Toutes les voies spirituelles éprouvées et qui sont restées vivantes, c’est-à-dire qui ont réussi à garder des pratiques efficaces, et non seulement des croyances, comportent des paliers de progression.
Je sais, il est de bon ton aujourd’hui de confondre Eveil, au grand sens traditionnel du terme, et état de conscience modifié. Le risque de croire à son propre éveil (et donc de s’imaginer sur une voie dite « directe », c’est-à-dire soudaine et sans étapes) est d’autant plus grand que le chemin se fait de manière autonome, hors de toute école et hors de tout peer-review. Mais laissons cela au niveau narcissico-phallique du développement personnel pour décrire plutôt comment est construite la progression dans une voie spirituelle.
Premier palier : la personne arrive en général avec tout un arrière-plan d’insatisfactions, qui est d’ailleurs la base nécessaire pour envisager un changement. Cet historique a eu un impact souvent significatif sur la vitalité de la personne. Parfois, elle ne sait même plus qui elle est vraiment, ni ce qu’elle veut. Il y a donc souvent dévitalisation couplée à une forme de désorientation.
Bien entendu, il ne s’agit le plus souvent pas de niveaux suffisants pour entrer dans le domaine de la pathologie franche ou de la classification psychiatrique du DSM V. Mais il n’empêche que cette base vitale, et l’axe intérieur qui en émerge normalement sont souvent affaiblis.
Le premier palier consiste donc le plus souvent à rétablir une vitalité normale, c’est-à-dire à reconstituer un capital énergétique. Nous sommes là dans un problème d’abord quantitatif.
Dans un deuxième temps, il va également s’agir de changer la qualité énergétique du pratiquant ou de la pratiquante pour que sa « fréquence » puisse changer. J’utilise une analogie qui vaut ce qu’elle vaut, mais imaginez que vous viviez des événements répétitifs, mimant une boucle dont vous voulez sortir. Dans ce cas, on se retrouve un peu comme quelqu’un qui écoute sans cesse la même station de radio, alors même qu’on souhaiterait changer de programme.
Pour cela, il faut changer de fréquence. Si on ne travaille que sur le quantitatif, alors nous pouvons aller jusqu’à couper éventuellement le son, mais nous nous retrouvons alors sans énergie, comme éteints. Ce n’est pas une bonne solution.
Le deuxième temps va donc consister à changer la qualité énergétique (informationnelle, pourrait-on dire) de la personne qui pratique. C'est à ce stade qu'on trouve les pratiques de cleaning.
Comment ? Les traditions regorgent de techniques à ce propos : en changeant un peu son alimentation, en utilisant des visualisations, des pratiques corporelles ou symboliques. Une psychothérapie bien conduite peut d’ailleurs faire office de pratique utile à ce moment-là. Dans le taoïsme, on dit que le pratiquant travaille sur la 5ème dimension.
Le troisième temps consiste à consolider les deux premiers paliers en mettant en place des pratiques de protection subtiles, d’une part pour éviter de nouvelles fuites énergétiques, d’autre part pour éviter de retomber dans des plans de fréquences trop bas (nos anciens schémas).
Le quatrième temps peut s’apparenter au deuxième, mais il va plus loin : il s’agit à ce stade d’incorporer une forme de lumière. Ça peut paraître un peu étrange, car il ne s’agit pas d’une lumière visible la plupart du temps, mais de lumière dans son aspect subtil et mystérieux. À ce stade, le pratiquant travaille sur la 6ème dimension (la dimension des Gui/fantômes, ou de l’ombre selon Jung).
Il est d’ailleurs intéressant de voir qu’on ne travaille pas sur l’ombre en ressassant sans cesse de vieux démons, mais en amenant de la « lumière » pour faire disparaître la pénombre. Un peu comme si on décidait de s’occuper à fond des plus belles fleurs de notre jardin, sans trop insister sur les mauvaises herbes, qui resteront à leur place si elles sont contenues par un écosystème par ailleurs sain et vigoureux.
