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jeudi 20 mars 2025

Koans

 Koan 


Dans l’école de zen dite rinzai, se pratiquent les koans, ces énigmes sans solution que les maîtres proposent à leurs élève? Ils font cela pour les aider à comprendre que parfois, il ne faut pas chercher à résoudre un problème ou à synthétiser une contradiction, mais plutôt les laisser se dissoudre en nous (au travers de la méditation et non de la réflexion) pour percevoir l’inanité ou l’inutilité de lui apporter une réponse. Les koans peuvent être des questions, des anecdotes, des affirmations. 

Par exemple : quel bruit fait une seule main qui applaudit ? Ou bien : ce qui te manque, cherche-le dans ce que tu as. Ou encore, pour le sujet de ce livre à quoi ressemble un bonheur manqué ? Ou aussi : le malheur est dans le bonheur, et le bonheur dans le malheur. En Occident, nous parlons parfois d'aporie, un problème ou une question insoluble : par exemple la question de savoir qui était là en premier, la poule ou l’œuf ? L’intérêt des koans et autres apories est de nous encourager à tolérer l’incertitude, sans pour autant fuir les problèmes ou les contradictions. Notamment en matière de bonheur et de vie heureuse.

Koan sur le mal 

Méditez cette phrase du philosophe Gustave Thibon : « Vu du dehors, le mal appelle le châtiment ; vu du dedans, la pitié. » Souvenez-vous de l’esprit du zen : il ne s’agit pas de résoudre une énigme, de savoir ce qui est préférable, du châtiment ou de la pitié, mais d’éprouver au plus profond l’inévitable complexité de toute décision à prendre face au mal.

Christophe André - Et n'oublie pas d'être heureux

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jeudi 9 juillet 2015

La méditation, une expérience unifiante du corps et de l'esprit par Dominique Durand


Voici deux lignes d'une grande sobriété et que l'esprit ne peut saisir à partir des lois habituelles de la cause et de l'effet parce qu'elles ont la fulgurance d'un koan* : « L'espace sous mon nombril en passant par les reins et jusqu'à la plante de mes pieds est le village où je suis né. »

Se permettre de réaliser quelques instants, le caractère inconcevable de ces propos, inconcevable pour une pensée cartésienne... Ce sont ceux du maître zen Hakuin Ekaku, extraits d'Orategama* publié en 1749. 
La fraîcheur qui se glisse derrière chaque mot ne repose sur aucun concept intellectuel, aucune 
idéologie, aucune croyance, elle évoque simplement cette possibilité de renouer avec l'innocence de notre origine en investissant la zone située dans le bas-ventre. Et il ajoute : « Quelles nouvelles peuvent arriver de ce village natal ? »
Un siècle plus tôt (1637), Descartes définissait ainsi sa propre essence : « Je compris que j'étais une substance dont toute l'essence ou la nature n'est que de penser et qui pour être, n'a besoin d'aucun lieu, ni d'aucune chose matérielle. » (Discours de la Méthode).
Nous risquons de gérer l'écart entre une pensée auto-suffisante et l'ancrage dans ce que le corps nous révèle de plus archaïque, de plus originel, sous la forme d'une opposition et de replonger ainsi dans les considérations dualistes du corps et de l'esprit qui agitent la philosophie depuis des siècles. Nous sommes en effet devant deux niveaux de conscience, deux manières de considérer l'être humain. 

Le zen vient contredire la philosophie occidentale en lui opposant la radicalité d'une pratique qui engage chacun dans une actualisation personnelle du propos, la pensée ne pouvant y avoir accès.
La méditation commence par une prise de conscience de ces aller-retour entre ces deux niveaux de conscience. Elle nous révèle le pouvoir des instances identitaires situées dans le haut du corps s'opposant à cette force immanente qu'Hakuin place sous le nombril. D'un côté une pensée attachée à un cadre de référence déterminant et définissant qu'il faut projeter sur le futur, qui exige de poursuivre un projet et d'éliminer l'aléatoire, l'incertain ; de l'autre, cet autre niveau de conscience situé dans l'espace sous le nombril, qui bouleverse le mode de perception habituel parce que l'interrogation devient la seule manière de considérer le fondement de l'Etre, de l'Etre-humain.
Définir la vie à partir de ce que l'on sait et interroger la vie telle qu'elle nous arrive, sont deux options directionnelles opposées, elles mobilisent la personne à des niveaux différents.

La méditation, cependant, nous apprend qu'il n'y a pas lieu de les opposer, le simple exercice permet de conduire l'intellect ailleurs que là où il sait et d'ainsi le laisser se glisser là où la vie nous interroge et où nous interrogeons la vie. Au-delà de la pensée et de la non-pensée, un moment de pure créativité surgit chaque fois que nous prenons contact avec cet autre mode de « connaître ».
Se donner la chance, chaque jour, tout en plaçant la respiration dans le bas ventre, de se poser cette question : « Quelles nouvelles m'arrivent aujourd'hui de ce village natal ? » 
Ce n'est pas le bas ventre en tant que tel qui importe, c'est la qualité de cette nouvelle approche du réel et de soi-même qui se fait dans un esprit de découverte. Le mode interrogatif n'attend pas de réponse, c'est juste une manière d'être, une certaine manière de se mettre à l'écoute de ce qui nous fait être, proche de l'étonnement, « une mise à disposition » qui ne capture rien pour son propre bénéfice.
Puissiez-vous recevoir de belles nouvelles pendant ces vacances.

