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dimanche 28 juillet 2024

Au cœur de l'ombre

  Quand nos ombres se lâchent et s'embrassent…


rosier Sainte Thérèse

Le soleil
Ne sait rien de l'ombre.
E. Guillevic
(Du domaine, p.108, Poésie/Gallimard)

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jeudi 10 septembre 2020

Baiser masqué

 

Faudra-t-il ne s’aimer que de chair pour pouvoir s’embrasser ?
Laisserons-nous cette peur irraisonnée nous interdire de recevoir un baiser ?
Consentirons-nous encore et encore à laisser nos aînés partir seuls sans les avoir enlacés ?
Oserons-nous longtemps n’offrir à nos tout petits que des visages masqués ?
Oublierons-nous à tout jamais le plaisir de laisser nos corps se frôler et nos mains se serrer ?
Et pourquoi ?
Par peur d’une mort que nous faisons tout pour occulter ?
Mais c’est une mort lente que nous programmons là, la mort de la fraternité humaine, la mort des relations tendres et respectueuses qui constituent le bonheur simple et essentiel de la vie, le renoncement à la capacité que nous avons de nous protéger et de nous auto-guérir grâce entre autres, à la joie et à l’affection que nous partageons, à la liberté qui nous fait rêver et créer, à l’amour sans lequel la vie à laquelle nous nous cramponnons n’a aucun sens ...

Elisabeth Kuhn

Robert Delaunay 1885-1941
Le baiser 1922

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samedi 4 juillet 2020

Histoire d'un baiser

Il est temps de faire un détour par l'étymologie : le mot « baiser » provient du latin basiare, dérivé du sanskrit bhadd (« ouvrir la bouche »). Il est décliné en trois genres : l'ami reçoit un osculum, l'ancêtre de la bise. C'est un bisou, effectué les lèvres fermées, sur la bouche, la main ou la joue. On se le donnait entre membres d'un même ordre social. Loin d'être une simple bise mondaine, le basium, lui, est empreint d'affection ; on le pratique chastement entre époux ou avec des membres de sa famille. Le suavium, enfin, correspond à notre « french kiss ». C'est un baiser érotique, avec insertion de la langue, que l'on échangeait surtout avec les prostituées ou les maîtresses. 
Devenu signe de reconnaissance pour les premiers chrétiens, le baiser se développe dans l'Empire romain, de l'Europe à l'Afrique du Nord. Au cours du Moyen Âge, il acquiert une signification publique avec l'hommage vassalique ou lors des cérémonies d'ordination des clercs. Majoritairement élitiste et masculin, il a alors valeur de sceau, de pacte indissoluble. « Il ratifie solennellement l'entrée dans une communauté ou la soumission au seigneur, commente Virginie Girod. Mais on se donnait aussi des baisers pour se saluer. Les chevaliers et tous les égaux s'embrassaient tête contre tête, sur les joues ou sur la bouche. » Plus bas était le rang de celui qui embrassait, plus bas était l'endroit de son baiser. Le dernier devait embrasser la poussière. A contrario, plus le statut montait, plus la place du baiser s'élevait. Partant des pieds, il remontait jusqu'à l'ourlet d'un vêtement, au genou et à la main. Le baise-pied était une coutume suivie par les personnes de basse condition, mais également par les seigneurs de la cour. 
À la Renaissance, le baiser laisse de côté son rôle officiel et redevient un acte érotique, voire un simple geste de tendresse. De rite social qui engage, le baiser entre ainsi dans le domaine de la vie privée. « Entre parents et amis, entre personnes de rangs différents, on embrasse désormais joue à joue, alors que le baiser sur la bouche, détenant une connotation érotique, est réservé aux amants », poursuit Virginie Girod. Avec l'affirmation du pouvoir royal et la disparition du système féodal, le baiser d'hommage n'est plus dans l'air du temps. Parallèlement, les poètes de la Renaissance mettent à l'honneur le baiser amoureux, avec toute sa sensualité et son érotisme. Les liens et les gestes affectifs prennent une dimension spirituelle, en lien avec la nature et les énergies qui y circulent. Selon la philosophie néoplatonicienne, en s'embrassant, les amants échangent leurs âmes. C'est une déclaration d'amour ! Les grandes épidémies de peste, notamment à Londres en 1665 ou à Marseille en 1720, contribuent à limiter les baisers sur la bouche. Mais cela ne dure pas, car ce geste intime est entré dans les moeurs...
Le premier baiser sur les lèvres est mentionné dans la littérature indienne, environ 1 500 ans avant notre ère. « Il est décrit comme l'inhalation de l'âme de l'autre », raconte l'historienne Virginie Girod, spécialiste de l'histoire des femmes et de la sexualité dans l'Antiquité. Des textes védiques décrivent des amants qui posent « leur bouche l'une contre l'autre », comment « un jeune seigneur lèche souvent la jeune femme », ou une pratique qui consiste à se humer avec la bouche. D'autres textes évoquent une ancienne loi hindoue condamnant l'homme qui boit l'eau des lèvres d'une esclave. Le Kama-sutra recense près d'une trentaine de formes de baisers. Et l'on voit déjà, à la même époque, des amoureux se bécoter sur des fresques égyptiennes. Un mythe babylonien, gravé dans la pierre au VIIe siècle av. J.-C. et inspiré de légendes orales bien plus anciennes, fait référence à un baiser de salutation et à un baiser de supplication (par terre ou sur les pieds), rapporte Sheril Kirshenbaum. 
Devenu un symbole d'estime et d'amitié, le baiser sur la bouche prend sa place, dès l'Antiquité, dans les rites de salutation. De nombreuses expressions démontrent son omniprésence dans les civilisations antiques. Par exemple, l'expression latine jactare basia (« jeter des baisers ») signifiait envoyer des témoignages de vénération ou d'affection. Dans la Grèce antique, il était synonyme d'égalité. On n'embrassait sur la bouche que ses semblables, en signe de respect. Il semble que ce soit à l'époque d'Alexandre le Grand (IVe siècle av. J.-C.) que le vrai baiser sur la bouche a fait son apparition, emprunté aux coutumes perses : en effet, dans ses Histoires, rédigées au Ve siècle av. J.-C., Hérodote évoque les baisers qu'ils s'échangent : lèvres à lèvres pour les personnes de même statut social, celles d'un rang inférieur devant embrasser le sol ou les pieds de leurs supérieurs. 

