mercredi 6 novembre 2019

De la dévalorisation des enseignements et des enseignants spirituels

Gilles Farcet a publié un article sur l'actuel dévalorisation de la transmission spirituelle. Je vous joins un extrait de la fin de son texte.

Arnaud Desjardins, se montrait très sobre et humble quant à sa propre réalisation ; il ne cessait de se référer à son maitre, Swami Prajnanpad, ainsi qu’à d’autres maîtres dont le témoignage vivant l’avait convaincu. Cependant, Arnaud lui-même faisait preuve au quotidien d’une forme d’impeccabilité dans sa pratique et ses positionnements.

Avec ceux, dont j’ai fait partie, à qui il confiait une responsabilité d’enseignement, il faisait preuve en même temps d’une grande bienveillance et d’une vive exigence. Il ne nous reprochait pas nos erreurs et faiblesses mais nous les pointait à chaque occasion et nous invitait constamment à les dépasser, en nous en indiquant autant que possible les moyens. Il n’attendait pas de ses instructeurs qu’ils soient au-delà de l’erreur mais qu’ils ne s’y installent pas et soient déterminés à en émerger. Sa norme n’était certes pas la médiocrité tolérée au nom de l’humain mais la maturité activement recherchée. Surtout pas d’idéal au nom duquel se flageller, surtout pas d’injonctions, surtout pas de comparaisons, y compris avec lui-même en tant que maître (« Arnaud est si grand et moi si petit … ») mais un point de visée, oui, une « haute idée de ce qu’est l’homme », en tout cas de ce qu’il est appelé à être ; haute idée incarnée pour nous par le témoignage d’Arnaud et par ce qu’il nous rapportait de Swami Prajnanpad et d’autres grands témoins de la sagesse.
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Lors de son dernier entretien avec Swami Prajnanpad, Arnaud, alors qu’il s’apprêtait à fonder l’ashram du Bost, a entendu de son maître cette ultime instruction : « don’t make it cheap », qui peut se traduire par « n’en faites pas quelque chose de bon marché ».
Cette parole m’accompagne. Je pourrais même dire qu’elle me hante, pour mon bien.
Ce qui doit arriver arrive et arrivera ; mais faisons notre possible pour ne pas cautionner et nous installer dans une perspective médiocre de la voie et de l’enseignement spirituels. Ne soyons pas plus ou moins à notre insu et parce qu’au final, cela arrange la part faible de nous-même, complice de ce mouvement insidieux qui tend à en faire « quelque chose de bon marché ».

source : FB
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mardi 5 novembre 2019

Jouissez de la vie autant que vous pouvez !


Je souhaitais vous faire partager le commentaire de Olivier concernant Olivier Humbert par rapport à un hommage rendu le 6 juin 2017.

C'est agréable de trouver cet hommage à Olivier Humbert, on n'en trouvera pas ailleurs d'ailleurs, pas plus que de photos. Ce qui est écrit ici est surement juste et la citation extraite du livre reflète bien Olivier Humbert, dans le sens "de faire confiance pour le reste à la vie, qui se charge de nous quoi qu'on en pense". J'aimerai rajouter qu'Olivier était revenu à ses premiers amours en un sens, qui est la pratique du Katsugen undo , du mouvement régénérateur, il avait fréquenté assidûment le Dojo de Itsuo tsuda à Paris, avant sa rencontre avec Arnaud, sur ses dernières années d'existence Olivier animait un groupe à Montpellier qui n'était pas d'obédience "Swami Prajnanpadienne", même si tous y étaient les bienvenus. De plus et surtout il animait le groupe de pratique de mouvement régénérateur de Montpellier, un groupe libre , sans adhésion, ceci étant sur la fin sa seule voie, c'est à dire "le Non faire" .
Olivier Humbert ne se présentait plus comme disciple d'Arnaud Desjardins ou de Swami Prajnanpad et n'accompagnait pas dans ce sens, mais vraiment devenu un disciple de la vie. Je voulais juste ajouter cette précision, car quitte à lui rendre hommage autant le faire en réalité des faits. Je cite aussi la dernière parole que j'ai entendu d'Olivier Humbert quelques jours avant son départ : "jouissez de la vie autant que vous pouvez"
Merci pour votre blog.
Olivier

