Anne-Dauphine Julliand est mère de quatre enfants, dont deux petites filles, Thaïs et Azylis, sont décédées à la suite d'une terrible maladie génétique. Son premier livre, Deux Petits Pas sur le sable mouillé (Les Arènes, 2011) a rencontré un succès phénoménal.
Il a été suivi de son deuxième livre, Une journée particulière, puis d'un film documentaire, Et les mistrals gagnants. Son dernier livre, Consolation (Les Arènes), est une méditation sur la souffrance d'une rare élévation. Elle nous livre ici ses réflexions sur le sujet.
Rompre l'isolement
La souffrance est quelque chose d'éminemment personnel. Elle nous appartient complètement. Ce n'est pas une question de décence, mais elle est véritablement indicible. Les mots ne peuvent pas dire totalement ce que j'ai vécu avec la perte de mes deux petites filles. La souffrance se vit seul, dans l'intimité de ce qu'on est.
Il est normal que je ressente de la solitude dans ce que je suis le plus profondément. Je tiens à le souligner pour que ceux qui souffrent ne se disent pas qu'il est anormal d'avoir un tel sentiment. Quand on apprend un drame, tout ce qui entoure s'efface. Immédiatement, il n'y a plus que la souffrance à l'intérieur de soi. Mais la solitude n'est pas l'isolement. Si elle le devient, alors c'est dramatique.
Ne pas se comparer à celui souffre
Le risque, lorsque l'on se compare, est de se sentir illégitime pour consoler. L'autre est vu comme inaccessible, effrayant. Il m'est arrivé, en parlant des épreuves que j'ai traversées, de rencontrer l'effroi dans le regard des gens. « Comment peut-elle être de ce monde ? », se disaient-ils.
C'est difficile à vivre. Cette mise à distance qui me peinait n'avait pas lieu d'être. Ma souffrance a beau être très singulière, elle appelle comme toutes les autres une consolation. Quelle que soit la souffrance, la même relation doit s'instaurer.
Établir une relation
Consoler est toujours délicat et douloureux. Ce serait anormal que la consolation soit facile, qu'on la maîtrise. C'est une relation qu'on établit : il s'agit de rapprocher son coeur de celui de l'autre par un geste ou par un mot. D'entrer en relation, complètement, dans l'instant.
Le toucher est particulièrement important parce qu'avec lui on se sent vivant. L'autre peut s'avancer dans mon espace vital pour adoucir physiquement ma peine. Mais il n'y a pas de recette ! On aimerait tant qu'il y en ait une : on serait moins embarrassé.
Mais ce n'est pas grave de l'être !
Accueillir la souffrance de l'autre
Il s'agit d'accueillir, et non pas de ressentir la souffrance de l'autre, de l'accompagner. Et les personnes les plus empathiques ne sont pas toujours les meilleures consolatrices. Car la consolation n'est pas un don, c'est une relation à la portée de chacun. À condition d'accepter notre impuissance à gommer la peine de l'autre. On peut seulement marcher avec sa souffrance.
Accepter que l'autre se referme
La souffrance ferme et ouvre le cœur à la fois... Il faut être réaliste : un cœur qui souffre a plus de mal à aimer. Lorsque mes filles sont mortes, à chaque fois, j'ai été très triste pour mon mari. Mais il faut admettre que je ressentais d'abord ma propre souffrance. On fait ce que l'on peut.
Je crois qu'il faut être doux avec soi-même. Admettre que parfois je ne peux pas accueillir les souffrances des personnes qui viennent vers moi. Il me semble qu'il faut être naturel. Souvent j'ai dit : « Là je ne peux pas, cela me submerge trop. »
Répondre à l'appel des larmes
Pleurer est un signal envoyé, un appel. Pour ma part, je ne laisse jamais quelqu'un pleurer dans la rue. J'interviens : « Ça va ? » Parfois, je n'ai pas vraiment de réponse : peut-être que ma simple petite intervention a permis à la personne de se ressaisir, sur le moment.
Un jour, j'étais assise dans un carré du métro, devant une jeune fille qui ne cessait de pleurer. Je lui ai posé ma question. Et elle m'a parlé, longuement. J'ai pu la consoler, car elle ne se sentait plus seule. Il faut alors être prêt à ne pas descendre à la station de métro où l'on devait s'arrêter. Toujours est-il qu'il n'est pas possible de dire que les larmes sont gênantes : elles nous interpellent.
