Si par hasard, comme Robinson, vous deviez vous résoudre à résider longuement sur une île déserte, je ne saurais trop vous conseiller d’emporter avec vous ce livre, par lequel vous désapprendrez l’ennui. Et si par bonheur cet ouvrage exceptionnel - où Patrick Mandala traduit les instructions spirituelles de Ramana Maharshi - tombait entre vos mains, je vous conseille ce petit exercice : ouvrez-le à n’importe quelle page… Vous en serez nécessairement (pour le moins) étonné(e) - voire retourné(e), renversé(e), inversé(e)… Des exemples ? « Qu’est-ce que le lâcher-prise ?» demande ingénument le disciple. Le maître lui répond en utilisant… le lexique du contrôle et de l’obéissance : « La maîtrise du mental est la même chose. L’ego se soumet s’il reconnaît la plus haute autorité du Soi. » (p. 15) Pensait-on que le grand instructeur prônait la voie directe, l’éveil instantané, le non-chemin ? Et nous voici lisant : « La pratique est nécessaire. » (p. 24). Imaginait-on la méditation comme une posture assise et immobile durant des heures ? Elle se révèle infiniment davantage : « La meilleure méditation est celle qui continue dans les trois états. » Et si vous vous demandez quels sont ces trois états, les voici aussitôt précisés : la « veille », le « rêve » et le « profond sommeil » (p. 28)…
La libération ici décrite est donc celle d’un maître déroutant, hors normes, baignant en continu dans une liberté totale vis-à-vis de ces pensées nuageuses, si infimes soient-elles, qui dissimulent la splendeur de la Conscience qui nous anime de manière continuelle, infaillible, divine : « Dans le samadhi, l’esprit est si vif qu’il fait l’expérience du Brahman. […] En fait, il est devenu le Brahman lui-même. » (p. 28-29) Bien sûr, de nombreuses notions du vocabulaire hindou sont ici explicitées de manière précise : le nirvana, les vasanas, nirvikalpa, sahaja, etc. Mais dès que le questionneur s’égare dans une métaphysique qui l’éloigne du présent, le maître le ramène à l’essentiel, ici et maintenant : « Pour le moment, laissez Dieu où Il est. Qu’en est-il de « vous » ? » (p. 74) A la fois érudit et rafraîchissant, ce livre vivant, composé de questions-réponses, non seulement remet nos pensées en place, range les concepts dans les rayons appropriés, ranime notre exigence intérieure, redessine une voie vers la grande Libération, mais encore nous fait beaucoup de bien en nous ramenant, inlassablement, dans l’accessible et radieuse simplicité de cette incarnation qui est la nôtre à chaque instant : « Le fait est que vous êtes, maintenant, parfait, et votre supposée imperfection n’est que votre propre création. » (p. 73)
Sabine Dewulf
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