Voici un texte de Olivier Humbert
extrait de "Swami Prajnanpad et les lyings"

Les vicissitudes de l'existence, en dehors de ma pratique de thérapeute et de ma formation dans ce domaine, m'ont alors sollicité de manière telle que j'ai ressenti constamment le désir de me changer pour être plus heureux et mieux adapté aux défis de la vie. J'ai donc poursuivi mon exploration des nombreuses techniques de psychothérapie qui commençaient de se répandre en France avec la venue de thérapeutes américains dans les domaines de la bioénergie, de la végétothérapie, de la Gestalt, du cri primal, du rebirthing, de l'analyse transactionnelle, etc. 


Cette entreprise visait à l'acquisition d'un savoir, censé m'apporter une réussite dans les différents rôles de mon existence : professionnel, conjugal et paternel en particulier. La découverte du « mouvement régénérateur » transmis par maître Itsuo Tsuda réorienta ma recherche. Il s'agit d'une pratique corporelle exécutée « sans but, sans connaissance et sans technique » où l'on cesse pour un temps de s'opposer aux mouvements naturels du corps, permettant ainsi aux systèmes réflexes dont il dispose de s'exprimer. En effet, pour la première fois, j'expérimentais la réalité et l'efficacité du «non faire», du« lâcher prise ».Je constatais, jour après jour, avec cette pratique, que le changement était inhérent à la vie même, sans nécessiter le recours à l'effort volontaire. Ce qui m'apparaît aujourd'hui comme une évidence aveuglante prenait alors l'aspect d'une véritable révélation. Laisser libre cours aux réactions du corps, habituellement réprimées ou contrôlées pour une grande part, entraînait des changements patents au plan physiologique : sommeil, nourriture, digestion, respiration, attitudes corporelles. 

Ces changements influaient au plan psychologique : diminution de l'anxiété, renforcement de la confiance en soi, augmentation de l'aptitude à relativiser les choses. Dans la pratique en groupe, maître Tsuda introduisait une certaine ritualisation et demandait un minimum de rigueur de comportement. Tout ceci contrastait avec l'état d'esprit permissif et soixante-huitard du milieu psy dans lequel j'évoluais et, pourtant, encadrait une activité qui participait du « non faire » et de la totale confiance en la vie. C'est grâce à cela que m'est apparue une conception nouvelle de la vie, celle de « Grande Vie », selon l'expression de K.G. Dürckheim, ayant les caractéristiques du sacré : « éternité, omnipotence, transcendance ». 


Par une relation nouée au dojo de maître Tsuda, j'entendis alors parler d'Arnaud Desjardins, du travail sur l'inconscient par le « lying »,pressentant tout de suite que cette pratique émotionnelle pouvait, pour moi, être un pont vers une terre nouvelle :le pont permettant de franchir les torrents émotionnels pour atteindre à la terre sacrée naturelle. Fin 1976, la rencontre avec Arnaud Desjardins, nouvellement installé dans son ashram du Bost, m'ouvrit la porte d'accès à une culture spirituelle que j'avais ignorée jusque là. J'avais en effet rejeté la religion catholique de mon enfance et de mon adolescence, pratiquée ardemment mais qui m'avait conduit à des contradictions ingérables, aboutissant à une dépression nerveuse vécue comme une véritable implosion. Cette culture spirituelle promettait, sans rien rejeter du vivant, la conjonctio oppositorum - la conciliation des contraires - dont le psychologue C.G.Jung mentionnait l'antique existence oubliée, Jung que j'admirais comme un maître mais qui n'avait pourtant pas découvert le sens de la vie puisqu'il écrivait : « Je chéris l'idée que la vie ait un sens.» 

Le chemin spirituel et son but de libération du sens de l'ego nécessitaient un engagement total avec un maître. Le nouvel élève qu'Arnaud Desjardins accepta d'aider, l' apprenti-disciple de l'enseignement, complètement néophyte dans la connaissance spirituelle, prétendait néanmoins, du fait de sa qualification de psychothérapeute, se connaître, sans même tirer la conclusion que ses difficultés émotionnelles dans l'existence témoignaient du contraire. J'eus le privilège d'être admis d'emblée à assister à quelques lyings d'autres élèves plus anciens. Familier de l'expression émotionnelle cathartique et m'étant aussi intéressé à la transe vaudou, il me parut tout de suite évident que les lyings auxquels j'assistais conduisaient la personne à exprimer, sans aucune retenue et sans aucun filtre, par la totalité de ses moyens d'expression, l'inconscient dans sa profondeur. 

