Question légitime. À quoi bon zazen, Kin-hin (la marche momentanéisée), la Leibtherapie ?
Réponse : Pour les effets que vous découvrez en pratiquant ces exercices qui n'ont d'autre but que l'éveil de l'homme à sa vraie nature d'être humain. Il serait donc aberrant de vous présenter une liste des cent bienfaits de la pratique du zazen. Une liste d'autant plus incohérente que zazen est spécifié depuis plus de vingt-cinq siècles comme devant être pratiqué sans but.
Nonobstant, je peux affirmer que
les exercices que je pratique depuis une cinquantaine d'années et que
j'enseigne (avec la collaboration de quelques élèves qui approfondissent
toujours encore les Enseignements qu'ils suivent au Centre depuis de nombreuses
années) contribuent à un effet. Mais alors, lequel ? Je ne peux que me répéter
: l'effet qu'on découvre soi-même en pratiquant ces exercices.
Plutôt que de dispenser des
promesses, je préfère donc être à l'écoute des personnes qui cheminent sur la
Voie de l'action. J'ai demandé aux participants qui terminaient une retraite en
silence de prendre le temps de se remémorer un éventuel EFFET d'un exercice
pratiqué au cours de cette semaine? Un effet ! Ce moment inattendu qui
subitement nous émeut, nous étonne, nous surprend et parfois même nous bouscule
hors de l'habituel ?
Voici quelques réponses :
L* : "L'exercice appelé
Gazen (le Zen allongé) m'a surpris, parce que je pensais qu'il n'y avait que Zazen
(le Zen assis). L'attention au geste de SE détendre, tout au long de chaque
expiration, m'a englouti dans un océan de calme ...Plus rien ne pouvait me
perturber ou m'agiter, tant ce sentiment de paix intérieure était vaste et
bon".
S* : "Lorsque nous avons
exercé les gestes qui sont à l'origine de l'activité corporelle de tous les bébés
venus au monde, ce que vous appelez "la chorégraphie des bébés", je
me suis sentie sacrément vivante ! Ce n'est pas que j'ai compris mais j'ai
vraiment senti ce qu'est le passage de —je-suismoi—l'enfermement dans l'ego) à
—jeSuis— (cette part de nous-même qui transcende l'ego) ! Cette expérience,
laquelle m'a ouvert à la simple joie d'être, me convainc de reprendre la
pratique de zazen chaque jour."
M* :"Au cours de la marche
pratiquée très lentement et longtemps en engageant la pleine attention à chaque
pas, j'ai été surpris de faire l'expérience de ce sentEment qu'est le grand
calme ; un calme qui n'est pas conditionné à telle ou telle circonstance
favorable. C'était absolument clair, le calme intérieur a sa source, non pas
dans le mental mais dans -le corps que nous sommes-. Je dois avouer que je ne
comprenais pas ce que pouvait être cette relation entre le calme et ce que vous
appelez -le corps que nous sommes-. Mais au cours de cet exercice, je l'ai
ressenti. Lorsque vous avez dit que : "Ce pas, celui-ci, jamais encore n'a
été et plus jamais ne sera!" j'ai tout à coup senti ce qu'on appelle l'éternité
ou le calme éternel.
V*: "Pendant une séance
individuelle de Leibtherapie j'ai fait l'expérience de ce que Graf Dürckheim appelle
—Leib—, le corps vivant dans sa globalité et son unité. Cette sensation de
respirer de partout m'a libérée de l'envie de bouger (qu’habituellement je
n’arrive pas à contrôler) et je suis restée absolument immobile pendant la
demi-heure qui a suivi la séance ! Quel apaisement !"
J* : "Votre proposition,
lorsqu'on pratique zazen, de se glisser dans la pleine attention à cette action
du corps vivant " JeInspire" (en un mot) ... "JeExpire" (en
un mot) et de découvrir que le -moi- n'y est pour rien, m'a plongée dans un
calme enveloppant. En conclusion, encore et encore avec gratitude".
M*: " Lorsque vous avez dit
que — ce qui nous rassemble tous est le fait que d'instant en instant chacun
inspire.... expire... inspire... et que nous n'y sommes pour rien —, j'ai
ressenti un bouleversement intérieur. Tout en restant dans ce contact sensoriel
avec ce que vous appelez un geste de la Vie, j'avais les larmes aux yeux, je
reconnaissais que ma fille respire ... ma petite-fille respire ...que ma
voisine, qu'il m'arrive de trouver énervante ... respire. J'ai l'impression,
non pas de comprendre, mais de faire l'expérience de ce qu'on appelle la compassion
!"
D*: "Lorsque, au cours de la
pratique de zazen, vous avez rappelé ce que disait Hirano Rôshi — "La respiration
est la signature de la vie" — cet exercice, que je pratique depuis
plusieurs années, a instantanément changé de niveau ! C'est dingue ! La simple
attention au va-et-vient qu'est le souffle me remplit de confiance et de joie.
"
Bien ! Ce qui m'intéresse à la
lecture de ces quelques effets, c'est qu'ils ne constituent pas une liste de bienfaits
envisageables dans un futur proche ou lointain, ce qui sous entendrait que nous
pourrions les fabriquer à coups d'exercices. Il s'agit d'une expérience
momentanée (ressentie au moment présent) qui a ses racines au plus profond de
nous-même, dans notre vraie nature d'être humain. Au cours de l'exercice, il se
passe quelque chose qui nous met en contact avec une réalité que nous sommes
dès l'origine de notre existence. Je pratique zazen, cet absolu rien faire, et
voilà que tout à coup un voile se déchire. D'un instant à l'autre il arrive
qu'on se voie, qu’on se sente autre, c'est-à-dire un petit peu plus soi-même.
Ce que Graf Dürckheim propose à
l'homme occidental à son retour du Japon où il s'est immergé durant une dizaine
d'années dans le monde du Zen est que le verbe ÊTRE, l'acte d'être, est du
ressort du corps, du corps que nous sommes (Leib). Nous sommes enfermés dans un
désir et un souci de maîtrise ; l'exercice appelé zazen consiste à lâcher-prise
de cette obsession mentale et à donner au corps vivant, dans sa globalité et
son unité, la place qui lui revient : la première.
À celles et ceux qui ont bien
voulu transmettre leur expérience il me reste à dire que "Ce que vous avez
senti est une bonne raison pour reprendre la pratique de zazen demain. Le
chemin est la technique ; la technique est le chemin".
Jacques Castermane
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