vraiment, de quelle est notre véritable nature peut avoir lieu.

Notre apparence est bien plus complexe que celle de la goutte. Et quelle est notre nature ?

Les enseignements bouddhistes nous disent que notre nature de Bouddha est vacuité, qu'elle n'a pas d'existence en soi (c'est à dire qu'elle n'a aucune existence permanente indépendante d'autres phénomènes). Nous viendrions de la vacuité, pour retourner à la vacuité. Notre vue duelle nous donne toujours ces impressions de mouvement.

La méditation nous permet, en diminuant les mouvements, de revenir à l'instantanéité, à tenter de percevoir ce qui est perçu, ce dont nous sommes conscients, juste dans l'instant.

C'est un des chemins qui peut nous permettre de dévoiler notre véritable nature.

Nous pouvons alors commencer à prendre conscience des qualités inhérentes à notre véritable nature. Je vous les résume de façon très courte et incomplète car découvrir les qualités de notre nature de Bouddha, nos qualités divines est le chemin de toute une vie.

Mais nous pouvons déjà dire que ce que nous sommes est clair, c'est à dire insubstantiel et non obstructif, créateur (c'est en son sein que tout se produit) et connaissant, c'est à dire que nous sommes conscients de ce que nous percevons et que nous sommes conscients d'être, conscients d'être conscient.

Voila les points abordés dans cette méditation.

Avec ma profonde amitié pour vous tous.

Philippe Fabri

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vendredi 11 octobre 2024

Non voir

 


L'unité vient de voir, la dualité vient de penser. L'unité vient de voir la différence, la dualité de penser que l'autre est comme moi. L'unité est le fait, la réalité, ce qui est. La dualité c'est l'apparition d'autre chose, le refus de ce qui est, le non voir.

Swami Prajnanpad


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jeudi 10 octobre 2024

Tendre l'oreille


"Je n’ai pas envie de parler de moi,

 mais de tendre l’oreille 

pour écouter la germination et le bruit du temps."

Ossip Mandelstam 1891-1938

art graphique: Sarah Jarret





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mercredi 9 octobre 2024

Absence de désir

 Je partage ce beau texte d’un homme que je ne connais pas - à priori- mais dont le propos résonne en moi. - Gilles Farcet

DESIRELESS SANS VOYAGE

Il est une absence de désir qui n’est pas la dépression, qui n’est pas l’ennui.
Qui n’a absolument rien à voir avec le désenchantement. Ce désir réduit à la portion congrue d’un bon café au soleil du matin, d’une bonne douche chaude au cœur de l’hiver, est affaire de maturité. Dans ses deux formes. Lié d’abord à ce qu’on appelle euphémiquement « l’entrée dans l’âge » et le bénéfice des mille et un désirs déjà satisfaits mille et une fois. Et puis, il y a pour ceux qui cheminent sur la « voie », quelle que soit la forme que celle-ci peut prendre (yoga, zen avec ou sans entretien de motocyclettes, cuisine, pêche au lancer, macramé, sculpture sur soi, collection de boomerangs, barfly…), une maturité que j’ose qualifier de sagesse, moi qui suis tout sauf un sage. Pas même une « sage personne » par la seule grâce des années. Ainsi la méditation de ce matin, zazen en l’occurrence, n’était-elle pas des plus intenses sur l’échelle du satori. Un satori à 10 dollars, certainement pas à 100 dollars, pour reprendre cette image qu’ont pu proposer certains maîtres zen américains (Alan Watts ? À confirmer). Une méditation durant laquelle j’ai surtout oscillé entre somnolence et agitation intérieure. Qu’importe… Se laisser transformer par l’exercice, jour après jour, qu’il soit agréable, désagréable ou neutre. Observer surtout les passages entre les trois types de vécu. Faire confiance à cet invisible pouvoir de transformation dans la régularité de la pratique. Comme une lente, très lente, très très lente, érosion de la gangue de l’ego vers cet être essentiel qui, à l’insu de notre plein gré, est invité à s’exprimer dans nos quotidiens les plus prosaïques. Une de ses expressions visiblement : cette absence de désir sereine, positive, apaisante. De la même manière, dans le même esprit, que l’esprit shikantaza de zazen : juste s’asseoir. Juste marcher, tel « L’homme qui marche » de Taniguchi. Juste aller à la prochaine place du quartier, plutôt qu’au bout du monde. Juste regarder. Juste sourire aux gens. Juste acheter de quoi composer mon prochain repas. Juste être là. Sans exotisme, sans grande aventure sur l’axe du loup. Sans péripéties ni wow effect. Sans dépaysement autre que la surprise d’un laurier en fleurs jaillissant entre deux immeubles de la deuxième rue à droite. A la manière d’un Bobin en son Creusot natal, d’un Thoreau en son Walden : juste arpenter son petit royaume que bouleversent des évènements que personne ne voit. A part les enfants... Oui, juste arpenter mon environnement le plus proche, dans sa subtile impermanence. Juste entrer en relation par la seule contemplation. Et se laisser gagner par cet amour inconditionnel qui est notre nature première à la naissance, et non celle du « péché ». Nous serons sculpteur d’homme dit le philosophe… Un être essentiel à extraire de sa coque. Un nucleus a révéler. Par la répétition, têtue mais confiante, d’un geste, d’une technique. Mon marteau et mon ciseau ? J’ai décidé désormais de faire confiance à la pratique de zazen. Sans la sacraliser. Tant d’autres voies, tant d’autres pratiques opérantes à disposition. Avec ou sans lien explicite avec la spiritualité. Je ne suis plus tout jeune. Je suis loin d’être vieux. Mais tant de désirs longtemps si importants en moi, se dissipent, s’effacent. Des éléments de ma vie si longtemps présents en moi, comme autant de désirs qui tinrent une si grande place, s’éloignent, sortent justement de ma vie, se meurent insensiblement : créer un média, revoir le Madagascar de ma jeunesse, arpenter la montagne, vivre à la campagne, monter un dojo… Ils sont devenus du passé. A l’automne de ma vie, il me reste peut-être finalement cet unique désir : pouvoir toucher du doigt cet être profond et l’inviter à se mêler le plus souvent possible de mon quotidien d’être incarné. « Maître, la voie consiste-t-elle à renoncer au vouloir ? - Nullement, jeune padawan, c’est vouloir ce qui est. »