L'attitude de l'élève, en total accord avec cette expression, quelle qu'en soit l'intensité, mais en restant lucide, contrairement à la transe, donnait à cette activité une toute autre portée que la pratique de l'expression émotionnelle en thérapie. Ainsi, le lying m'est-il apparu comme un moyen convaincant de transformation. Il paraissait rendre la personne apte à accéder à la démarche spirituelle proprement dite visant à transcender la limitation de l'ego...






lundi 4 novembre 2019

Parole et image de la semaine


Silence, ça tourne !


La mort nous fait signe pour colorer la vie...

dimanche 3 novembre 2019

La différence en somme...


"Il faut toute une vie pour approcher l'univers et la culture de l'autre. Et encore ! On ne comprend jamais tout à fait. De toute façon, l'urgence est d'aller très lentement" (...)
Et si l'essentiel d'une vie consistait à accueillir l'ébranlement, la secousse, le dérangement causé par l'autre ?

Sans l'étranger, le mythe socioculturel dans lequel j'évolue m'apparaîtrait monnaie courante et la seule monnaie. L'autre me révèle mon mythe et je lui révèle le sien. Le monde s'agrandit.
" Si tu penses comme moi tu es mon frère. Si tu ne penses pas comme moi, tu es deux fois mon frère car tu m'ouvres un autre monde", ainsi parlait Hampaté Bâ.

L'invitation n'est pas de mélanger les différences dans une soupe immonde - one way of life -, ni d'abandonner nos visions et nos loyautés mais de les faire se frotter les unes aux autres comme silex pour qu'en jaillissent les étincelles qui éclairent la nuit du monde.

En hébreu, le mot " malade", ( mahala) signifie "tourner en rond". Le malade est celui qui tourne en rond, qui s'est rendu prisonnier de lui-même, qui s'est mis en enfermement.
L'autre, cet intrus, cet empêcheur de tourner en rond, opère une brèche dans les fortifications conscientes ou inconscientes que j'ai dressé autour de moi. Il me libère du piège qui s'était refermé sur moi "

Extraits du livre " N'oublie pas les chevaux écumants du passé"
Christiane Singer


samedi 2 novembre 2019

Quand la méditation devient un médicament...

Quand la méditation devient un médicament,
le mot méditation manque son objet !


     Quand l’exercice appelé méditation devient un médicament (La méditation de pleine conscience réduit la pression artérielle !), un remède (Méditez pour vaincre l’insomnie !), un traitement (La méditation de pleine conscience réduit votre taux de mauvais cholestérol !), un moyen pour atteindre un but (La méditation de pleine conscience augmente la cohérence de vos ondes cérébrales), une échappatoire (La méditation de pleine conscience réduit le stress engendré par la pression exercée dans votre entreprise), un accommodement (La méditation de pleine conscience permet de vous accepter tel que vous êtes), un soin de beauté (La méditation de pleine conscience réduit votre production de sueur !), une panacée (Méditer trois minutes chaque matin et …. rien que du bonheur toute la journée !), un idéal (La méditation de pleine conscience crée une relation plus profonde avec Dieu – si vous êtes croyant – !) … le mot méditation manque son objet.
     C’est pourquoi je ne l’utilise plus, bien que pratiquant, depuis un demi-siècle, la méditation de pleine attention appelée ZAZEN.
     Zazen ! « Un exercice indissociablement corporel et spirituel » écrit André Comte-Sponville dans son dictionnaire philosophique. [1]
     Zazen ! De quoi s’agit-il ? Simplement s’asseoir et, dans l’absolue immobilité, sentir que en ce moment je inspire … que en ce moment je expire. Sentir ce vouloir de l’être (de l’acte d’être) pour lequel — moi — je ne suis pour rien.
     Zazen, c’est donner la priorité aux sensations à travers lesquelles se présente le réel plutôt qu’aux pensées qui nous enferment dans des représentations du réel.
     Zazen, pratique méditative sans objet et sans autre objectif que l’éveil de l’homme à sa vraie nature d’être humain. « C’est jouer la respiration contre mental ; c’est jouer le corps (le corps qu’on ‘’est ‘’) contre l’ego» [1]. Et, lorsqu’il m’arrive de laisser le souffle aller et venir, de lui-même, sans intervenir … tout en moi se calme !
Ce chemin de guérison est la Voie du corps.
     Zazen ! Un exercice indissociablement corporel et spirituel.
Spirituel ? Rien là de mystérieux, de religieux. « Le kanji zen signifie : calme » (Hirano Roshi).
    Le grand calme ! Symptôme de notre état de santé fondamental. Une qualité d’être qui en suscite d’autres : le silence intérieur, la sérénité, la confiance. Aujourd’hui encore le prêtre termine son office en disant aux adeptes de sa tradition « Allez en paix ! ».
Question : Y vont-ils ? Si non, comment y aller ?

