Le lien à soi est aussi en souffrance, et il est, lui aussi, à restaurer. Il s’agit de la relation que Ion a avec son propre cœur, un cœur entendu au-delà même de la capacité à ressentir ou éprouver quelque chose, comme un organe spirituel qui nous relie à l’infini, à l’infiniment plus grand que soi, à ce qui est au-delà de l’espace et du temps, à l’origine de toutes choses. Mais, là encore, quelle éducation à trouver son cœur recevons-nous ? Qui nous apprend à vivre selon ce qui jaillit de ce cœur ? Quel exercice spirituel pratiqué au quotidien peut libérer dans notre existence tout entière sa source de vie, d’amour et de puissance ? Car le cœur n’est pas seulement un organe physique, sensible. Il nous relie à une profondeur à côté de laquelle la profondeur de l’univers lui-même n’est qu’une surface. Et du côté de cette profondeur, de cette origine, il y a une fontaine de miséricorde, issue d’une source mystérieuse d’où surgissent l’univers et son harmonie... Mais laquelle de nos méditations nous apprend à creuser assez profond pour libérer son jaillissement ?
Nous vivons des existences qui, hélas, sont rarement alignées entre ce plus profond intérieur et l’extérieur, où l’eau fondamentale ne s’écoule pas de nos cœurs à nos pensées jusqu’à nos actes, nos engagements, si sincères soient-ils. Nous ressentons dès lors comme une souffrance, entre ce que nous sommes et ce que nous faisons, et nous remplissons ce vide avec des consommations extérieures. Nous souffrons aussi d’une société qui ne nous donne pas l’occasion, dans notre travail, de chercher puis de libérer et d’engager la ressource de ce moi si profond, mais qui nous conditionne et nous condamne à ne vivre qu’en surface de nous-mêmes. Ainsi, nous restons si faibles, si fragiles, que nous devenons une proie toujours plus facile pour toutes les dominations, exploitations, aliénations, illusions qui prolifèrent dans le monde d’aujourd’hui.
Pour résister à cela, pour être plus forts que ce qui nous me, nos grands liens sont des canaux. Ils nous relient à des énergies sans lesquelles nous serons, hélas !, toujours plus impuissants et deviendrons plus encore des proies pour les prédateurs de toutes les dominations, de toutes les aliénations, à commencer par les aliénations consuméristes, mais aussi les aliénations politiques. L’enjeu du spirituel, c’est-à-dire l’enjeu de la puissance des liens, est inséparablement un enjeu politique. Voilà pourquoi il est urgent et nécessaire, me semble-t-il, que nous réfléchissions ensemble, que nous méditions ensemble, à partir de la ressource la plus intérieure, à la façon dont nous allons pouvoir reconstruire des vies authentiquement humaines, retisser nos liens essentiels, nos liens de vitalité, nos liens de lucidité, nos liens de lumière, les liens qui nous engagent dans le monde de façon à la fois intelligente, généreuse et amoureuse.
Abdennour Bidar - La puissance des liens
De Ilios Kotsou, Caroline Lesire, Christophe André, Abdennour Bidar, Fabienne Brugère, Rébecca Shankland, Matthieu Ricard
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1 commentaire:
C'est dans le silence et/ou par le silence que peut naître une commune union au-delà et en-deçà des leurres de la communication
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