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Source : La Vie

samedi 14 avril 2018

Le monde est fait de réseaux de baisers, pas de pierres


"Nous, les êtres humains, nous vivons d'émotions et de pensées. Nous les échangeons lorsque nous sommes dans le même lieu et le même temps, en nous parlant, en nous regardant dans les yeux, en effleurant nos peaux. Nous nous nourrissons de ce réseau de rencontres et d'échanges, ou plutôt, nous sommes ce réseau de rencontres et d'échanges.
Mais en réalité, nous n'avons pas besoin de nous trouver dans le même temps et le même lieu pour avoir ces échanges. Les pensées et les émotions qui nous lient les uns aux autres traversent sans difficulté les mers et les décennies, parfois les siècles.
Déposées sur de minces feuilles de papier, ou virevoltant entre les connexions d'un ordinateur. Nous faisons partie d'un réseau qui va bien au-delà des quelques jours de notre vie, quelques mètres carrés où nous portons nos pas. Ce livre aussi est un fil de la trame... "
Carlo Rovelli, L'ordre du temps, Flammarion, 2018

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"On peut penser le monde comme constitué de choses. D'entités. De quelque chose qui est. Qui demeure. Ou bien on peut penser le monde comme constitué d'événements. D'occurrences. De processus. De quelque chose qui se produit. Qui ne dure pas, qui se transforme continuellement. Qui ne persiste pas dans le temps.
La destruction de la notion de temps par la physique fondamentale implique l'écroulement de la première de ces deux conceptions, non de la seconde. C'est la réalisation de l'omniprésence de l'impermanence, et non de l'immuabilité dans un temps immobile.
Penser le monde comme un ensemble d'événements, de processus, est le mode qui nous permet de mieux le saisir, le comprendre, le décrire. C'est l'unique mode compatible avec la relativité. Le monde n'est pas un ensemble de choses, c'est un ensemble d'événements.
La différence entre les choses et les événements, c'est que les choses perdurent dans le temps. Les événements ont une durée limitée. Le prototype d'une chose est une pierre : nous pouvons nous demander où elle sera demain. Tandis qu'un baiser et un événement. Se demander où se trouvera le baiser demain n'a pas de sens. Le monde est fait de réseaux de baisers, pas de pierres."

Carlo Rovelli, L'ordre du temps, Flammarion 2018
Carlo Rovelli est physicien et un des chefs de file de la gravité quantique à boucles

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