Stéphane Robinson (Nice, le 21 septembre 2024, Libération)

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mardi 8 octobre 2024

S'enforester

 Jacques Reda, 1929-2024


Il est une forêt sans borne où je voudrais
M’enfoncer, en mourant, loin de la médecine
Qui m’impose pour vivre une foule d’extraits Chimiques. J’y prendrais tout doucement racine,
Jusqu’au jour où, non moins en douceur, j’entrerais
D’abord aussi fragile et fin qu’une houssine,
Quitte de mes devoirs et de mes intérêts,
Dans l’absence de temps où l’Arbre se dessine
Sans crayon ni pastel, sanguine ni pinceau.
Vite, j’y deviendrais vigoureux arbrisseau.
Leçons de l'arbre et du vent, Gallimard

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lundi 7 octobre 2024

Approche positive

 L’approche positive, d'après Arnaud Desjardins :

1 :
Avec ce qui n’est pas et ce que vous n’avez pas, vous ne pouvez rien. Aucun progrès n’est possible. Qu’est-ce que vous pouvez faire avec ce qui n’est pas ? Vous voulez traverser un étang avec une barque qui n’existe pas ?
Devenir positif, c’est cesser de faire sans cesse intervenir dans vos vies ce que vous n’êtes pas et ce que vous n’avez pas.
2 :
Deuxième point pour être positif : ne plus jamais considérer que ce que vous n’avez pas eu jusqu’à présent, vous ne l’aurez jamais ; que ce que vous n’avez pas été jusqu’à présent, vous ne le serez jamais.
Si vous vous appuyez sur ce qui est, vous marchez en terrain solide et vous pourrez avancer.
3 :
Troisième point, voyez ce qui est heureux. Etre positif consiste à ne plus comptabiliser ce que l’on n’a pas et à reconnaître ce que l’on a.
4 :
Et enfin, dernier point, être positif c’est prendre appui sur ce qui vous apparaît aujourd’hui comme souffrance, tout en conservant l’espérance et la foi. C’est oser croire que l’existence a de l’amour pour vous au moment même où elle semble vous trahir.

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dimanche 6 octobre 2024

Ame tranquille

 

« À quoi sert à l’homme de gagner l’univers entier s’il vient à perdre son âme ? »

Celui qui cherche à gagner l’univers est toujours en guerre ; c’est par la guerre, la force, la volonté de puissance qu’il pense obtenir l’univers, le tout qu’il cherche.

