lundi 2 mars 2020

“Par la méditation, le monde devient ma famille” (1)

Comment prendre soin de nous, des autres et de la Terre ? En commençant par méditer pour cultiver notre bienveillance et réveiller notre sentiment de responsabilité. C’est la conviction du chercheur en psychologie Ilios Kotsou, à découvrir lors de la journée Méditation organisée par La Vie le 16 mai prochain au Grand Rex à Paris.

Qu’est-ce que la méditation ?
Une science de l’attention, qui permet d’observer avec lucidité et bienveillance la mécanique de nos émotions pour les transformer en ressources. Personnellement, c’est par la question des émotions et des douleurs de la vie – notamment le décès de mes parents quand j’avais 16, puis 17 ans – que je suis revenu vers la méditation et que j’ai découvert la puissance de cette pleine attention. J’ai vu tellement de personnes, dont un ami proche qui s’est suicidé, se débattre dans des émotions compliquées et une vraie souffrance psychologique, que j’ai voulu comprendre, en observant ce qui se passait en moi et chez les autres, comment se reconnecter à nos ressources intérieures et dépasser nos difficultés à vivre.
Qu’est-ce qui vous a aidé dans ce parcours ?
Des lectures, d’abord, m’ont beaucoup éclairé, comme celle de Milton Erickson, fondateur de l’hypnose ericksonienne. Ce psychologue atteint de poliomyélite a mis ses souffrances et sa résilience au service des autres. Il rejoint le constat du bouddhisme quand il observe que, face aux automatismes négatifs qui entravent notre capacité à vivre, chacun possède au plus profond de lui un réservoir d’énergies personnelles pour modifier sa façon d’être. La méditation nous apprend à observer avec bienveillance les mécaniques émotionnelles dans lesquelles on s’enferme pour trouver une autre liberté. Des rencontres dans la tradition bouddhiste tibétaine, aussi, m’ont enseigné sur le fonctionnement de l’humain.
La méditation nous apprend à observer avec bienveillance les mécaniques émotionnelles dans lesquelles on s’enferme pour trouver une autre liberté. 
Tout jeune, vous aviez fréquenté une communauté au fonctionnement sectaire…
Oui, et je craignais, à cause de cette mauvaise expérience de jeunesse, tout ce qui est gourou et prise de pouvoir. J’étais donc un peu en recul avec la tradition spirituelle, et c’est la science qui m’a réconcilié de manière laïque, rassurante, avec la méditation et m’a permis d’habiter ces pratiques autrement. Les thérapies de pleine conscience, d’acceptation et d’engagement (ce qu’on appelle « la troisième vague » en psychologie comportementale) se caractérisent par un vrai pragmatisme de l’expérience tout en prenant en compte l’importance de la présence et de la compassion inhérentes aux traditions spirituelles. C’est une réconciliation rassurante entre les sciences objectives et les approches altruistes. Qu’on soit bouddhiste, chrétien ou athée, on peut se retrouver dans ce double besoin de faire vivre notre relation à la vie intérieure et de regarder l’autre avec compassion. Moi-même, je vois aujourd’hui en Bouddha la figure d’un médecin qui cherche à comprendre la cause de la souffrance et à y trouver remède.
Alors que beaucoup ont pris leurs distances avec la pratique religieuse, les sciences contemporaines semblent confirmer notre besoin de spirituel…
Oui ! Et ce qui est formidable, c’est que la recherche scientifique réhabilite l’expérience subjective et nous réconcilie avec la vie intérieure. Grâce à l’imagerie médicale, on peut voir quelqu’un méditer tout en enregistrant l’activité de son cerveau pour en constater les effets positifs. Il y a désormais un dialogue très fructueux entre les neurosciences et les sciences contemplatives, qui a rationalisé l’accès à la méditation et a encouragé toute une pédagogie pour mettre de la spiritualité dans le quotidien de nos vies.
Cet outil de bien-être peut-il nous rendre plus attentionné aux autres ?
Oui, car il existe des correspondances entre la bienveillance pour soi et la bienveillance pour autrui. Si je ne me juge pas, si je suis moins rigide et intolérant envers ce que je n’aime pas chez moi, je le serai aussi pour les autres. Méditer, ce n’est pas juste de l’attention, mais de « l’attention attentionnée ». Si la science s’est d’abord intéressée aux bénéfices de la méditation sur la santé, le stress, la dépression, elle se penche désormais sur sa dimension éthique. Des recherches montrent que les liens sociaux sont les premiers facteurs du bonheur. Les plus généreux, on le sait, sont les plus heureux !

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