Agir dans l'instant présent
La parole sincère, le geste qui console, c'est maintenant. Beaucoup de peurs s'évaporent quand on est dans l'instant présent. C'est important de comprendre que maintenant, si je souffre, ce n'est pas pour toujours. De se le redire : je peux pleurer maintenant en vérité, car c'est un instant. Ce n'est pas toute la vie.
Consentir à la présence de Jésus
Pour moi, Jésus a été toujours présent tel qu'il est : sans jamais s'imposer. Il est celui qui est à mes côtés et qui propose. Toujours sous la forme d'une question : « Est-ce que tu veux de moi ? » C'est à notre liberté de consentir. Cela nécessite un acte de notre part pour répondre « oui », comme la Vierge au pied de la croix. Mais cela n'empêche pas de souffrir.
La foi ne fait pas disparaître la souffrance, mais elle empêche de désespérer. À la mort de Thaïs et d'Azylis, j'ai été détruite comme n'importe quelle mère. Les larmes me défiguraient. La douleur n'est pas belle. Mais je savais qu'Il était là et m'aimait. C'est la source profonde de ma paix.
Accueillir la souffrance de l'autre
Il s'agit d'accueillir, et non pas de ressentir la souffrance de l'autre, de l'accompagner. Et les personnes les plus empathiques ne sont pas toujours les meilleures consolatrices. Car la consolation n'est pas un don, c'est une relation à la portée de chacun. À condition d'accepter notre impuissance à gommer la peine de l'autre. On peut seulement marcher avec sa souffrance.
La souffrance ferme et ouvre le cœur à la fois... Il faut être réaliste : un cœur qui souffre a plus de mal à aimer. Lorsque mes filles sont mortes, à chaque fois, j'ai été très triste pour mon mari. Mais il faut admettre que je ressentais d'abord ma propre souffrance. On fait ce que l'on peut.
Je crois qu'il faut être doux avec soi-même. Admettre que parfois je ne peux pas accueillir les souffrances des personnes qui viennent vers moi. Il me semble qu'il faut être naturel. Souvent j'ai dit : « Là je ne peux pas, cela me submerge trop. »
Répondre à l'appel des larmes
Pleurer est un signal envoyé, un appel. Pour ma part, je ne laisse jamais quelqu'un pleurer dans la rue. J'interviens : « Ça va ? » Parfois, je n'ai pas vraiment de réponse : peut-être que ma simple petite intervention a permis à la personne de se ressaisir, sur le moment.
Un jour, j'étais assise dans un carré du métro, devant une jeune fille qui ne cessait de pleurer. Je lui ai posé ma question. Et elle m'a parlé, longuement. J'ai pu la consoler, car elle ne se sentait plus seule. Il faut alors être prêt à ne pas descendre à la station de métro où l'on devait s'arrêter. Toujours est-il qu'il n'est pas possible de dire que les larmes sont gênantes : elles nous interpellent.
Agir dans l'instant présent
La parole sincère, le geste qui console, c'est maintenant. Beaucoup de peurs s'évaporent quand on est dans l'instant présent. C'est important de comprendre que maintenant, si je souffre, ce n'est pas pour toujours. De se le redire : je peux pleurer maintenant en vérité, car c'est un instant. Ce n'est pas toute la vie.
Consentir à la présence de Jésus
Pour moi, Jésus a été toujours présent tel qu'il est : sans jamais s'imposer. Il est celui qui est à mes côtés et qui propose. Toujours sous la forme d'une question : « Est-ce que tu veux de moi ? » C'est à notre liberté de consentir. Cela nécessite un acte de notre part pour répondre « oui », comme la Vierge au pied de la croix. Mais cela n'empêche pas de souffrir.
La foi ne fait pas disparaître la souffrance, mais elle empêche de désespérer. À la mort de Thaïs et d'Azylis, j'ai été détruite comme n'importe quelle mère. Les larmes me défiguraient. La douleur n'est pas belle. Mais je savais qu'Il était là et m'aimait. C'est la source profonde de ma paix.
source : La Vie
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