On connaît les résultats ! Cette terre qui devrait être un jardin dont l’homme prend soin, comment est-elle devenue un champ de ruines et de cendres ?

Si l’homme cherchait d’abord son âme ? Son âme qui est sa beauté, sa générosité, sa tranquillité, son silence…

Son silence surtout, son humilité ou sa vacuité, là où l’univers tout entier se donne…

Pouvons-nous encore rétablir des sillons d’eau vive dans les décombres ?

Retrouver notre âme et l’âme du monde dans ce chaos qui oublie l’étoile pour laquelle il fut créé. La simple lumière qui chaque jour éclaire et dissipe nos ombres ; cette tranquillité, ce silence perdu ou oublié. Ces yeux toujours ouverts qui donnent de l’âme au corps et à tout ce qui existe.

 Jean-Yves Leloup, octobre 2024

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vendredi 4 octobre 2024

Grâce divine

 

"Quand vous parlez de la grâce divine, cela sous entend que quelque chose descend sur l'homme sans raison perceptible. Cela vient de soi-même, en son temps. Un enfant par exemple, peut oublier sa mère parce qu'il est absorbé dans son propre jeu; mais la mère se penche vers lui avec amour et le prend sur ses genoux. C'est ainsi que la grâce divine touche quelqu'un. L'affection d'une mère se révèle avant que l'enfant ait le temps d'y penser. Vous allez certainement dire que les bénédictions sous forme de grâces divines sont les résultats des bonnes actions dans les vies antérieures. Cela peut être vrai d'un certain point de vue, mais d'un autre on peut dire qu'il ne faut pas chercher à sonder les intentions de Dieu, dans la mercure où celui-ci est absolument libre de l'enchaînement des causes et effets. Bien que nous nous troublions souvent l'esprit pour essayer de trouver des raisons à la grâce, sa miséricorde s'étend également sur tous les êtres. Mais lorsqu'on développe une vision plus haute, on commence à sentir le contact divin. Prenez refuge en cela, et tâchez d'être toujours en contact avec Lui ; vous ressentirez le libre flot de ses bénédictions sur votre âme, de même qu'un seau d'eau sort d'un puit seulement lorsqu'on tire la corde à laquelle il est attaché."

Bhaïji, Matri Darshan

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Présumer de l'intention sur la voie

 PRESUMER DE L'INTENTION SUR LA VOIE (extrait du "Carnet")

Evaluer l’intention, la véritable intention, d’une personne, est extrêmement délicat.
L’une des erreurs d’appréciation que j’estime avoir commise à plusieurs reprises consiste ,par une manière de naïveté, à présumer de l’intention d'une personne et, de ce fait, de tenter diverses approches pour l'amener vers une ouverture à laquelle elle n’est en vérité pas disposée, dont au final elle ne veut surtout pas.

Dans la mesure où chacun, y compris l’ élève le plus déterminé, connait des moments de résistance, parfois vive, la résistance étant partie intégrante du processus, l’instructeur a tôt fait de ne voir que résistance momentanée là où en vérité il n’y a pas d’intention, juste une aspiration naturelle à « aller mieux » , à se sentir validé.
En pareil cas, présumant d’une intention qui en réalité n’est pas, interprétant comme résistance momentanée ce qui en vérité procède d’une fin de non recevoir, l’instructeur est susceptible, pas par sadisme mais consécration mal ajustée, de verser dans une forme d’acharnement.
Tel un médecin se livrant à l’acharnement thérapeutique sur un patient dont le projet plus ou moins conscient n’est plus de vivre mais de mourir, l’instructeur va donner dans l’acharnement pour ainsi dire ontologique, s’épuiser, au final en pure perte, à combattre pied à pied chez l’élève une dynamique qui n’exprime pas de simples résistances mais une détermination plus ou moins consciente à ne pas grandir.
On verse alors dans le malentendu et une dynamique de travail en fin de compte stérile.
La « responsabilité » en est partagée.
C’est à l’instructeur qu’il revient de savoir évaluer la demande de l’élève, le degré et la nature de son intention, de manière à ne pas en présumer.
Et il incombe à l’élève, en tout cas à partir d’un certain stade dans la relation, de ne pas s’imaginer pouvoir « jouer au plus malin » avec l’enseignant, autrement dit de le manipuler, obtenir de lui ou d’elle une forme ou une autre de bénéfice sans pour autant pleinement s’investir.
Du moins en cas de « LDI » de lien à durée indéterminée.

Gilles Farcet
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