    La méditation de pleine conscience a un but louable : guérir LE moi qui souffre. Ce faisant cet exercice entre dans le cadre des thérapies pragmatiques, symptomatiques.
L’exercice appelé zazen, s’il a un but, est de guérir DU moi, qui est la cause première du mal-être de l’être humain. Il s’agit d’une médecine étiologique; la cause étant l’identification à l’ego (Moi je suis moi et je veux rester moi).
Ce chemin de dés-égo-centration, on ne peut l’apprendre qu’à la condition de le prendre.
Jacques Castermane
[1] André Comte-Sponville, Dictionnaire philosophique, PUF, pages 620 et 1073.
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vendredi 1 novembre 2019

Emerveillement !


« Se fondre dans l’immensité du ciel, se perdre dans le dédale d’une écorce, disparaître dans l’intimité d’une fleur comme Alice qui passe de l’autre côté du miroir et se retrouve au pays des merveilles. Savourer la fraîcheur de l’instant présent sans s’égarer dans les mille et un ailleurs de la distraction… »

« L’émerveillement nous élève en invitant dans notre paysage intérieur des états mentaux sereins, vastes et ouverts qui engendrent un sentiment d’adéquation avec le monde… »
L’émerveillement nous fait sortir de nous-mêmes ; il immensifie l’esprit et dilate le cœur. Il nous emplit de la vaste et émouvante interdépendance des êtres et de la nature. L’émerveillement engendre le respect envers la nature sauvage, le respect mène au désir de protéger notre environnement et ce désir mène à l’action. 



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jeudi 31 octobre 2019

Des étiquettes de pensées...



Le mental vient à exister quand vous projetez votre petit moi sur les autres. Voyez les autres comme ils sont. La différence entre voir et penser est énorme. On pense avec le mental tandis qu’on voit avec la faculté de perception. Le mental est le moyen à travers lequel le petit moi est projeté sur tout le reste. Au lieu de voir l’objet comme il est, le « je » se projette dessus et l’objet est comme supprimé par la pensée. Cessez de penser, car penser déforme votre vision et vous empêche de voir les choses comme elles sont. Au lieu de voir le réel sous sa vraie forme, nous voyons ce que nous voulons voir et nous sommes déçus parce que la réalité n’est pas conforme à nos idées. 
En pensant, nous la jugeons et lui collons des étiquettes : « c’est bon, ou mauvais », « c’est faux ou c’est juste ».



Svâmi Prajnanpad
Le but de la vie : Un été plein de sagesse

mercredi 30 octobre 2019

Se prendre en main...


« CELUI QUI TRAVAILLE AVEC SES MAINS EST UN OUVRIER MANUEL. CELUI QUI TRAVAILLE AVEC SES MAINS ET SA TÊTE EST UN ARTISAN. CELUI QUI TRAVAILLE AVEC SES MAINS, SA TÊTE ET SON CŒUR EST UN ARTISTE. »
Saint François d’Assise



Bernard Bouheret :

