L'engouement actuel pour la méditation se nourrit de la conviction largement partagée que les racines d'une telle pratique ne se trouvent qu'en Orient. L'hindouisme, par le yoga, le bouddhisme tibétain et le zen, par leurs pratiques de l'assise, proposent en effet un enseignement développé sur les pratiques de méditation, et sur les postures qui la favorisent. Est-ce pour autant le signe que le passage par ces traditions est une étape incontournable pour l'occidental qui cherche à développer une pratique méditative ? On répond souvent oui en pensant que le christianisme n'a aucune tradition dans ce domaine et qu'il n'a de ce fait rien à apporter.
Si des chrétiens pratiquent aujourd'hui la méditation silencieuse, c'est grâce à l'enseignement qu'ils ont reçu de maîtres venus de l'Orient. Une telle conviction, très courante, mérite cependant d'être interrogée, car le patrimoine chrétien est pourtant très riche sur la question de la prière silencieuse, riche mais en grande partie peu accessible, car une telle pratique a en effet été de plus en plus ignorée depuis la fin du XVIIe siècle.
Sous des appellations diverses, c'est en effet depuis les tout premiers siècles que les chrétiens pratiquent une forme d'assise silencieuse, dans laquelle la prière se trouve assez radicalement simplifiée. On peut la considérer comme une forme d'assise silencieuse chrétienne : il s'agit cependant bien d'une prière, c'est-à-dire d'une relation vécue par le croyant avec Dieu, qu'il considère comme une personne et qu'il appelle par son nom. Parmi les diverses formes que peut prendre la prière chrétienne, ce dont nous parlons ici est une prière silencieuse par laquelle on cherche simplement à se rendre présent à Dieu, à se tenir en sa présence, sans demande particulière.
Une tradition discrète mais puissante
Il est nécessaire de redonner accès à ce trésor, à cette immense tradition de la prière silencieuse chrétienne, qui se déploie du IIIe au XVIIe siècle. Les textes sont là, et ils sont nombreux. Bien plus nombreux sont cependant les croyants qui ont eu une telle pratique et n'en ont laissé aucune trace, tant cette forme de prière est simple et ne nécessite pas la mise en œuvre d'un enseignement développé, et donc historiquement repérable.
Parmi tant d'autres témoignages possibles de cette simplification progressive de la prière conduisant au silence et à l'adoration, voici celui du bienheureux Jean-Joseph Lataste, dominicain français du XIXe siècle, prédicateur en prison. Après avoir raconté que dans sa jeunesse il avait consacré beaucoup de son temps de prière à des pratiques de dévotion, il reconnaît que cela s'est vite estompé au profit du silence et d'une attention simple à Dieu : « Mon âme se porte vers Dieu sans cesse par un acte d'amour continu un peu vague et un peu sourd, il est vrai, mais plus fort que moi-même. Il se fait en moi une adoration perpétuelle de Dieu par un acte simple de mon âme, toujours le même et toujours nouveau, sans commencement, sans milieu, sans fin » (« Ces femmes qui étaient mes soeurs... » Vie du père Lataste, apôtre des prisons, de Jean-Marie Gueullette, Cerf, 2008, page 304).
Une telle expérience n'est pas réservée à des saints, ou à des mystiques témoignant d'une union particulièrement profonde avec Dieu. De nombreux chrétiens, moines ou laïcs, ont connu un tel chemin de simplification et en sont venus à consacrer l'essentiel de leur prière à se tenir en présence de Dieu, dans le silence. Il nous est bon de nous appuyer sur leur expérience si nous avons le goût de ce type de prière, une expérience exigeante, par sa simplicité !
***
***
Aucun commentaire:
Enregistrer un commentaire