Par quel miracle une simple balade en forêt, la contemplation d’un champ ou une belle vue sur la mer suffisent-elles parfois à faire baisser notre stress et nous recharger en ondes positives ? Explications avec une invitée du Festival inernational de journalisme (FIJ) dont La Vie est partenaire.
Le chant des oiseaux, le bruissement des feuilles dans le vent, l’odeur de l’humus ou le parfum iodé de la mer qui vous transporte… Et soudain, le chaos urbain s’évanouit comme un mauvais songe. La fin d’un cauchemar… On se retrouve. On renaît à soi. Ce n’est pas un mythe : la nature nous apaise et nous fait du bien. « Quand on y est plongé, on constate une réduction de la production de cortisol, de la tension artérielle (systolique et diastolique), de la variabilité du rythme cardiaque, et la tension subjective (selon les questionnaires psychologiques) », explique ainsi Amy Loughman, invitée au Festival international de journalisme (FIJ), qui se tient du 14 au 16 juillet à Couthures-sur-Garonne.
Désactiver les circuits du stress
Cette psychologue australienne, spécialiste des liens entre l’alimentation et la santé mentale, vient de lancer son activité de conseil pour aider les entreprises à aménager leurs bureaux afin d’y intégrer davantage de nature. « Tout a commencé au moment du confinement, j’étais en télétravail et j’allais nager chaque matin dans l’océan proche de chez moi, se souvient-elle. Je me suis ainsi rendu compte du bien que cela me procurait : si je ne nageais pas, j’étais beaucoup moins détendue, davantage de mauvaise humeur. » Une étude récente menée par les chercheurs de l’Institut Max-Planck pour le développement humain à Berlin a ainsi montré qu’il suffisait d’une heure de marche en pleine nature pour réduire considérablement l’activité de l’amygdale, une zone du cerveau liée aux émotions négatives, alors que celle-ci restait stable après une promenade similaire dans un environnement urbain.
Tout passe d’abord par nos yeux. Ils sont les vigies qui déclenchent notre système de réponse au stress quand survient un danger. Lorsque nous nous déplaçons dans l’espace, que ce soit en marchant ou en courant, nous entrons dans ce que les scientifiques nomment un flux optique. Les choses passent devant notre rétine à des vitesses variables, selon l’allure à laquelle nous circulons. En forêt, les arbres et la végétation apparaissent à un rythme relativement régulier. Nos yeux bougent alors naturellement latéralement, de gauche à droite et inversement. Cela enclenche un ensemble de processus dans le cerveau et le corps qui calment les circuits d’activation du stress.
Restaurer les capacités cognitives
Même chose lorsque l’on contemple la mer : pourquoi ce spectacle nous apaise-t-il tant ? se demande ainsi le neuroscientifique Michel Le Van Quyen dans son livre Cerveau et nature, pourquoi nous avons besoin de la beauté du monde (Flammarion). D’abord parce que nos yeux peuvent embrasser l’horizon. « Quand vous regardez un panorama, vous ne pouvez pas fixer votre regard sur un élément précis pendant très longtemps : votre champ visuel va alors s’élargir afin de pouvoir voir loin et de tous les côtés – au-dessus, en bas et sur les côtés. Ce mode de vision diminue votre stress, car il relâche, dans le tronc cérébral, le mécanisme qui intervient dans la vigilance et l’éveil. » Apaisé, notre cerveau profite de ce temps pour restaurer ses capacités cognitives.
C’est l’autre bienfait incroyable de la nature : elle rend notre cerveau plus performant. Des chercheurs de l’université Tongji, à Shanghai, ont ainsi montré en 2015 que les différentes zones cérébrales interagissent entre elles davantage quand nous sommes entourés de verdure. Surtout, la nature nous plonge dans un état de fascination douce qui nous apaise. Car il y regorge de ce que les scientifiques nomment des « fractales naturelles » : le dessin des arbres, de leurs ramifications, etc. Les fractales sont des objets géométriques qui présentent une structure similaire à toutes les échelles. Or dans la nature, ces formes sont souvent approximatives. Imparfaites, les fractales naturelles stimulent notre perception visuelle et notre curiosité sans nous fatiguer.
Stimuler le système parasympathique
Mais ce n’est pas tout. Nous avons pris l’habitude de nous considérer comme des êtres séparés de notre environnement. Or, il n’y a rien de plus faux : nous sommes physiquement en contact permanent et intime avec ce qui nous entoure. La lumière naturelle ne nous offre pas qu’un éclairage, elle pénètre en nous et rythme nos cycles quotidiens. « Il y a un type de récepteur dans les yeux qui capte la lumière naturelle, et indique au cerveau et aux autres parties du corps l’heure qu’il est. Le système du rythme circadien est très important pour le sommeil, la santé mentale et le bien-être en général », explique ainsi Amy Loughman. L’air que nous inspirons est chargé de molécules qui interagissent avec notre corps.
Lorsque nous nous promenons dans la forêt, nous inhalons ainsi des composés organiques très particuliers, les phytoncides, un mélange de substances émises dans l’air par les arbres qui les protègent en cas d’attaque par des bactéries ou des champignons nuisibles. Plusieurs études ont ainsi montré que les phytoncides étaient aussi très bénéfiques pour les humains : ils stimulent notre système parasympathique, qui, responsable des fonctions automatiques de notre organisme comme la respiration, ralentit notre organisme. Les phytoncides activeraient même notre système immunitaire.
Inviter la nature chez soi !
En fait, les bienfaits de la nature sont si nombreux qu’il faudrait sans doute concevoir la question autrement : et si nous étions faits pour vivre parmi les arbres, les pieds dans l’humus plutôt qu’entourés de béton et de goudron ? Et si c’était bel et bien la ville qui nous abîmait ? Finalement, l’urbanisation de nos modes de vie est très récente. Près de 70 % de la population mondiale vit aujourd’hui dans les villes, contre seulement 15 % en 1900. « Deux siècles, c’est bien trop peu pour que, habitué à la nature, notre cerveau s’adapte aujourd’hui à un nouvel espace de vie, totalement artificiel, empli d’informations, de bruit, de sollicitations… écrit ainsi Michel Le Van Quyen. Notre environnement a brutalement changé, passant du vert au gris, mais pas notre cerveau. Il reste encore largement celui d’un chasseur-cueilleur des steppes verdoyantes de nos origines paléolithiques. » C’est la théorie de la « biophilie », du biologiste américain Edward O. Wilson qui, dans les années 1980, a avancé l’idée que les humains ont une affinité génétique avec la nature, qui résulte de millions d’années d’évolution dans des environnements naturels. Il resterait même en nous une préférence instinctive pour un paysage particulier, la savane, ces étendues d’herbes hautes et d’arbres espacées, propices à la survie et où l’humanité s’est jadis épanouie.
Problème : nous n’avons pas tous la chance de pouvoir pratiquer des bains de forêt ou de mer. Comment faire pour profiter de ces bienfaits même si on n’habite pas à la campagne ? « Chaque jour, on peut essayer d’observer les détails de la nature dans notre vie quotidienne, par exemple, les formes des nuages, les feuilles des arbres, conseille Amy Loughman. On peut aussi inviter la nature chez soi ! Les plantes d’intérieur, les fleurs et même les images de nature nous font du bien… » Même à petite dose, la nature nous guérit de bien des choses…
source : La Vie
-----
1 commentaire:
Et nous avons toujours le ciel!
Enregistrer un commentaire