"Le monde ne bougera pas sans nous et nous devons devenir ce que nous voudrions que le monde soit comme le disait si bien le Mahatma Gandhi en son temps. Pour nous, les mains du Shiatsu peuvent retisser un bout de monde, redonner une pulsation de bienveillance dans un univers tourné vers la performance.
Je finirai mon propos par un texte Taoïste qui donnera le juste ton.
« Si vous voulez réveiller l’humanité dans sa totalité alors réveillez-vous entièrement. Si vous voulez éloigner du monde la souffrance, alors éliminez tout ce qui est sombre et négatif en vous. En vérité le plus grand cadeau que vous puissiez donner au monde est votre propre transformation. »
Hua Hu ching"


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mardi 29 octobre 2019

Se prendre en main


« Moi, mon moteur, c’est les possibles. On me dit souvent que je suis pleine d’enthousiasme. Eh oui, c’est vrai, parce que j’ai toujours les yeux rivés sur ce qu’il est possible de faire dans une vie, dans une communauté. Cela dit, il faut être prudent avec les possibles. Ce n’est pas parce que c’est possible que ça t’est dû. Et si un projet ne fonctionne pas, il ne faut surtout pas se décourager. Il y a plein d’autres possibles ailleurs ! »

« Quand il m’arrive quelque chose de merveilleux, je regarde vers le haut et je dis merci. Je suis pleine de reconnaissance. Quand ça va mal, je regarde ce qu’il y a devant moi. J’essaie des choses, j’occupe mon esprit, j’agis plutôt que de laisser l’angoisse prendre le dessus. Et c’est comme un cercle vertueux, on dirait. Se prendre en main, ça génère de nouveaux possibles. De nouveaux possibles, ça permet de se prendre en main… »

Fernande Ouellet
Source : Lapresse.ca

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lundi 28 octobre 2019

Faire connaissance avec Karlfried G. Dürckheim


Voici le début et la fin du film sur Karlfried G. Dürckheim – Le geste à la parole 


Karlfried G. Dürckheim a 91 ans quand le réalisateur Patrice Chagnard lui consacre ce documentaire. Il mourra quelques mois plus tard, le 28 décembre 1988.





Pour voir la vidéo en entier

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samedi 26 octobre 2019

La présence éveillée

Limpidité, clarté, transparence, c'est la présence éveillée, quelque soit le nom qu'on lui donne. Elle est toujours là quoiqu'il arrive, qu'on la remarque ou non. Toujours présente, qu'il y ait peu de pensées, beaucoup de pensées. Cette présence ouverte, cette présence illimitée est toujours là.

Et on pourrait dire qu'à mesure, soit que les pensées se décantent, soit qu'on devient plus habile, expérimenté, familier, on a la capacité de voir en permanence cette faculté lumineuse de l'esprit qui est derrière toute cette agitation mentale, qui apparaît plus clairement quand les pensées se calment momentanément, comme après un orage quand le ciel se dégage, on remarque d'autant plus le ciel immaculée de l'espace.

À mesure où on apprend à reconnaître cela, à se reposer dans cela, à laisser les pensées survenir et se défaire sans effort; comme un oiseau qui passe dans le ciel sans laisser de traces. On laisse les pensées reposer dans leur état naturel, comme une feuille qui tombe et qui se pose.

Cette présence éveillée est toujours là. Pour le contemplatif, c'est une expérience extrêmement riche en potentiel.

En effet, si les travers de l'esprit humain qui se mélangent parfois à la lumière, et qui parfois se réifient sous la forme de haine, d'obsessions, d'intolérance, si cela faisait vraiment partie de manière solide, intrinsèque de ce qu'Alexandre Jollien appelle le "fond du fond", c'est-à-dire cette présence éveillée qui est toujours présente, à ce moment là ce serait totalement sans espoir d'essayer peu à peu de laisser ces toxines mentales s'évanouir du flot notre conscience.



Mais si effectivement, comme tout le reste, ce ne sont que des constructions qui résultent de facteurs, de conditions, et de causes multiples, qui sont impermanentes et fluctuantes par nature, alors, dans ce cas là, on comprend que tout cela est le résultat d'un nombre incalculables de constructions mentales, mais qu'aucune d'entre elles n'est intrinsèque à cette présence éveillée, qui est la réalité ultime du contemplatif, pas plus que la plante médicinale ou un poison dans l'eau ne font partie intrinsèquement de l'eau, qui n'est pas modifié par là.