La cinquième étape consiste à affiner la lumière : le pratiquant travaille alors la 7ème dimension. Et par la suite, la 8ème, s’il continue son travail.
Enfin, la dernière étape consiste à fusionner avec le Réel ultime ou à arriver sur son seuil. Evidemment, à ce stade, aucun témoignage n’est possible pour la simple raison que nous ne pouvons en ramener aucun souvenir. Comme dans le sommeil profond, on sait qu’on y était lorsque l’on en revient, profondément régénéré.
Car nous devons revenir. Ce qui signifie que nous sommes plus insérés dans des cycles de pratique que dans une évolution linéaire. On pourrait plutôt comparer la progression spirituelle à un mouvement spiralé, où l’on repasse fréquemment au même endroit, sans être jamais exactement au même niveau.
Oui, c’est bien beau tout ça, mais à quoi ça sert au fond ?
La première, c’est qu’avec le temps, les choses qui nous nourrissent changent de nature si nous restons en mouvement. Cela signifie qu’en avançant en âge, la nourriture dont nous avons besoin devient plus subtile. Les choses qui nous nourrissaient antérieurement, même considérées comme positives sur un plan humain (un bon job, une bonne entente avec ses enfants, une relation amoureuse harmonieuse) se révèlent soudain insuffisantes à nous satisfaire profondément.
La nature nous force à approfondir notre relation au Réel, et à passer du grossier au subtil, car au fond elle vise à la fusion ultime avec nous. C’est un peu chiant, parce qu’elle ne nous fout pas la paix, mais c’est comme ça. Donc soit on évolue, soit on s’étiole.
La deuxième c’est que ce travail nous oblige à investir la partie en nous qui ne flétrit pas avec le temps, mais au contraire se déploie. Notre essence, notre âme. Nous ne pouvons pas compter indéfiniment sur nos atouts physiques pour obtenir satisfaction. Le narcissisme physique fonctionne, chez certains d’entre nous, plutôt bien jusque vers 40 ans. Passé cette étape, nous ne pouvons plus compter uniquement sur ces atouts pour avancer dans la vie.
Pire : au-delà d’un certain âge, si c’est la seule chose que nous avons investi, nous nous exposons à une sérieuse déconfiture et à une fin de vie bien triste. Ce lâcher prise du plan physique ne peut se faire que si nous disposons d’une alternative réelle et éprouvée par chacune de nos cellules. On ne lâche pas un trapèze sans en tenir un autre dans la main. Sentir la partie immortelle en nous, notre âme, notre esprit (peu importe le nom qu’on lui donne), cela S’ENTRAINE.
Et comme pour tout entraînement, il vaut mieux s’entraîner quand tout va bien qu’en situation d’urgence ou de crise. Lors de la crise, nous bénéficions de notre entraînement, mais ce n’est pas à ce moment que nous le faisons. Eventuellement, oui, cela peut se présenter comme un ultime et dernier grand entraînement, mais d’ici là, entraînons-nous tant que nos dispositions sont bonnes, ou en tout cas pas trop mauvaises.
Car oui, le travail spirituel est un entraînement à la mort. Est-ce morbide ? Pas du tout, au contraire. Cela nous fait sentir chaque jour à quel point la vie est précieuse et belle et mérite d’être vécue entièrement, en nous exprimant au plus proche de notre nature profonde. Et en créant, surtout. N’importe quoi, mais en créant. Et en même temps, nous développons un espace intérieur de plus en plus riche, qui lui ne s’étiole pas, mais au contraire croît avec le temps, tout comme notre liberté profonde.
Citons Dürckheim pour terminer ce petit texte: « Si un adulte de plus de 40 ans ne pense pas au moins une fois par jour à la mort, c’est qu’il manque de maturité ».
Bonne pratique !
Fabrice Jordan
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