• *koan : formulé la plupart du temps sous la forme d'une question, il se présente au mental analytique comme une barrière impossible à franchir ; il sollicite pour sa résolution un esprit 
unifiant non discriminant.
 * Orategema : ensemble de lettres écrites au seigneur Nabeshima, gouverneur de la province Setchu


dimanche 16 septembre 2012

Thich Nath Hanh : Koan et marche pour la Paix

Un exercice pour aujourd'hui et pour accompagner La Marche Inspirante du maître Thich Nhat Hanh à Paris : faire chaque pas de la journée en conscience et se demander "qui marche" ?



"Ne cherchez pas ce que vous voulez voir
ce serait en vain.


Ne cherchez rien, mais donnez une chance à la vision profonde de se manifester par elle-même.

Elle vous aidera à vous libérer."


...Parmi les koans les plus connus, nous pouvons citer “Regarde le cyprès dans la cour”, “Si tout retourne à l'un, où l'un retourne-t-il?” “Le chien a-t-il la nature de Bouddha?”, et “Qui récite le nom du Bouddha?” Les grands rois et dirigeants vietnamiens ont longtemps pratiqué l'art du koan, et nombre d'entre eux ont composé de ces énigmes (1*) . Le maître zen Tuê Trung, frère du célèbre Trân Hung Dao qui avait repoussé l'invasion de Gengis Khan, a offert le puissant koan: “Tous les phénomènes sont impermanents, tous sont sujets à la naissance et à la mort. Qu'est-ce qui naît et meurt?”

Si vous voulez réussir dans votre pratique des koans, vous devez avoir la capacité de lâcher prise de toutes vos connaissances, de toutes vos opinions et tous vos points de vue. Si vous êtes prisonnier d’une opinion, d’un point de vue ou d’une idéologie, vous n’aurez pas assez de liberté pour permettre au koan de faire une percée dans votre conscience. Vous devez lâcher prise de toutes vos connaissances, de tout ce avec quoi vous avez été en contact dans le passé, de tout ce que vous croyez être la vérité. Tant que vous pensez détenir la vérité, la porte de votre esprit est fermée ; la vérité a beau frapper à votre porte, vous n’êtes pas prêt à la lui ouvrir. C’est la raison pour laquelle les connaissances sont un obstacle. Le bouddhisme exige de nous d’être libres. La liberté de pensée est la condition fondamentale pour le progrès. C’est l’esprit scientifique par excellence. C’est précisément dans cet espace de liberté que la fleur de la sagesse peut éclore.

Dans la tradition zen, la communauté est un élément très positif. Lorsque des centaines de pratiquants pratiquent ensemble en silence, l’énergie collective de pleine conscience et de concentration est très puissante. Cette énergie collective nourrit votre concentration à chaque instant et donne une chance au koan de faire une percée dans votre conscience. Un tel environnement est bien différent de celui d’une conférence, d’une réunion ou d’une discussion. Avec une bonne discipline dans votre pratique de la méditation et un cadre de pratique propice à la concentration, les conseils d’un maître zen et le soutien silencieux des co-pratiquants, vous avez les meilleures chances de réussir. 

 Thich Nhat Hanh


lundi 2 juillet 2012

Que suis-je ? avec Grazyna Perl

Daniel Morin nous parlait "Du Grand Je ne sais pas". Voici un extrait du livre de Grazyna Perl, "Quand la fleur se fane, où s'en va son parfum ?" où le parfum du "ne sais pas" nous embaume de nouveau...


«Que suis-je ? » Qu'est-ce que cet être qui respire, qui marche, qui mange, qui est assis là à méditer? Est-ce mon corps ? Mais je ne suis pas qu'un corps ? Qu'est-ce qui se pose ces questions ? Mon esprit? Mais je ne suis pas qu'un esprit. Qu'y a-t-il plus qui constitue ce «moi» ? Comment répondre ?
Maître Seung Sahn dit : « La question originelle est: "Que suis-je?" Et votre réponse est: "Je ne sais pas." Qu'est-ce qui "ne sait pas"? Vous êtes toujours coincé dans la question. Vous êtes à l'un de ses bouts : soit je sais, soit je ne sais pas, et ils sont opposés. Qu'arrive-t-il si vous jetez juste toutes ces questions et vous contentez de vivre ? » 


Un point essentiel de l'enseignement de Maître Seung Sahn est ce qu'il appelle l'esprit «ne sais pas ». L'esprit «ne sais pas » est l'esprit d'avant les pensées. « Qu'es-tu ? — Je ne sais pas. » C'est l'esprit que vous avez quand vous faites une réponse spontanée, sans avoir à réfléchir, sans qu'elle entraîne des pensées en chaîne. «De quelle couleur sont tes cheveux ? — Blonds. » 
Ou quand vous conduisez, et que vous ne faites que conduire ; quand vous dansez et que vous ne faites que danser ; quand vous riez, quand vous pleurez à chaudes larmes. Quand vous laissez la réalité apparaître.
 «Les dix mille questions ne sont qu'une question, disait Maître Seung Sahn : "Que suis-je ?" » 
Et cette question est le seul moyen direct pour comprendre l'esprit «ne sais pas». 


La position de méditation, la position zazen, correspond à cela : il s'agit de se poser, de déposer l'esprit, de laisser le corps respirer, avant que les questions viennent. Le but de la pratique que j'ai apprise de Maître Seung Sahn et que j'enseigne à mon tour est de conserver en permanence, partout et tout le temps, cet esprit «ne sais pas ». « Ne sais pas » n'a rien à voir avec l'ignorance. C'est l'esprit prêt à recevoir le monde tel qu'il est, «juste ainsi ». Il est pleinement ouvert à la vérité qui advient et nous ouvre au contraire les horizons les plus vastes.


p.54-57