Alors on se relie à cela ; c'est une manière de retrouver la réalité de l'expérience pure. Cette présence éveillée permet de donner de la valeur à chaque instant qui passe.

Matthieu Ricard, conférence donnée à Bruxelles dans le cadre des rencontres « Émergences » 2019.

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vendredi 25 octobre 2019

La clef des champs


J'ai trouvé, l'an dernier, dans une brocante, une statue de saint Pierre en granite rose tenant, dans ses mains épaisses de pêcheur, la clé immense du Paradis. Tout avait attiré mon attention dans cette statue semble-t-il bretonne. La chevelure, la barbe et la longue tunique de saint Pierre qui ondoyaient au vent de mer. Ses deux yeux grands ouverts et sa tête légèrement penchée de côté qui invitaient à la méditation comme à un échange de paroles. Cette immense clé qui faisait la moitié de sa hauteur d'homme. Et puis, surtout, cette alliance et cet alliage de chair et de pierre.

L'accès à l'infini 

Au début de l'automne, j'ai surpris le grain de cette statue de granite rose prendre la lumière rasante du soleil de fin d'après-midi. Un moment bref, mais magique. Un mont Thabor. Depuis, saint Pierre et sa clé m'accompagnent. C'est face à cette statue que j'aime m'asseoir pour prendre mes temps de repos et me ressourcer. Elle creuse en moi une interrogation sur le mystère de la chair et de ce roc de pierre sur lequel nous pouvons fonder notre vie, et plus encore sur le mystère de la lumière et de la clé du Paradis. Cette clé serait-elle une clé des champs qui donne accès à l'infini et à la liberté ? La vie spirituelle est faite en effet d'instants de grande ouverture à soi, à la vie, à l'univers, à Dieu, suivis de renfermements tout aussi précieux. Comme les fleurs, nous nous ouvrons à nos heures, et nous nous refermons. Nous ouvrons la porte du Ciel, nous en franchissons le seuil, nous entrons dans l'écoute, dans le silence, dans la prière, nous y demeurons en amour, puis nous reprenons le cours de notre vie. Nous accostons sur des îles, pour nous laisser reprendre par le vent de mer du quotidien qui souffle là où il veut. À nous de garder la clé de ces instants et de laisser vivre en nous ces îles bienheureuses. Je crois que ma clé du Paradis à moi, c'est précisément la lumière. Peut-être parce que je suis une fleur d'ombre, que je suis née dans un nid de poussière, dans un grenier familial envahi de toiles d'araignées et de vieux meubles, où il m'a fallu faire la lumière. Les chats m'ont appris à voir dans la nuit, à ouvrir et dilater mes pupilles pour percevoir la moindre source de lumière et distinguer les ombres dans l'ombre. Les arbres m'ont appris à me nourrir et à me gorger de lumière, à en faire surtout une nourriture et un souffle de vie pour moi et pour tous. Guidée par la lumière, je me suis convertie à la vie.

L'enveloppe obscure 

Si nos chemins sont faits de jours de lumière, de jours sombres, voire ténébreux, et de jours de clair-obscur, notre erreur est de vivre peut-être trop souvent en enfants lune. La peau sensible, nous nous cachons du soleil, et du « soleil véritable », pour ne sortir qu'à la nuit tombée. Nous nous détournons de la lumière de la vie, nous éclairant seulement à des artifices humains. N'osant vivre la pleine lumière, nous créons notre propre nuit et nos aveuglements. Pourtant il suffit d'un regard d'amour et d'une lumière posée sur soi pour percer cette enveloppe obscure qui parfois nous recouvre et nous cache.
Alors pourquoi ne pas nous offrir les uns aux autres cette clé des champs vers l'infini et la liberté, qu'est la lumière ? Si, demain, la nuit tombe sur la Terre et sur l'humanité, notre nuit sera illuminée par les hommes et les femmes habités par la lumière. Ces personnes lumineuses passent inaperçues en plein jour mais, quand se fait l'obscurité, leur lumière se révèle aux regards. En vierges sages, elles s'illuminent et elles éclairent. Aussi n'hésitons pas à laisser notre chair prendre la lumière, comme la statue de saint Pierre le soleil d'automne. La lumière nourrit, et elle enseigne. Elle délivre, et elle « amorise ».
Charlotte Jousseaume
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