Cet abrégé, conclusion de l’expérience faite par une personne qui participait pour la première fois à une retraite en silence, vaut plus que toutes les théories qui tentent d’objectiver les avantages de la pratique méditative appelée zazen.
« Je sors de cette retraite en silence ... apaisée ! »
Lorsque A.M. m’a dit cela je n’ai pas douté un instant de
l’authenticité de son expérience. Sa manière d’être en tant que personne, sa
manière d’être en tant que corps-vivant (IchLeib) confirmait son expérience
intérieure. Sa manière d’être et de s’exprimer, particulièrement sobre, donnait
l’impression qu’elle ne tombait pas dans le piège souvent tendu par l’ego :
l’idée que ce pourrait être définitif.
Lorsque je lui ai dit « voilà une bonne raison pour reprendre
l’exercice demain », son éclat de rire rendait compte de sa compréhension du
mot Chemin et confirmait sa détermination.
Une autre participante à cette première retraite
post-confinement, résumait son expérience par ces mots :« Au cours de ces
quelques jours, les exercices que nous avons pratiqué m’ont permis de rompre
cette urgence permanente qui gangrène mon existence quotidienne ! »
J’avais orienté la retraite en silence en invitant chacun «
à tout faire un petit peu plus lentement ». Tout ! S’habiller, marcher du
parking au Dojo, passer de la cuisine à la salle à manger, faire la vaisselle.
Briser la culture du tout faire vite, plus vite qui emmène bon nombre de nos
contemporains au burn-out ou à la dépression.
Un autre commentaire m’a particulièrement touché. « La
retraite en silence que vous animez est vraiment une réponse à ce besoin vital
de souffler, de se ressourcer. Je vous suis reconnaissant de ne pas nous
assommer de promesses surabondantes et illusoires dont la plupart des ouvrages
qui ont pour thème la méditation sont truffés. Merci de nous avoir donné
quelques clés pour trouver en soi les moyens de traverser les épreuves de la
vie ».
Se sentir apaisé ! Rompre avec ce sentiment d’urgence qui
gangrène notre existence quotidienne ! Trouver en soi les moyens de traverser
les épreuves de la vie !
Ces témoignages devraient nous interpeller ; d’autant plus
en cette période de pandémie. Ils m’invitent à concevoir qu’il est possible
d’assumer les conséquences d’une telle épreuve sans être attaché au désir du
retour à une vie extérieure qui serait comme avant. Une telle adversité peut au
contraire être l’opportunité de rompre avec les normes réclamées ou dictées par
le monde extérieur et à contrario de se centrer ou se recentrer sur
l’essentiel.
Se centrer sur l’essentiel ! Comment ?
La réponse donnée à cette question par K. Graf Dürckheim à
son retour du Japon (1947), suite à son immersion d’une dizaine d’années dans
le monde du Zen est résumée dans cette ordonnance : « Le Chemin est la
technique ; la technique est le Chemin ».
Zazen, technique qui consiste à ne rien faire mais à fond
(comme le disait André Comte-Sponville après avoir participé une sesshin au
Centre) est très certainement l’exercice le plus simple et accessible au plus
grand nombre. Il est vrai que le plus simple n’est pas toujours ce qu’il y a de
plus facile à réaliser. Voici ce que me disait Graf Dürckheim suite à ma toute
première expérience de cet exercice qu’est la pratique méditative sans objet :
« Vous savez, l’exercice appelé zazen sera toujours un peu difficile pour ce
qu’on appelle l’ego. Mais il faut savoir que le démantèlement du ‘’moi’’ est la
condition fondamentale de la réalisation du vrai soi-même. Il ne s’agit pas
d’anéantir le ‘’moi‘’ mais de transformer un ego uniquement centré sur lui-même
afin de nous ou ouvrir à ‘’ce plus que l’ego‘’ que nous sommes déjà au plus
profond de nous-mêmes ». (1)
L’usage du kanji ZAZEN m’oblige à réaffirmer ce qui apparaît
comme étant fondamental sur la Voie tracée par Graf Dürckheim et dans
l’enseignement qui nous est proposé depuis quelques années par le maître Zen
Hirano Katsufumi Rôshi (2) : « ZAZEN EST DIFFÉRENT DE LA MEDITATION ».
« Il y a mille et une manière de méditer ; il n’y a qu’une
manière de pratiquer zazen ».(H.R.)
« On ne pratique pas zazen avec le mental ». (H.R.)
« Laisser le corps, le corps vivant (Leib), prendre le
dessus sur le mental ». (K.G.D.)
« En pratiquant zazen, le corps (Leib) prend la forme du
calme ». (H.R.)
« Comment
fait-on pour devenir calme ? »
Question posée par Graf Dürckheim à un maître zen au début de son séjour au Japon. Avec un sourire malicieux le maître répond : « Simplement laisser sortir le calme qui est en soi ... oui, simplement laisser sortir ... »
(1) La Sagesse exercée — Jacques Castermane — Ed du Relié (2013)
(2) Lire :
ENSEIGNEMENTS — propos du maître Zen Hirano Katsufumi Rôshi
Propos recueillis
par Jocelyne Derudder www.tenchijin-zen-kai.fr
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